Au XIX ème siècle, les paysans français avaient l’habitude de garder leurs économies dans des bas de laine, à l’abri de toute insécurité, car ils n’avaient pas confiance dans le système bancaire de l’époque qui ne répondait pas à leurs traditions.
Ce « bas de laine » est devenu tout indiqué pour qualifier notre Caisse de Dépôt et de Placement (CDP) à qui nous avons confié la responsabilité de faire fructifier nos avoirs en toute sécurité pour nous assurer des conditions de vie viables à la retraite.
Mais voilà qu’en moins de 24 heures, notre institution collective est interpellée à deux reprises sur la pertinence de ses investissements dans les paradis fiscaux et dans les énergies fossiles.
Dans l’édition du Journal de Montréal du 22 août dernier, sous le titre « Ça suffit le baratin sur les paradis fiscaux », Michel Girard rappelle que le portefeuille de la Caisse contient des placements dans les paradis fiscaux dont la valeur peut atteindre $38 milliards.
Dans l’édition de la Presse + du 23 août 2020, la Coalition Sortons la Caisse du carbone, sous le titre « Transition énergétique : le travail inachevé de la Caisse de dépôt » nous rappelle que, dans un contexte d’urgence climatique, la Caisse ne s’est dotée d’aucun objectif intermédiaire et d’aucun mécanisme de contrainte pour s’assurer que ses investissements participent à diminuer ses émissions de CO2 d’environ 50% d’ici 2030, tel que le réclame le GIEC (Groupe d’experts sur l’évolution du climat), pour limiter le réchauffement climatique à 1,5*C et éviter les catastrophes reliées à la perte de contrôle sur le climat.
Le PDG de la Caisse, M. Charles Émond, affirme que l’utilisation des paradis fiscaux fait partie d’un « enjeu mondial », d’un « enjeu complexe », et qu’il y a « absence de consensus » au niveau mondial. S’il faut attendre les consensus de ceux et celles qui profitent des paradis fiscaux et des investissements dans les énergies fossiles, nous sommes dans une impasse.
Mais il y a un consensus difficilement contestable : les placements de nos argents par la Caisse de dépôt dans les paradis fiscaux et dans les énergies fossiles participent à la détérioration des conditions de vie de nos enfants et petits-enfants. Et cela s’avère immoral et inacceptable.
Alors que nos États se sont endettés de façon colossale pour faire face à la crise provoquée par le coronavirus, tout investissement qui favorise l’évitement ou l’évasion fiscale prive les États de revenus nécessaires pour le paiement des intérêts de cette dette et le remboursement de celle-ci, ajoutant ainsi une charge supplémentaire sur les épaules des générations futures.
Et le bien-être de celles-ci sera encore moins bien servi par notre retard irresponsable devant l’urgence climatique, dont les épisodes extrêmes s’accroîtront en termes d’intensité et de fréquence.
Dans les deux cas, la Caisse se doit de programmer une sortie rapide des paradis fiscaux et des énergies fossiles et servir de modèle au niveau d’une gouvernance éthique.
Les argents que nous lui avons confiés pour notre sécurité ne doit pas servir à l’insécurité des conditions de vie de nos enfants, de nos petits-enfants et de leurs enfants. La justice intergénérationnelle a ceci de précieux qu’elle constitue un puissant vecteur de cohésion sociale et de prospérité. La Caisse peut et doit y jouer un rôle de leadership pour la protéger.
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