Je n’ai jamais aimé les écureuils. Ils m’ont toujours fait peur avec leurs dents de rongeurs et leurs yeux globuleux. Comme plusieurs, je les considérais comme de la vermine.
Ce sont probablement mes années à Montréal qui m’ont traumatisée — pas moyen de s’assoir tranquille dans un parc, il y en avait toujours un, puis deux, et soudainement douze qui te cernaient ! Beurk !
De retour dans ma Rive-Sud natale, j’ai vécu bien des années en faisant la guerre aux écureux dévoreurs de bulbes !
Puis, arriva le printemps 2020. Un printemps — comme je vous le disais — pas comme les autres.
En mai, nos voisins ont recueilli un bébé écureuil blessé. Ils le nourrissaient à la seringue — le gars du Ministère de la Faune avait donné ce conseil, après avoir tenté de les convaincre de l’abandonner et de laisser la nature suivre son cours.
Évidemment, leurs enfants, ainsi que les nôtres, refusaient catégoriquement : « Il faut sauver le bébé écureuil » !
Pitié et leçons des écureux
Dans l’après-midi, en nettoyant mes platebandes, deux bébés écureuils tout maigrichons se plantaient devant moi sans bouger. J’allais les chasser, mais la scène m’ébranla : c’était clair ; la maman était morte et ses bébés étaient seuls et sans défense.
Pour la première fois de ma vie, j’ai eu pitié d’un tord-vise d’écureux !
– Maman, tu savais qu’un écureuil nait aveugle, sans dents et sans poil ! Sans maman, ils meurent !
C’était mes deux bébés à moi qui disaient ça… Mon cœur de mère était touché, mais aussitôt, la guerrière a repris le dessus : « Ah ! Non ! Je ne vais pas m’attendrir devant ces bibittes qui font peur aux oiseaux ! »
– Maman, tu savais que les graines qu’ils trouvent, ils vont toujours les planter plus loin et que la plupart du temps, elles germent et deviennent des arbres ? Beaucoup d’arbres peuvent se développer loin de l’ombre de leur maman arbre. C’est génial, non ?
Quoi ? Êtes-vous en train de me dire que l’écureuil est une sorte d’Homme qui plantait des arbres ?
* * *
En juillet, au pied de notre érable, j’ai trouvé la carcasse d’un petit écureuil. Beurk.
J’étais certaine que c’était celui qui avait été blessé, mais non. Dans l’après-midi, je l’ai vu marcher à côté de moi avec ses pattes avant ; celles de derrière trainaient, paralysées. Il s’est précipité au pied de l’érable, où l’attendait son frère, plus dodu, qui s’était mis à grimper, pour ensuite redescendre le tapoter affectueusement. Puis, il est remonté, s’est arrêté encore pour jeter un coup d’œil derrière : oui, son frère le suivait, et grimpait à deux pattes ! Il a fini par le dépasser et se réfugier dans le nid de feuilles tout en haut.
Tôt ce matin, un essaim de mouches attira mon attention au pied de l’érable. Le petit handicapé était mort à son tour, couché sur le côté, avec sa belle queue en panache qui, à regret, ne lui servirait pas de couverture cet hiver. J’ai levé la tête. Son frère, juché, me fixait.
Je n’y crois pas encore, mais j’ai prié pour le voir batifoler au prochain printemps.
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