Voir ci-dessous un article du Saker qui explique ce qui se passe en Biélorussie.
Source : RT, 17 août 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
Le Président français a appelé l’Union européenne à soutenir les Biélorusses qui exigent le respect de leurs libertés, mais les internautes n’ont pas tardé à lui rappeler que ses compatriotes français manifestaient pour la même cause dans son propre pays.
Emmanuel Macron a tweeté son soutien au sentiment anti-gouvernemental croissant en Biélorussie, écrivant dimanche que Bruxelles doit continuer à « se mobiliser aux côtés des centaines de milliers de Biélorusses qui manifestent pacifiquement pour le respect de leurs droits, de leur liberté et de leur souveraineté ».
Les manifestations qui ont attiré l’attention de Macron se sont multipliées depuis le scrutin présidentiel controversé en Biélorussie, qui a vu le Président en exercice Alexander Loukachenko être réélu pour un sixième mandat. Le résultat a été rejeté par l’opposition, qui a allégué que le vote était truqué.
Notamment, l’appel du Président français n’a pas reçu d’écho très positif sur la sphère francophone de Twitter. Il a été sévèrement critiqué pour donner la priorité aux griefs des Biélorusses par rapport à ceux des Français.
« Vous n’avez pas remarqué qu’en France aussi les gens manifestent pour le respect de leurs droits ? C’est curieux cette manie que vous avez de toujours regarder ailleurs !! », a signalé une utilisatrice de Twitter.
Un autre utilisateur a repris le langage du Président, rappelant que « Les #GiletsJaunes manifestaient, et manifestent encore aujourd’hui pacifiquement pour les mêmes revendications, avant que vous ne les fassiez éborgner et matraquer. L’#UE fait partie du problème des peuples, pas de la solution.Votre mandat est la quintessence de l’indécence. »
Initialement motivés par la hausse des prix du carburant et un coût de la vie inabordable, les Gilets Jaunes ont évolué pour devenir un mouvement populaire à l’échelle nationale en faveur de la justice économique et sociale. Au fur et à mesure qu’il grandissait, des revendications politiques se sont ajoutées au mouvement, notamment la demande de « Macron démission ! » qui est devenu l’un des slogans fréquemment entendus lors des manifestations des Gilets Jaunes.
Les internautes se sont demandé si Bruxelles répondrait aux rassemblements français de la manière à laquelle l’appelle Macron en Biélorussie. « L’union européenne s’est elle mobilisée aux côtés des centaines de milliers de gilets jaunes en France qui ont pacifiquement manifesté pour le respect de leurs droits, de leur liberté et de leur souveraineté ? » a demandé un utilisateur de Twitter.
Les internautes ont également bombardé la page de Macron avec des exemples de troubles populaires en Europe et ailleurs qui n’ont attiré que peu ou pas d’attention de la part de l’UE. Un utilisateur de Twitter a demandé au Président d’exprimer le même soutien à la population de Côte d’Ivoire, tandis qu’un autre lui a rappelé qu’en Catalogne, « l’UE s’en fichait des violences des paramilitaires contre la population civile. ».
Le tweet de Macron semble être tout à fait conforme aux positions des dirigeants de l’UE. Ce vendredi, le bloc a rejeté la victoire de Loukachenko et a promis des sanctions contre les responsables biélorusses. Loukachenko lui-même a écarté tous les appels à revoir les résultats de l’élection, affirmant à plusieurs reprises que la vague de manifestations avait été orchestrée de l’étranger.
Voir La tentative désespérée de Macron de maintenir le Liban sous tutelle
De son côté, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a qualifié d’« hypocrisie » l’appel d’Emmanuel Macron adressé à l’Union européenne pour soutenir les participants aux manifestations pacifiques en Biélorussie.
« Quand demandera-t-il à l’Union européenne de continuer à se mobiliser pour les centaines de milliers de Gilets jaunes qui, lors de manifestations pacifiques, cherchent à faire respecter leurs droits, leurs libertés et leur souveraineté ? Quand l’Union européenne cessera-t-elle d’attendre les requêtes des Présidents des États membres et commencera-t-elle à se mobiliser de manière proactive pour soutenir les actions de protestation dans son espace ? », a écrit Mme Zakharova sur sa page Facebook.
