Comme nous l’avons expliqué dans notre article intitulé Que s’est-il passé à la frontière israélo-libanaise, et faut-il s’attendre à une escalade ?, Israël est en état d’alerte maximale à sa frontière nord depuis sa frappe du 20 juillet à Damas qui a tué un combattant du Hezbollah. Trois expériences similaires ont prouvé, en 2014, 2015 et 2019, qu’une riposte sanglante est inévitable, et la peur paralyse le nord de la Palestine occupée depuis plus d’un mois. Mais l’attente est si insoutenable côté israélien —elle a déjà coûté la vie à un soldat lorsque son véhicule s’est renversé près de la frontière libanaise, probablement du fait de la panique— qu’après avoir tenté de neutraliser la réponse du Hezbollah par une lettre d’excuses pitoyable puis par un simulacre ridicule le 27 juillet, prétendant avoir repoussé une tentative d’infiltration imaginaire, l’état hébreu vient de commettre un troisième acte encore plus stupide —et lourd de conséquences— en rejouant le scénario de l’attaque fantôme et en menant des frappes défensives (obus éclairants & fumigènes) contre le sud-Liban dans la nuit du 25 au 26 août.
A part des feux de forêt qui se sont déclarés près d’une position de l’armée libanaise et d’une position de la FINUL, et des dégâts très légers sur un bâtiment agricole et deux habitations, causés par des obus au phosphore fumigènes et éclairants, aucune perte n’est à signaler. Un spectacle somme toute inoffensif, quoique très anxiogène pour les civils des deux côtés de la frontière, et ce n’est certainement pas par hasard qu’aucune victime ou dégât sérieux ne soient à déplorer : Israël redoute le Hezbollah plus que tout, et le considère à raison (avec l’Iran) comme une menace existentielle. Loin de constituer un acte de force de la part d’Israël, cette attaque défensive est un acte dû à la pression considérable qui pèse sur ses soldats à la frontière nord, et s’explique soit par une hallucination causée par la peur (Netanyahou se trouvait alors près de la frontière nord et l’avait annoncé aux médias, ajoutant à la nervosité de Tsahal), soit par un appel du pied pour pousser le Hezbollah a riposter pour en finir avec cette tension insoutenable. Les nerfs d’Israël craquent visiblement.
Cependant, encore une fois, nos médias dominants (et même alternatifs) se sont empressés de reprendre le communiqué de l’armée israélienne selon lequel en riposte à des tirs (purement imaginaires : ce n’est pas avec des armes légères que le Hezbollah va riposter), Israël aurait mené des frappes contre des positions du Hezbollah. Le colportage docile de ce mensonge illustre l’adhésion aveugle de l’Occident aux fables de Tsahal, alors que même la presse & l’opinion israéliennes les mettent constamment en doute et font plus confiance à Nasrallah qu’à leurs propres dirigeants. Soumis-sion, ignorance, sensationnalisme et/ou hostilité cachée à la Résistance islamique au Liban, présentée comme impuissante face aux agressions d’un ennemi qui ne ciblerait que les positions du Parti de Dieu en légitime défense (alors qu’en réalité, il est l’agresseur et a mis en danger des habitations civiles et des positions de l’armée libanaise et de l’ONU), expliquent cette propagande familière lors de chaque incident réel ou supposé.
Ces mini-reportages d’Al-Manar (1, 2 et 3), chaîne du Hezbollah qui traduit régulièrement les médias hébreux (contrairement à nos médias qui ne lisent même pas la presse israélienne en anglais ou en français, autrement plus fiable que les agences de presse occidentales malgré la lourde censure militaire en Israël), expliquent en détail ce qui s’est passé, et montrent qu’il y a énormément de crainte et de frustration côté israélien : Tsahal est dans une nervosité extrême, persuadée que des combattants du Hezbollah sont en embuscade tout au long de la frontière et saisiront la première occasion de tuer des soldats israéliens, et les colons sont angoissés et révoltés contre les déclarations confuses de l’armée et les restrictions qui leur sont imposées.
En voici des citations éloquentes, toutes issues d’analystes israéliens s’exprimant sur les chaînes de télévision nationales :
Nous avons vu ce qui s’est passé dans les fermes de Chebaa [le 27 juillet], et nous pensions que tout ça était derrière nous, mais nous voyons maintenant ce qui s’est passé cette nuit, et qui n’est que le dernier développement. Peut-être que le Hezbollah va avoir le plaisir de contraindre l’armée israélienne a rester dans un tel état d’alerte le long de la frontière. Ils veulent peut-être perturber la vie des Israéliens dans la région.
