par Paul Touboul.
On ne peut manquer de s’étonner de la passive soumission de notre pays qui a toujours su montrer dans le passé son goût de la contestation et son penchant à manifester à la moindre occasion.
De la crise sanitaire qui atteint aujourd’hui son septième mois, se dégage entre autres données d’analyse celle de la relative passivité de la population qui semble s’être soumise sans trop rechigner aux mesures contraignantes imposées.
On ne peut manquer de s’en étonner tant notre pays a toujours su montrer dans le passé son goût de la contestation et son penchant à manifester à la moindre occasion.
Certes les conditions restrictives dans lesquelles a vécu la population durant cette période sont à même de rendre compte d’une forme de soumission installée à pas feutrés et qui a imprégné les comportements. Les sondages le disent : les Français en la matière restent consentants.
Pourquoi jusqu’à maintenant n’a eu lieu le moindre sursaut ni ne s’est manifestée d’opposition clairement identifiable ? Il y a certes eu des voix isolées, finalement perdues dans le brouhaha général. Il est vrai que les médias ont été maitres du jeu, filtrant remarquablement les points de vue et laissant inentamée la position dominante, celle du pouvoir.
Soumission à une position et une seule : celle du pouvoir
Revenons là-dessus. La crise a clairement démontré la capacité des chaines d’information à influer sur l’approche d’un évènement tel que celui-là et à en orienter la lecture au détriment de toute autre.
Thème rabâché à l’envi sous différentes présentations, invitation de personnalités bien-pensantes à des tables rondes consensuelles, et pour bien marquer une soi-disant neutralité, parole laissée occasionnellement à un dissident, présenté comme tel et dont on a soin de mettre en exergue la marginalité.
Jamais le rôle des médias comme messager de la parole gouvernementale n’est apparu avec autant de clarté. Tous les faux pas du pouvoir au début de la crise notamment et même par la suite sont demeurés à l’arrière-plan d’une présentation lisse de toute aspérité.
Certes l’apparence est sauve derrière un concert de voix mimant des débats animés. Dans cette saga, la variété des sujets à la Une maintient l’illusion d’une actualité vivante matière à discussion, faux-semblant qui ne remet pas en cause une ligne éditoriale plus que jamais soumise.
Ce faisant, à l’adresse du citoyen, les médias ont fait montre d’exemple, donnant aux options gouvernementales un statut d’immunité et les délivrant au public, crédibilisées par des cénacles de faire-valoir.
Certes l’analyse des mouvements d’opinion est loin d’être aisée. Les sondages demeurent aujourd’hui l’outil de mesure de référence. Mais l’expression publique des idées se déroule sur des scènes diverses et avec prédilection sur les réseaux sociaux grâce auxquels peuvent s’identifier des myriades de voix, anonymes ou non, dessinant une variété de courants se prêtant mal à une systématisation.
Des retours provenant de telles sources et d’autres, semblent bien émerger des ilots de résistance, des formes de contestation qui s’exprimeront plutôt à titre individuel et à l’adresse de cercles restreints. Aucun forum public d’envergure, et je pense par exemple à des formations politiques, syndicales ou professionnelles, ne s’est fait le porte-parole d’une opposition à tel ou tel point de la politique sanitaire ne serait-ce qu’en raison d’implications économiques ou sociales jugées négatives.
Ce silence m’a paru assourdissant et reste un motif d’étonnement dans un pays encore une fois plutôt porté aux affrontements.
Dans ce contexte pourtant il est juste de mettre en exergue les toutes récentes manifestations contre le port du masque, la plus importante d’entre elles ayant eu lieu d’ailleurs à Berlin. Donc il y a bien, au moins à ce propos, un courant contestataire qui s’exprime.
Or les réactions et commentaires dans la presse ont été généralement sans aménité. Les foules de Berlin étaient soi-disant infiltrées par des éléments d’extrême droite voire néo-nazis. La tonalité d’ensemble fleurait un populisme bon teint qui n’avait rien de ragoûtant. Au total un rassemblement hétéroclite avec des relents nauséabonds.
Mais sur le motif même de ce rassemblement, rien, comme si le sujet était inexistant. Ainsi l’expression d’une opposition sur un thème de la gestion sanitaire apparait incongrue. Le consensus semble aller de soi. L’unanimisme des plateaux télé traduit bien un problème de fond.