Voir notre dossier sur les Gilets Jaunes.
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Alors que l’UE évoque des sanctions, Poutine avertit Merkel et Macron que l’ingérence étrangère dans les affaires de la Biélorussie est « inacceptable » et pourrait se retourner contre eux
Source : RT, 18 août 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
Le Président russe Vladimir Poutine a déclaré à ses homologues allemands et français, Angela Merkel et Emmanuel Macron, que toute tentative par des forces extérieures d’intervenir dans la crise politique en Biélorussie serait contre-productive.
Lors de deux appels téléphoniques distincts mardi, à l’initiative de Berlin et de Paris, Poutine a souligné qu’il était inacceptable d’exercer une pression externe sur les dirigeants de Minsk. La Russie et la Biélorussie ont des alliances militaires et politiques formelles, via l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), l’Union économique eurasienne (UEE) et un accord supranational « Union de la Russie et de la Biélorussie ».
Selon la partie allemande, la chancelière Merkel a déclaré à Poutine que le gouvernement d’Alexandre Loukachenko devait cesser de recourir à la violence contre des manifestants pacifiques, entamer un dialogue avec l’opposition et libérer immédiatement les prisonniers politiques.
Les commentaires de la chancelière sont intervenus au cours de diverses discussions entre les membres de l’Union européenne sur la manière de traiter la situation en Biélorussie. Les ministres de l’UE ont convenu vendredi dernier de dresser une liste d’objectifs pour une nouvelle série de sanctions, et des politiciens en Pologne et en Lituanie, ainsi que dans d’autres États, ont poussé à des interventions à des degrés divers.
« Les parties ont discuté en profondeur de la situation en Biélorussie après l’élection présidentielle », lit-on dans le communiqué du Kremlin. « La Russie a souligné que les tentatives étrangères d’ingérence dans les affaires intérieures du pays étaient inacceptables et pourraient aggraver encore les tensions. »
« L’espoir a été exprimé que la situation s’améliorera dès que possible », a-t-il conclu.
Plus tard le même jour, un deuxième appel a eu lieu avec le Président Macron, au cours duquel la Libye a également été discutée.
« En discutant de la situation compliquée en Biélorussie, Vladimir Poutine a souligné que l’ingérence dans les affaires intérieures de la République et les pressions sur les dirigeants biélorusses seraient inacceptables », a expliqué le Kremlin. « Les deux parties ont exprimé le souhait d’une solution rapide aux problèmes qui ont surgi. »
La Biélorussie est sans doute l’allié le plus proche de la Russie et est membre à part entière de deux alliances dominées par Moscou qui servent d’alternatives à l’UE et à l’OTAN en Europe, à savoir l’UEE et le CTSO, en plus de l’accord « Union de la Russie et de la Biélorussie ».
Contrairement à une partie de la rhétorique de l’Europe occidentale, la réponse officielle de Moscou a été mesurée. De nombreux experts russes ont exprimé l’opinion que le Kremlin préférerait que la situation au Belarus ne devienne pas une autre lutte géopolitique « Est contre Ouest ».
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Poutine et la Russie font face à une crise très grave en Biélorussie
Par The Saker, le 10 août 2020
Source Unz Review via thesaker.is
Traduction : Le Saker francophone
Certains de mes lecteurs de longue date ont peut-être remarqué que j’écrivais rarement – voire jamais ! – sur la Biélorussie ou le Président Loukachenko. Comme toujours avec ce blog, il y a toujours une raison pour laquelle je mentionne quelque chose, et également une raison pour laquelle je ne mentionne pas quelque chose.
Dans le cas de la Biélorussie ou de Loukachenko, la raison pour laquelle je n’ai pas écrit à leur sujet était exactement la même que le fait de ne jamais avoir écrit sur l’Ukraine avant 2013 : j’étais à la fois sans inspiration, et surtout dégoûté par ce que j’ai vu s’y dérouler. Et je ne me sentais pas assez concerné pour écrire à ce sujet. Cela a changé pour l’Ukraine avec l’Euromaidan.
