L’auteur est directeur de L’Action nationale
Le ministre Jolin-Barette semble bien déterminé à faire un effort sérieux de redressement de la situation du français. Aura-t-il les appuis suffisants au sein du caucus de la CAQ et plus largement au sein du gouvernement pour mettre en œuvre des mesures qui permettront d’infléchir les tendances lourdes et de mettre le cap sur une voie mobilisatrice, stimulante et audacieuse ? Cela reste à voir. Les vents contraires vont souffler fort et les anathèmes en décoifferont sans doute plusieurs. Mais il ne sert à rien de s’en inquiéter, tout se déroulera de manière tellement prévisible…
Le français a besoin d’amour et de confiance. Il a surtout besoin d’audace pour lui donner la place qui lui revient, c’est-à-dire celle d’un espace élargi, attirant et prometteur. Autant dire qu’il faut que le ministre Jolin-Barette sorte du cadre provincial pour épouser les vastes horizons auxquels le Québec est en droit d’aspirer. Il lui faut poser un geste fort qui témoignera à la face du monde que notre langue est celle de l’invention de l’avenir, d’un avenir de convergence et de partage entre les peuples. Un geste d’audace pour dire notre attachement à une grande langue de civilisation. Pour apporter notre contribution à son enrichissement et à son rayonnement, ici et dans le monde.
La véritable réforme dont le français a besoin est celle qui établira le primat de l’initiative sur le repli défensif. Il faut témoigner de la confiance dans la force et la capacité portante du français comme moyen et matériau de construction de notre apport au concert des nations. Une proposition phare doit être lancée pour faire la preuve du sérieux du gouvernement du Québec.
La création de l’Université internationale de la Francophonie devrait inaugurer le plan de renforcement et de promotion du français. Le Québec possède un très riche bassin de compétences dans tous les domaines du savoir et dans ses nombreuses universités. Ses savants et chercheurs sont en contact avec nombre d’homologues dans la plupart des pays francophones. Il est temps de propulser ces collaborations dans un cadre institutionnel qui en dévoilera tout le potentiel et en élargira les possibles. Notre présence internationale s’en trouvera mieux affirmée. Notre contribution aux diverses instances de la Francophonie pourrait y trouver son axe le plus structurant.
Il faut songer à une université du XXIe siècle, une université surtout consacrée aux études de deuxième et troisième cycles, destinée à accueillir des étudiants et professeurs de toute la Francophonie. Elle pourrait reposer sur un modèle apparenté au fonctionnement en consortium auquel les diverses universités du Québec seraient appelées à participer en y déléguant des professeurs, en y apportant leurs meilleurs programmes, leurs séminaires des plus hauts niveaux, etc. Son fonctionnement reste à inventer. Ce serait la première tâche d’un comité fondateur auquel devraient être associés les responsables de l’Organisation internationale de la Francophonie et des regroupements d’universités francophones. Ce comité devrait être présidé par la ministre des Relations internationales et de la Francophonie en collaboration avec la ministre de l’Enseignement supérieur.
À Montréal
C’est à Montréal, sur les flancs du mont Royal, que cette université devrait être implantée. Le bâtiment de l’ancien hôpital Royal Victoria devrait l’accueillir. Sa création procéderait de la nécessaire reconfiguration institutionnelle requise pour la pérennisation du français au pays. Plantée au cœur de la métropole, elle contribuerait à en faire le centre de gravité, à lui donner visibilité et force attractive.
Une institution phare témoignant de la force et du prestige du français donnera au centre-ville l’instrument qui lui manque pour affirmer et démontrer que le cosmopolitisme peut fort bien se décliner en français. Notre métropole a besoin de la puissance symbolique d’une telle institution. Des centaines et des centaines d’étudiants en provenance du Sénégal, du Maroc, de la Réunion ou d’ailleurs pourront côtoyer de jeunes Québécois et s’y former et mieux se connaître, alors que les meilleurs professeurs des universités de la Côte d’Ivoire, de la Suisse ou de la Belgique pourront y tenir des séminaires et y donner des cours aux côtés de leurs collègues de l’UQAM, de l’Université de Montréal ou de l’Université Laval.
L’Université internationale de la Francophonie pourra faire apparaître pour les universités québécoises le rôle fédérateur qui leur manque. Elle favorisera la mise en commun des ressources et l’optimisation des initiatives actuellement trop éparpillées et malheureusement trop souvent conduites en concurrence. Elle permettra une meilleure gestion des ressources de rayonnement et l’émergence d’une vision partagée qui pourrait éventuellement contribuer à l’enrichissement des politiques de soutien au savoir et à la recherche. La coopération entre institutions n’aura plus à souffrir de hiatus entre les priorités nationales et les projets internationaux.
La métropole du Québec est déjà un centre universitaire exceptionnel. Il faut renforcer sa vocation et améliorer sa position. La création d’une université de calibre et à vocation internationale ne sera pas sans d’importantes retombées économiques. Malmené par la crise sanitaire et ses impacts sur les perspectives de développement, le centre-ville pourrait bien trouver, avec l’apport de cette nouvelle institution, un moyen de relance pouvant contribuer à la mutation de sa vocation. […]
C’est grâce à l’audace de l’Université de Montréal qu’a été créée en 1961 l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF). Il faut savoir s’inscrire dans la continuité et s’inspirer des valeurs des innovateurs qui ont défié la peur en misant sur la fierté et la confiance.
C’est pour cela que l’Université internationale de la Francophonie devrait porter le nom de Jean-Marc Léger, un artisan de l’AUPELF et un visionnaire dont l’amour de la langue française a balisé tous les engagements.
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