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Justin Trudeau et ses ministres n’ont pas tout dit dans l’affaire WE Charity. L’analyse de 5000 pages de documents explosifs remis aux élus qui enquêtaient sur la controverse montre que les fonctionnaires étaient à la remorque d’échanges entre les élus et l’organisation.
Le gouvernement a fermé le Parlement mardi, mettant fin aux activités des comités parlementaires qui enquêtaient depuis bientôt deux mois sur l’affaire WE Charity.
Mais l’opposition a obtenu in extremis les documents de preuve promis lors des témoignages des dernières semaines au Comité permanent des finances.
« Les documents montrent qu’il [le choix de WE] s’agissait d’une recommandation de la fonction publique dès le départ », a répété Ann-Clara Vaillancourt, la porte-parole du premier ministre.
Mais en épluchant ces documents, Le Journal a plutôt constaté que des échanges entre des élus et WE au sujet d’un programme de bénévolat étudiant ont eu lieu avant que les fonctionnaires ne commencent à mettre au point le programme de Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant (BCBE).
En annonçant l’aide aux étudiants le 22 avril, Justin Trudeau a affirmé qu’il pensait que l’État gérerait lui-même la BCBE. Il a assuré que ce sont les fonctionnaires qui lui ont recommandé WE le 8 mai.
Or, les documents font état d’une réunion entre la ministre Bardish Chagger et WE, le 17 avril, et d’une proposition écrite transmise par l’organisme au ministre des Finances Bill Morneau, le lendemain.
Il faut attendre le 30 avril pour que les fonctionnaires recommandent de faire appel à un « tiers parti ». À ce stade, ils ne recommandent pas WE, mais notent qu’une proposition spontanée de l’organisme est déjà sur la table.
La ministre de la Petite entreprise et du Tourisme
Le choix des amis
Selon le député conservateur Pierre Poilievre, « les fonctionnaires ont senti de la pression [politique] puisqu’ils voyaient WE Charity comme étant – et je cite – les meilleurs amis du bureau du ministre des Finances ».
Dans la même veine, le Nouveau Parti démocratique est d’avis qu’il est clair qu’une forme d’intervention politique a été exercée pour que WE soit « au moins sur l’écran radar de certains fonctionnaires ».
Les fonctionnaires ont pourtant douté de WE, multipliant les questions à l’égard de l’organisation. Ils ont même émis des réserves quant à la présence de l’organisme au Québec et à sa capacité d’offrir des services en français. Malgré cela, les ministres libéraux ont défendu WE, a pesté le député bloquiste Rhéal Fortin.
DES CONTACTS ÉTROITS BIEN AVANT LA CRÉATION DU PROJET
Des élus étaient en contact avec WE avant que les fonctionnaires commencent à mettre au point le programme de Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant (BCBE).
17 avril
La ministre Bardish Chagger rencontre le cofondateur de WE Craig Kielburger. Ils discutent de deux projets « clé en main » : un programme de bénévolat pour les étudiants et un autre d’entrepreneuriat social.
18 avril
Une première version de la BCBE est soumise au ministre des Finances, Bill Morneau.
20 avril
La sous-ministre adjointe du ministère, Michelle Kovacevic, qualifie le programme de « shit show », ou spectacle de merde. Elle note que WE se présente comme un partenaire potentiel.
22 avril
Le premier ministre Justin Trudeau annonce 9 milliards $ d’aide pour les étudiants. La BCBE est incluse dans cette enveloppe. Le premier ministre a déclaré qu’à ce stade, il pensait que Service jeunesse Canada pourrait se charger de cette mission.
30 avril
Les fonctionnaires recommandent que la BCBE devienne une branche de Service jeunesse Canada, avec le soutien d’un tiers parti. Sans appuyer une organisation en particulier, ils indiquent qu’une proposition de WE circule.
ILS ÉTAIENT TOUS COPAIN-COPAIN
Le 7 mai, la sous-ministre adjointe du ministère des Finances, Michelle Kovacevic, prévient sa collègue Rachel Wernick, sous-ministre adjointe principale pour Emploi et Développement social Canada, que les gens de WE sont en contact direct avec la garde rapprochée du ministre des Finances.
« Ils sont tous meilleurs amis », écrit-elle en indiquant avoir prévenu WE que Mme Wernick devait être leur seul point de contact au gouvernement. Mais la tentative de Mme Kovacevic de limiter les interactions entre le personnel politique et WE semble avoir échoué.
Quelques jours plus tard, le samedi 16 mai, Craig Kielburger écrit à Rachel Wernick pour l’informer avoir appris que le programme pourrait s’étendre à l’automne. Il indique que l’information circule à un « très haut niveau ». Conséquemment, il lui envoie une proposition amendée, la précédente couvrant uniquement l’été.
Surprise, Mme Wernick lui répond ne pas être au courant.
DES DOUTES SUR LE QUÉBEC
Les fonctionnaires ont vite émis de sérieuses réserves quant à la capacité de WE ou UNIS de délivrer des services au Québec, et en français.
« À ma connaissance, WE et l’Organisme UNIS ne sont pas particulièrement connus au Québec », indique un fonctionnaire dans une note interne. Peu d’indices portent à croire que l’Organisme UNIS est bien ancré dans la province », souligne-t-il, notant l’unilinguisme de l’organisation.
Mais le bureau de la ministre Chagger balaie cet avis du revers de la main et se porte à la défense de WE.
« L’Organisme UNIS a une forte présence au Québec et y offre des programmes de langue française. Elle y a établi des partenariats éducatifs avec neuf commissions scolaires de la province », réplique-t-on.
Toutefois, très rapidement les lacunes de WE au Québec se font sentir. Le 30 juin, cinq jours après le lancement du programme de bourse, seulement 7 % des 28 500 candidats étaient francophones, dont 4 % québécois.
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Source: Lire l'article complet de Horizon Québec Actuel