À présent, les événements en Biélorussie m’obligent à aborder ce sujet très déplaisant : la Biélorussie est confrontée à une crise complexe et dangereuse qui pourrait bien entraîner une crise majeure à l’intérieur du pays et même une perte de souveraineté. Mais d’abord, avant d’examiner ce qui vient de se passer, permettez-moi de commencer par une brève introduction sur la Biélorussie.
Voici ce que je pense, et que tout le monde devrait savoir sur ce pays :
- La Biélorussie est une création complètement artificielle, encore plus artificielle que l’Ukraine. Au moins en Ukraine, il y avait des « occidentaux » – les Galiciens – qui n’étaient vraiment pas du tout des Russes – vous pouvez les considérer comme les « vrais Ukrainiens » si vous voulez – et dont la haine pour tout ce qui est russe était tout aussi enragée que celle des Interahamwe du Rwanda. En Biélorussie, il n’y a pas d’équivalent significatif aux Banderites.
- Loukachenko n’était pas plus pro-russe que Ianoukovitch. C’est crucial. Il a toujours été pro-Loukachenko, pas pro-Russie. L’Occident et lui aiment dire que la Biélorussie est le seul véritable allié de la Russie. C’est faux. Techniquement, la Russie et la Biélorussie sont des États d’une union supranationale. Cependant, il est vrai que Loukachenko a essayé d’utiliser l’identité historique entre les peuples russe et biélorusse pour exiger que la Russie l’aide encore et encore. Et jusqu’à récemment, la Russie l’a fait.
- En tant que pays, la Biélorussie est un État policier quasi parfait avec un KGB extrêmement compétent et redouté – oui, en Biélorussie, ils ont gardé le nom « KGB » – qui contrôle tout et tout le monde. Ceci est également crucial pour les raisons que je vais expliquer ci-dessous.
- Quant au Kremlin, il a toujours voulu favoriser une réunification avec la Biélorussie mais ce processus n’a jamais été totalement achevé en raison de problèmes réguliers, voire de crises, entre Moscou et Minsk. La Russie a versé d’immenses sommes d’argent pour empêcher la société biélorusse de s’effondrer.
- Enfin, la Biélorussie est vraiment un pays pauvre aux ressources très limitées. Pour la Russie, cependant, la Biélorussie est un allié militaire crucial, qui joue un rôle central dans ses plans de défense. Si les États-Unis et l’OTAN réussissent à prendre le contrôle du pays, ce sera une menace stratégique majeure pour la sécurité russe.
Ce ne sont là que quelques indications pour comparer et opposer la Biélorussie à l’Ukraine.
Maintenant, permettez-moi de résumer ce qui vient de se passer.
Les autorités biélorusses ont déclaré que des « centaines » d’hommes – soi-disant russes – ont été envoyés en Biélorussie avec des intentions néfastes. Loukachenko a depuis confirmé officiellement qu’il avait obtenu cette information du SBU ukrainien. Les hommes eux-mêmes ont été décrits comme des terroristes, des insurgés, des membres du groupe « Wagner » – une armée de mercenaires russes – des subversifs, etc. et leur objectif a été présenté comme étant le meurtre de Loukachenko, le déclenchement d’un nouveau « Maidan » en Biélorussie, la création du chaos, etc.
Franchement, les autorités biélorusses n’ont jamais vraiment bien compris cette histoire et, franchement encore, cela ne fait vraiment aucune différence.
Voici deux choses que je considère comme incontestables :
- La Russie n’envisagerait jamais de recourir à la force ou à des opérations secrètes illégales contre Loukachenko et / ou la Biélorussie
- Le KGB biélorusse sait tout sur ce qui est important en Biélorussie
Je dirais même que l’argument n° 2 soutient tout à fait l’argument n° 1.
