« Lors d’un entretien téléphonique avec Recep Tayyip Erdoğan, le président du Conseil européen Charles Michel a en retour souligné l’importance d’une désescalade entre les deux pays et appelé la Turquie à cesser les activités pouvant alimenter les tensions avec la Grèce, a indiqué un diplomate européen.
La Turquie et la Grèce, toutes deux membres de l’OTAN, se déchirent à propos de gisements d’hydrocarbures en Méditerranée orientale, dans une zone qu’Athènes estime relever de sa souveraineté. La crise, qui a dressé Ankara contre le bloc européen, sera au menu d’un sommet de l’UE les 24 et 25 septembre. Certains membres de l’UE ont réclamé des sanctions contre la Turquie. » (Le Parisien)
La politique turque du fait accompli en Méditerranée est la preuve qu’Erdoğan profite, habilement, de la tension entre l’Europe (de l’Ouest) et la Russie.
Dans le cadre de l’OTAN, si la Turquie est un partenaire moyennement fiable (elle achète des S-400 aux Russes pour faire la nique aux Américains), elle représente le mur le plus solide contre une éventuelle intrusion russe. C’est pour cela qu’Erdoğan peut jouer du muscle en Méditerranée, face à une alliance gréco-chypriote qui n’a pas les moyens de riposter.
« Car Erdoğan n’aspire aucunement à se comporter en lieutenant modèle des États-Unis ou humble quémandeur d’un strapontin dans l’Europe. Il partage le rêve de grandeur d’un Kemal Atatürk et entend conduire sa propre politique, en fonction des seuls intérêts turcs. Mais contrairement à son illustre prédécesseur, rêvant d’arrimer son État à la civilisation occidentale, ou aux fantasmagories pantouraniennes d’Enver Pacha, il cherche à rétablir la puissance turque dans l’ancienne sphère d’influence ottomane : Machrek, Maghreb et Balkans. Autant de zones en proie à des tensions, des crises, dont la Turquie peut d’autant plus aisément tirer parti, à court comme à long terme, qu’elle ne rencontre l’opposition d’aucune puissance majeure, hormis – dans une certaine mesure – la Russie. » (RT)
Si Erdoğan n’avait pas bénéficié d’un blanc-seing supérieur, c’est-à-dire la coalition occidentale (ou otanesque) antirusse, il n’aurait jamais pris le risque de provoquer l’UE qui, soit dit en passant, ne dispose pas de forces armées propres. Seule la France est montée au créneau mais, pour l’instant, comme au Mali, seule.
Erdoğan, qui a fait « une croix sur l’Europe » (selon l’analyste stratégique Philippe Migault sur RT), vise donc une politique d’expansion au sud jusqu’à la Libye, ce qui a l’avantage de raviver chez les nationalistes turcs le souvenir du grand Empire ottoman.
La nouvelle stratégie turque ne plaît pas aux mondialistes européistes, la preuve avec Jacques Attali :
Il faut entendre ce que dit Erdoğan. Le prendre tres au sérieux et se préparer à agir, par tous les moyens. Si on avait pris au sérieux , de 1933 à 1936, les discours du Führer, on aurait pu empêcher ce monstre d’accumuler les moyens de faire ce qu’il annonçait. https://t.co/9bLaO2fmEK
— Jacques Attali (@jattali) September 6, 2020
Pourtant, devant la démonstration de force turque, les Européens semblent paralysés :
« Durant l’entretien avec Charles Michel, le leader turc “a invité les institutions et les États membres de l’UE à rester équitables, impartiaux et objectifs et à agir de façon responsable sur les problématiques régionales, en particulier en Méditerranée orientale”, selon la présidence turque. »
Paralysés, ils le sont politiquement depuis toujours, mais aussi militairement. La position officielle européenne – l’indignation – ne serait-elle que de façade ? La Grèce serait-elle, une fois de plus, sacrifiée sur l’autel des intérêts ouest-européens ?
Erdoğan peut dès lors s’en prendre verbalement à son grand ennemi régional, contre qui la Turquie a guerroyé en 1974 lors de la prise du nord de Chypre, qu’elle nomme la « République turque de Chypre du Nord ». Depuis, elle ne veut plus lâcher ce bout de l’île (plus d’un tiers), qui lui donne, entre autres, des « droits » sur les gisements gaziers au large. Ce sera autant que les Russes ne vendront pas via leur gazoduc North Stream 2 !
Un sujet de 2017 sur la géopolitique du gaz en Méditerranée
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation