Comme le temps passe ! Déjà six mois que l’on s’est promis, coronavirus oblige, de changer de monde, de substituer rapidement au monde réputé coupable « le monde d’après ». Tout devrait changer, on sait désormais identifier toutes les grosses bêtises du passé à condamner dare-dare, toutes les imprudences qui nous ont rendu si vulnérables. Jupiter soi-même promettait de se réinventer. C’était juste au moment où il déclarait martialement mais sans armes efficaces la guerre au vilain virus. On en profita cependant pour se souvenir que lesdites bêtises et imprudences étaient dénoncées depuis trente ans au moins par des « prophètes de malheur ». Comme le ralentissement de la marche délirante du monde nous donnait brutalement du temps on les lut enfin ou on les relut, plus attentivement cette fois. Ceux d’entre eux qui étaient encore vivants furent même invités à reprendre la parole.
Le temps semblait enfin venu de songer à porter sérieusement remède à la crise écolo-climatique.
L’intense cogitation dura exactement deux mois, soit le temps du confinement. Du moins pour les citoyens subitement sidérés par l’évènement exceptionnel que constituait cette crise sanitaire mondiale et ses nombreuses conséquences socio-économiques. Dès le déconfinement prononcé ils reprirent leurs esprits, réalisèrent que la vie d’avant valait franchement la peine d’être vécue, qu’il était temps de pouvoir retourner chez son coiffeur, que le sort de la planète n’allait tout de même pas les empêcher de vivre leur vie insouciante. Voilà pour les citoyens ordinaires, du moins ceux qui ne se posent que trop rarement les bonnes questions. Et pour les « décideurs » ? Tout bien pesé, ils ne tourneront pas le dos à la Chine dont le monde entier dépens désormais. A ce jeu de dupes il y aurait trop à perdre. Il faut donc subir l’écrasante domination. La Chine passera Hong-Kong à la moulinette de sa terrifiante dictature. Puis viendra le tour de Taïwan. Et, nous laisserons faire pour la bonne marche des affaires. Vous avez dit dictature ? Tout le monde chez nous ne semble pas être convaincu par cette évidence. Certains envient ce formidable système nommé pudiquement « crédit social » qui permet de tenir en respect toute une population. C’est plus qu’un laboratoire, c’est une réalité tangible – et bien sûr monstrueuse – qu’il pourrait être tentant de copier demain en Occident pour mater de vraies résistances contre l’hydre capitaliste susceptibles d’éclore enfin.
Il fallait donc être bien naïf pour croire aux promesses de changement radical. Comment ce que les hommes et les femmes de pouvoir – politique, économique et financier – se sont refusés à mettre en œuvre pendant trente ans pourrait-il survenir dans la précipitation d’une crise sanitaire inattendue ? Il y aura bien sûr quelques aménagements à la marge, surtout pour préserver l’essentiel des intérêts des classes dominantes si bien insérées dans les arcanes du capitalisme mondialisé. Les écologues et climatologues les plus avisés s’échinent à nous le dire : il est grand temps d’entrer en résilience, peut-être est(il même déjà trop tard. Pourtant, au lieu d’organiser la résistance contre la dégradation accélérée des écosystèmes nous préférons résister aux discours et actions des écologistes les plis convaincus. Une résilience à l’envers en quelque sorte. Ces écologistes que l’on ne veut pas voir convaincants sont même traités de « khmers verts » ou de « terroristes ». Qui sont les vrais terroristes ? Les activistes de la FNSEA qui inondent de Glyphosate les serres d’un paysan bio ou les citoyens qui réclament par des manifestations pacifiques l’interdiction de ce pesticide mortel ? Poser la question c’est évidemment déjà y répondre !
En France, la rentrée va être calamiteuse. L’urgence de l’été fut au remaniement ministériel. Le nouveau gouvernement, très clairement de droite désormais, ne pourra que renforcer la « résilience à l’envers ». Ainsi, il ne faudra rien attendre en ce qui concerne la nécessaire réforme du système de santé qui permettrait de mieux parer aux inévitables pandémies à venir. Le tandem Castex-Bachelot, fossoyeur de l’hôpital public sous Sarkozy sont bien récompensés pour leurs bons et loyaux services d’hier. Pour changer de monde il va falloir bien autre chose que le simple ripolinage des vieilles figures politiques du désastreux passé. Le changement ne viendra donc pas du sommet de la pyramide politique. C’est au bas de la société que bougent les choses. De plus en plus de villes et villages sont maintenant dirigés par des écologistes. Les citoyens convaincus de l’impérieuse Résilience doivent sérieusement les aider dans la rude tâche qui leur incombe. Car, il ne manquera pas d’ennemis du changement pour leur mettre des bâtons dans les roues. Nous n’avons plus rien à perdre. Surtout pas le temps !
Yann Fiévet
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