par Franck Pengam.
Les assouplissements quantitatifs (ou planche à billet) et les taux négatifs bancaires permettent de maintenir le statu quo économique actuel en donnant les moyens à de grandes entreprises déficitaires de survivre avec des liquidités faciles d’accès. Dans l’optique où l’on sortirait de cette période par un krach ou par une transition réelle, deux grandes alternatives seraient concevables et nous (Français) ne serons gagnants dans aucun scénario.
Certaines institutions internationales détiennent de l’or afin de faciliter leurs missions. C’est le cas du Fonds Monétaire International (FMI), qui fut constitué et financé par les réserves d’or de ses membres. Selon elle, les réserves mondiales d’or détenu par les banques centrales et institutions financières avoisinaient les 34 000 tonnes en 2019. Cette institution possède également 2 814,1 tonnes de métal jaune. Ces métaux lui serviraient de réserve et de financement de ses activités. Cette somme imposante place le FMI en troisième position du classement mondial des réserves d’or, après les États-Unis et l’Allemagne.
Comme le dit très justement Simone Wapler, spécialiste des métaux, des matières premières et du secteur de l’énergie :
« Si l’or est une relique barbare : pourquoi le FMI a-t-il de l’or, pourquoi les grandes banques centrales continuent-elles à détenir de l’or, pourquoi certaines en ont même acquis depuis 2008 et enfin, une banque centrale peut-elle avoir comme réserves des emprunts d’État à taux d’intérêt négatif ? ».
Ceci pose question dans un scénario de retour du métal historique dans le commerce international. Quelle place aurait vraiment le FMI dans un contexte d’étalon-or ? Après la Seconde Guerre mondiale, les Accords de Bretton Woods avaient marqué la fin progressive de l’étalon-or et la mise en place d’un nouveau système financier international dès 1944. Pour structurer ce nouveau monde, différentes institutions émergèrent à cette époque :
La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), aussi appelée Banque mondiale ;
- Le FMI ;
- Ainsi que la signature de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (mieux connu sous le sigle anglo-saxon de GATT) donnant naissance à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995.
L’objectif était d’ouvrir, unifier et uniformiser les économies du monde sous l’égide du dollar américain directement indexé sur l’or. Cela marcha plutôt bien après-guerre mais, en 1971, les États-Unis mirent fin à la convertibilité du dollar en or ce qui sonna l’avènement du billet vert seul comme première devise de réserve internationale. Depuis l’économie mondiale a bien changé. Sous l’angle de la dédollarisation, j’avais établi des scénarios du prochain système économique international il y a près d’un an dans un article intitulé « Vers la fin de Bretton Woods et de l’hégémonie du dollar ? » :
Depuis, les lignes ont déjà beaucoup bougé et de nouvelles informations me permettent de réviser ces points. Commençons déjà par définir les DTS (Droits de Tirage Spéciaux), dont la Chine n’est partie prenante que depuis 2015. Ils ne sont pas une monnaie, mais une unité de compte immatérielle créé par le FMI en 1969. Les DTS consistent en un panier de monnaies utilisé pour le commerce international et les marchés financiers. Pour le dire autrement, il s’agit d’un étalon de réserve à l’instar de l’or. Le DTS est composé par pondérations respectives du dollar américain (41,73 %), de l’euro (30,93 %), du yuan (ou renminbi) chinois (10,92 %), du yen japonais (8,33 %) et de la livre sterling anglaise (8,09 %).
Au lendemain de la Seconde Guerre, deux projets monétaires mondiaux s’opposèrent : celui symbolisé par l’économiste américain Harry Dexter White dans lequel le dollar était la monnaie pivot du monde et celui symbolisé par l’économiste britannique John Maynard Keynes dans lequel le bancor, une nouvelle monnaie mondiale à créer, était la nouvelle référence internationale des échanges. Les deux monnaies comprenaient l’indexation de l’or dans ses bases. Nous connaissons la suite, le projet américain l’emporta.
De nos jours, certains analystes alternatifs comme la juriste Valérie Bugault, pensent que la chute possible du dollar amènerait à la promotion d’une monnaie supranationale sur le modèle du bancor. Les DTS seraient la première phase de l’avènement de ce projet de devise mondiale unique contrôlée par des banquiers internationaux. Dans un tel cas, il ne s’agirait non plus de la fin, mais plutôt d’un aboutissement alternatif du système de Bretton Woods avec une gouvernance mondiale gérée par ses institutions clefs.