Quoi qu’il en soit, il est apparu qu’un groupe de gardes de sécurité russes avait été recruté par une entreprise biélorusse pour assurer la sécurité dans divers pays – le Soudan et le Venezuela sont souvent nommés. Ils se sont rendus en Biélorussie et ont prévu de quitter Minsk pour leur destination finale. Ils ont été retardés, apparemment délibérément, puis ils ont manqué leur vol et on leur a dit d’aller se reposer dans un hôtel qui se trouvait non loin de la résidence de Loukachenko. Au milieu de la nuit, une équipe de raid du KGB est entrée avec des grenades flash-bang et des fusils et a brutalement arrêté tout le monde malgré le fait qu’aucun des Russes endormis n’offrait une quelconque résistance. Aucune arme d’aucune sorte n’a été trouvée, aucune preuve de plans secrets non plus, mais les autorités ont déclaré que puisque ces hommes ne buvaient pas ou ne harcelaient pas les serveuses et qu’ils savaient se tenir, était une preuve évidente qu’ils étaient en mission secrète – Je ne rigole pas !
Tout ce qui précède est un non-sens total et absolu, et nous ne devons pas nous laisser distraire par la minutie de ce prétexte clairement fabriqué.
Voici ce qui s’est réellement passé.
Il apparaît maintenant que les services secrets ukrainiens SBU – qui ne font rien sans l’approbation de l’Oncle Sam – ont monté une opération secrète complexe pour tenter de faire entrer la Biélorussie et la Russie dans une confrontation. Toute l’opération, y compris le recrutement, l’achat de billets d’avion, etc., était en fait dirigée depuis l’Ukraine. C’était aussi la plus grosse erreur des Ukies : ils n’ont pas assez bien caché leurs actions et il a fallu moins de 24 heures aux services spéciaux russes pour comprendre le plan complet et le divulguer aux médias – en russe. Les petits détails sont encore en cours de vérification, mais l’essentiel est ceci : les Ukrainiens se font passer pour une entreprise de sécurité à la recherche d’hommes ayant une expérience avérée du combat, en particulier ceux qui ont combattu dans le Donbass contre les forces ukronazies. Une fois recrutés pour des fonctions de garde assez typiques, ces hommes ont été transportés par avion à Minsk, où ils ont manqué le vol vers leur destination finale, et attendaient la prochaine occasion de quitter la Biélorussie. À ce stade, le SBU semble avoir contacté le KGB biélorusse et l’a «averti» de la présence de «mercenaires» russes envoyés par la Russie pour tuer Loukachenko ou, du moins, le renverser.
Il est également évident maintenant que le SBU voulait surtout des Russes qui avaient une expérience du combat dans le Donbass pour demander ensuite à la Biélorussie de les remettre à Kiev. Une telle demande a été faite presque immédiatement pour la plupart des hommes de ce groupe.
Jusqu’ici tout va «bien» – enfin pas vraiment, mais vous voyez ce que je veux dire – mais c’est là que les Biélorusses et Loukachenko lui-même ont commencé à agir de manière vraiment étrange.
La première étape logique pour les autorités biélorusses aurait dû être que Loukachenko appelle Poutine et lui demande une explication. Alternativement, le chef du KGB biélorusse aurait pu appeler le chef du FSB russe et lui demander des éclaircissements. Mais, au lieu de faire cela, le KGB biélorusse a organisé cette ridicule «saisie» des «mercenaires» russes alors que ces derniers dormaient dans leur hôtel et n’avaient aucune idée de ce qui se passait.
Ensuite, au lieu de travailler avec les Russes, Loukachenko a donné une longue interview à l’un des journalistes ukrainiens les plus talentueux et les plus moralement répugnants, Dmitrii Gordon – qui proclame fièrement qu’il est un agent du SBU.
Mais cela n’a fait qu’empirer.
Loukachenko a sauté sur l’occasion de, encore une fois, s’engager dans ses longues diatribes typiques contre la Russie. Il est même allé jusqu’à suggérer que la Biélorussie pourrait extrader certains de ces russes vers l’Ukraine – qui, comme nous le savons maintenant, avait fourni, au KGB biélorusse, une liste des hommes recherchés. À partir de ces actions, il est immédiatement devenu clair pour les Russes que Loukachenko jouait une sorte de sale jeu dans les derniers jours avant l’élection présidentielle qui a eu lieu dimanche.
Alors, qu’est-ce qui pourrait expliquer le comportement tout à fait bizarre des Biélorusses ?
Première raison : en termes simples, la popularité de Loukachenko diminue aussi vite que le revenu disponible des Biélorusses.