L’analyse du commandement nord est que Nasrallah ne renoncera pas à tuer un soldat israélien, et qu’il est déterminé à confirmer l’équation « oeil pour oeil, dent pour dent » face à Israël. Puisqu’un combattant du Hezbollah a été tué, il tuera un soldat israélien en représailles.
En fin de compte, l’armée estime que le Hezbollah n’a pas réglé ses comptes avec Israël, et qu’il mènera des attaques contre l’armée israélienne. C’est pourquoi le commandement nord a décidé de rester en état d’alerte, car les tentatives du Hezbollah de frapper des soldats ne cesseront pas.
Il y a des cellules du Hezbollah positionnées le long de la frontière, et lorsqu’une cible se présentera, elles ouvriront le feu et tueront un soldat israélien en représailles à la mort d’un combattant du Hezbollah en Syrie.
Les menaces du Hezbollah sont donc prises avec le plus grand sérieux en Israël, et quoi qu’en disent les médias complices, la peur est clairement dans le camp israélien, tandis que la Résistance libanaise savoure le supplice prolongé de l’occupant.
Le Hezbollah n’a réagi que laconiquement à ce nouvel incident, ne publiant même pas de communiqué cette fois-ci. Dans un discours consacré à la commémoration annuelle du martyre de l’Imam Hussein le 26 août, Nasrallah a fait un très bref commentaire à ce sujet, sans s’y arrêter :
Je me dois de commencer par une très brève déclaration au sujet de ce qui s’est passé hier soir dans le sud, à la frontière du Liban avec la Palestine occupée, toute cette agitation israélienne, le tir d’obus éclairants et de grenades au phosphore, ainsi que certaines agressions. C’est quelque chose d’important, de sensible et de dangereux en ce qui nous concerne, mais de manière délibérée, je n’en parlerai pas, je ne le commenterai pas maintenant, et je laisse ce sujet pour plus tard, au moment propice avec la grâce de Dieu, et au moment opportun et proche.
Cette sobriété est tout le contraire d’une dérobade : Nasrallah souhaite laisser Israël sur des charbons ardents, et parce que la situation est grave, les armes doivent parler avant lui (comme ce fut le cas le 28 janvier 2015, lorsque 3 véhicules furent détruits, tuant ou blessant une dizaine de soldats en représailles à une attaque israélienne à Quneitra 10 jours plus tôt). Ce n’est que lorsque la riposte inéluctable se sera produite que Nasrallah prendra la parole.
En virtuose de la guerre psychologique, Nasrallah sait bien que le silence et l’attente du châtiment sont pires que les menaces & représailles inéluctables qu’Israël appelle ardemment de ses vœux pour pouvoir retrouver un semblant de sérénité le long de ses frontières nord. Les représailles viendront bel et bien, et elles seront assurément meurtières. Elles vengeront la mort du martyr Ali Kamal Mohsen tué à Damas, ainsi que les violations de la souveraineté libanaise et les agressions contre les civils lors des frappes-spectacle de l’armée israélienne les 27 juillet et 26 août, comme l’a promis le Hezbollah. Loin de prouver que le Hezbollah serait hésitant et timoré, le fait que la riposte tarde à arriver ajoute une longue anxiété à la sévérité ultime du châtiment : chaque soldat israélien au nord craint pour sa vie en permanence, et sera soulagé lorsque ce round sera terminé, même au prix de la mort d’un ou plusieurs de ses camarades, pourvu que ce ne soit pas lui. Par ailleurs, cette attente s’explique également par les mesures drastiques de sécurité prises pour éviter d’exposer les forces israéliennes au nord (casernes entières abandonnées, colonies évacuées, patrouilles et manœuvres annulées, interdiction aux soldats de vêtir l’uniforme, routes fermées, etc.). Ce n’est certainement pas un hasard si des tanks israéliens abandonnés ont été retrouvés par des randonneurs dans le Golan syrien : il s’agit probablement d’une cible offerte au Hezbollah, comme ce fut déjà le cas lors de la dernière confrontation de ce type, à moins que les soldats n’aient vraiment déserté leur poste.