En parallèle, il ne faut pas oublier que la Chine a également créé de son côté des institutions eurasiatiques alternatives à Bretton Woods censées faire concurrence au FMI et à la Banque mondiale. Il s’agit de la Banque asiatique de développement, de l’Organisation de coopération de Shanghai ou encore de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures. Prendre part au DTS en 2015 fut un moyen pour Pékin d’internationaliser sa monnaie en lui attribuant une reconnaissance officielle pour stimuler les investisseurs institutionnels du monde entier.
Mais pour que le yuan devienne une réelle monnaie de référence sur le marché, il faudrait que la Chine rende sa monnaie convertible, c’est-à-dire qu’elle abandonne son contrôle des capitaux pour la laisser fluctuer au gré du marché de change. Le problème est que contrôler la valeur de la monnaie, en la sous-évaluant par exemple comme l’accuse Washington depuis des années, permet de soutenir les exportations au détriment des importations. Abandonner ce pouvoir est donc d’un sacrifice difficile à faire pour le Parti Communiste Chinois. Bien que la thèse du yuan-or ou du yuan tout court en tant que devise internationale ait connu des avancées significatives indéniables, elle a peu de chance de s’imposer au monde prochainement. C’est probablement pour cette raison que Pékin joue sur tous les tableaux (DTS/pétro-yuan-or) pour pouvoir se positionner stratégiquement en fonction de la conjoncture.
Avec les éléments que nous avons vus jusque-là, les scénarios actualisés avec l’or pourraient être de cet ordre :
1. Une crise financière mondiale amenant :
- À la chute du dollar et l’émergence des DTS sous une forme de crytomonnaies possiblement indexées sur l’or et gérées majoritairement par le FMI (la question est donc de savoir qui contrôle le FMI).
- Au maintien de la domination du dollar avec ou sans son indexation sur l’or.
Peu importe l’issue de ce scénario, les États-Unis en sortiront hégémoniques au vu de la pondération du dollar dans les DTS, de sa capacité d’influence sur le FMI et de la quantité écrasante de ses stocks d’or (à 8 133 tonnes contre 3 366 pour l’Allemagne en deuxième position).
2. Le statu quo du système économique international amenant :
- Au maintien du dollar en tant que devise de référence internationale avec ou sans indexation à l’or.
- Une transition douce possible à moyen terme vers un système financier diversifié soit avec plus de place pour des devises autres que le dollar (euro, yuan, yen…), soit avec la consolidation progressive de cryptomonnaies privées et d’État, soit avec l’utilisation graduelle des DTS (indexés sur l’or ou non) dans les transactions, soit un peu de tout à la fois.
Malgré une concurrence monétaire internationale émergente, la domination du dollar reste encore écrasante : 63,5 % des réserves en devises des banques centrales mondiales restent constituées en dollars contre 20 % en euro, 4,52 % pour le yen et 1,1 % pour le yuan. L’euro est la devise concurrente la plus sérieuse ce qui fait doucement rire au vu de l’instabilité politique et économique de la zone (Allemagne en récession, Brexit, Italie endettée avec peut-être un projet de sortie de l’euro…). De toute façon, il n’y a pas de volonté de l’Union européenne de voir l’euro s’internationaliser, car cela signifierait que la devise subirait plus de spéculation et donc plus de fluctuation de son cours ce que les Allemands ne tolèreraient pas. Christine Lagarde, ancienne n° 1 du FMI et nouvelle patronne de la BCE, a quant à elle affirmé son soutien à une monnaie internationale sur le modèle du bancor, c’est-à-dire une valeur supranationale (les DTS en résumé) qui remplacerait le dollar dans les transactions mondiales.
L’ordre économique et financier de demain sera donc géré indirectement par une gouvernance mondiale du FMI ou directement par l’empire américain. Nous assistons à la lutte entre ces deux camps pour l’hégémonie depuis de nombreuses décennies déjà. Toutes les alternatives annexes ont encore peu de chance d’aboutir et surtout de s’imposer au monde dans l’immédiat. Le phénomène de dédollarisation mondiale est un mouvement inéluctable, mais cela ne signifie pas la fin du dollar pour autant. Comme vous le voyez, de nombreuses possibilités s’entrechoquent. Une multipolarité monétaire semble difficilement envisageable à court et moyen terme tant du point de vue technique que juridique. L’or et les cryptomonnaies vont, quant à eux, être graduellement de plus en plus présents dans les réserves et dans les échanges dans le cadre d’une diversification des actifs.
source : https://www.geopolitique-profonde.com
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