Soumission dans la passivité
Ainsi, apparemment, une politique sanitaire ne semble pas souffrir la contestation. Elle s’adresse à la santé des citoyens qu’elle vise à protéger. Toute mesure proposée l’est au nom de la vie et du bien-être et transcenderait les clivages idéologiques et autres.
Nous avons subi dans une relative passivité un long confinement puis les soi-disant mesures-barrières dont le port du masque généralisé. Les débats sur les chaines d’information n’ont fait que servir les propositions gouvernementales.
Pourtant rien ne s’imposait à première vue. Le confinement n’est pas exempt de critiques et manque de fondement scientifique. Les mêmes réserves s’appliquent aujourd’hui au masque.
Avons-nous vu sur le sujet de vrais débats contradictoires, voire une mise en cause des mesures prises ? En tout cas aucun germe qui ait entaché véritablement les décisions du pouvoir. Chacun s’est coulé dans un moule porteur du label santé. Face à la menace notre protection était assurée. Qui songerait dans ces conditions à s’en plaindre ? Nécessité fait loi.
La santé ou la mort, compulsivement comptabilisée
On en revient finalement au concept de santé et à la place qui lui est réservée dans la société d’aujourd’hui. Être en bonne santé c’est être libre de toute maladie aiguë ou chronique et pouvoir jouir intégralement de ses capacités physiques et mentales. C’est bien sûr l’état de tous les possibles et le socle idéal de toute entreprise.
De manière élargie la santé est assimilée à l’exercice normal de la vie en opposition à ce qui la menace et avant tout la mort. Préserver la santé est devenu dans nos sociétés un objectif prioritaire, lequel masque sans se l’avouer une peur-panique de la finitude.
Or, si elle est une condition de notre engagement dans la vie, la santé n’est en rien un objectif qui donne sens à l’existence, la rend désirable, soit ferment de plaisir et de bonheur. La santé ne peut être une fin en soi, n’étant porteuse d’aucune valeur qui fait sens et nous ouvre à la joie d’être.
L’épidémie actuelle nous a confronté directement à cette mort que nos sociétés jusqu’alors s’efforçaient de rejeter dans l’ombre voire d’oublier. A été réalisé un suivi compulsif des décès jour après jour, décomptes qui sonnaient comme le glas, entretenant une peur-panique. La mort est devenue palpable. L’existence de chacun est apparue engagée.
Et pourtant, remis en perspective, ces chiffres palissent au regard de la mortalité annuelle par cancer, cinq fois plus élevée. Brusquement le spectre de la mort donnait une valeur sacro-sainte à notre existence.
Face à la menace une union sacrée s’est faite avec la vie comme étendard. Et dans ce contexte le mot opposition n’avait plus sa raison d’être. La politique sanitaire officielle a trouvé devant elle un boulevard et s’est déployée au nom de l’objectif d’humains à sauver.
Un boulevard pour dictateurs en herbe
Tout sens de la mesure et de la relativité des choses de la vie s’est perdu en raison, encore une fois, de cette peur apparue comme un trait contemporain de notre société de confort.
Finalement quel dictateur en herbe ne rêverait-t-il pas d’un tel mot d’ordre pour mettre sous sa coupe un peuple ? La crise sanitaire a ainsi révélé les failles d’une démocratie prompte à basculer dans la langue de bois, la soumission aux ordres, la chasse aux dissidents, et ce au nom d’un bien suprême faisant l’économie d’un débat.
La science a servi d’alibi, a priori intouchable et au-dessus de tout soupçon. Au-delà des conflits proprement médicaux qui ont été au cœur de l’actualité et dont l’élucidation est loin d’être achevée, l’impact de la crise sur notre société doit plus que jamais retenir l’attention et être l’objet d’analyses qui en traquent les ressorts en vue de mieux guider l’avenir.
Ce qui s’est produit est en tous points inédit. Les premiers enseignements ne manquent pas d’inquiéter et nous disent qu’en matière de libertés rien n’est jamais acquis.
source : https://www.contrepoints.org
Source: Lire l'article complet de Réseau International