Rappelons également qu’il y a un an précisément, lorsque deux combattants du Hezbollah ont été tués par Israël en Syrie fin août 2019, les représailles du Hezbollah ne se firent attendre que 8 jours : le 1er septembre, la Résistance libanaise détruisit un véhicule militaire israélien en pleine course.
Netanyahou prétendit alors qu’il n’y avait pas la moindre égratignure à déplorer, et que l’héliportage d’un soldat en sang transporté sur un brancard n’avait été qu’une mascarade destinée à tromper le Hezbollah et éviter davantage de frappes. Une affirmation douteuse qui, même si elle était vraie (il se peut après tout que le véhicule ait un système de pilotage automatique), manifesterait une incroyable lâcheté. Précisons qu’au même endroit et au même moment, un soldat israélien était grièvement blessé par un puéril jeu de jet de pierres (apparemment plus dangereuses que deux missiles anti-chars reçus de plein fouet), du moins à en croire les médias israéliens soumis à la stricte censure militaire. Que chacun en tire ses propres conclusions quant à ce qui s’est réellement passé et quant au vainqueur de cette confrontation.
Quoi qu’il en soit, à la lumière de cette expérience, deux autres éléments peuvent expliquer pourquoi la riposte du Hezbollah se fait attendre. D’une part, afin de ne pas être dupé par un nouveau spectacle hollywoodien, le Hezbollah doit choisir une (ou plusieurs) cible(s) qui soient telles que personne ne puisse douter du fait que des soldats israéliens auront été tués par le Hezbollah (et non par des jets de pierre ou autre jeu stupide et invraisemblable). Car le désespoir d’Israël est tel qu’il va jusqu’à appâter le Hezbollah avec des robots grimés en soldats, et protégés facticement par des tanks et des fumigènes.
D’autre part et surtout, après avoir mis tout le nord d’Israël à l’arrêt pendant 1 semaine en 2019, le Hezbollah veut maintenant faire durer le plaisir, et pousser Israël à bout pour qu’il s’humilie davantage, et voir combien de temps l’entité sioniste peut rester en état d’alerte maximale avant de craquer. Encore une fois, l’attente du châtiment est pire que le châtiment lui-même, surtout pour des couards de première classe comme l’armée israélienne. Rappelons ces deux citations rapportées dans notre précédent article :
Comme l’a dit un Koweitien sur Twitter, « le silence du Hezbollah est parfois plus puissant et douloureux pour l’ennemi sioniste que ses missiles, car il vit des heures, des jours et des semaines dans un état de peur, de terreur et de grande nervosité. Le silence est une arme destructrice de guerre psychologique contre l’entité israélienne, tant au niveau politique que psychologique. » Avigdor Lieberman, ancien ministre israélien de la Défense, a pour sa part déclaré : « Je suis toujours inquiet parce que le Nord est paralysé par le fait qu’un seul membre du Hezbollah a été tué à Damas. Malheureusement, Nasrallah a prouvé qu’il faisait ce qu’il disait : œil pour œil, dent pour dent. »
Le 27 juillet, la presse israélienne avait mis en doute la réalité de l’incursion alléguée du Hezbollah, en demandant explicitement s’il ne s’agissait pas d’un nouveau spectacle destiné au Hezbollah (cf. Jerusalem Post, « L’incident du mont Dov était-il un autre show hollywoodien à destination du Hezbollah ? »). Cette fois-ci, la riposte de la Résistance libanaise doit tuer sans aucun doute des soldats israéliens, et c’est ce qui se passera assurément.
En attendant ce moment, la terreur continuera de régner au nord d’Israël, tant parmi les soldats que les colons : des habitations libanaises ayant été touchées, des frappes contre des civils deviennent probables. Comme pour l’été 2019, la riposte du Hezbollah n’entraînera pas d’escalade, tant Israël est impatient d’en finir, prêt à conclure une trêve à tout prix. Mais quoi qu’il en soit, les porte-voix d’Israël, intellectuellement colonisés, continueront à se démasquer par leurs mensonges, qui perpétuent un mythe d’invincibilité et d’impunité auquel les Israéliens eux-mêmes ne croient plus depuis 2000 & 2006, mais qui reste prégnant en Orient et en Occident, tant la croyance en la suprématie juive et en l’arriération arabe sont répandues.
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Source: Lire l'article complet de Le Cri des Peuples