Deuxième raison : les États-Unis sont clairement engagés dans une PSYOP stratégique majeure pour prendre le contrôle de la Biélorussie.
Troisième raison : l’État biélorusse actuel n’est tout simplement pas viable et ne l’a jamais été.
Prenons-les raisons une par une.
Bien que personne ne doute du résultat d’une élection, quelle qu’elle soit, en Biélorussie, il est également assez incontestable que la plupart des Biélorusses soutiennent Loukachenko. Le point n’est pas de savoir si celui-ci gagnerait, mais seulement avec quelle marge ? Les élections d’hier ont donné le résultat le plus bas possible, mais acceptable, pour Loukachenko : 80%. Ce chiffre n’a vraiment aucun sens, tout ce qu’il montre, c’est à quel point ce régime est bon pour remporter des élections. Cette fois, cependant, il semble y avoir plus de manifestations que par le passé et, contrairement à ce qui s’est passé auparavant, les manifestations ne se limitent pas à Minsk et se sont maintenant propagées à d’autres villes. Ainsi, alors que Loukachenko n’a jamais risqué de perdre officiellement les élections, une manifestation de type Maidan reste une préoccupation claire pour lui.
Mais il y a beaucoup plus dans cette histoire.
Suite à une rencontre entre Loukachenko et Pompeo, les États-Unis vont désormais ouvrir une très grande ambassade à Minsk. Pendant des années, l’Occident a qualifié Loukachenko de toutes sortes de noms, et maintenant il est soudainement «tout sourire».
Est-ce vraiment une coïncidence ?
J’en doute beaucoup.
Mais cela devient bien pire : les États-Unis envoient l’un de leurs responsables les plus capables et les plus dangereux pour subvertir la Biélorussie : je fais référence à Jeffrey Giauque, un responsable du renseignement du département d’État avec une longue série de missions de déstabilisation à son actif.
Écoutez-le se présenter au peuple biélorusse :
En fait, il est maintenant assez évident que toute cette provocation avec les «terroristes» russes a été soigneusement conçue et mise en œuvre par un effort conjoint américano-ukrainien. Si le SBU Ukie n’avait pas été aussi nul dans son opération – il a fallu moins de 24 heures au FSB pour obtenir une image complète et précise de ce qui s’était passé – ce plan aurait pu réussir. En fait, cela pourrait encore.
Mais rejeter la faute sur les États-Unis, le SBU et Loukachenko ne raconte vraiment pas toute l’histoire.
La vérité est que la Biélorussie est un État complètement artificiel, beaucoup plus artificiel même que l’Ukraine, et c’est un État qui ne peut tout simplement pas survivre par lui-même. Il ne peut pas non plus espérer survivre éternellement grâce à l’aide russe. Et s’il est important et intéressant d’examiner les racines du nationalisme ukrainien, un tel exercice est inutile dans le cas de la Biélorussie car le nationalisme biélorusse est quelque chose de véritablement an-historique et artificiel et qui n’a vraiment aucun fondement en dehors des dogmes idéologiques occidentaux.
Alors que l’idéologie marxiste, et généralement russophobe [à l’encontre du peuple russe enraciné, NdT] de l’Union soviétique, a toujours favorisé l’émergence de nationalismes locaux – et a même créé des «nationalités» auparavant inexistantes – le nationalisme biélorusse n’a jamais eu beaucoup de succès, ce qui n’est guère surprenant car la différence entre un Russe et un Biélorusse est beaucoup plus petite que celle entre les Russes eux-mêmes, qui vivent maintenant dans une société très diversifiée et véritablement multiethnique. Pourtant, du point de vue du Parti de la Nomenklatura et de ses soutiens occidentaux, ne pas séparer la Biélorussie de la Russie, alors que des pays comme l’Ukraine ou le Kazakhstan déclaraient leur indépendance, était impensable, donc une sorte de compromis étrange a été trouvé qui était censé rassurer les deux, le peuple russe et celui de Biélorussie. Certains accords ont été conclus, d’autres ont été négociés à l’infini – en particulier les accords énergétiques ! – et ce qui en est finalement résulté est ce mini-État étrange et artificiel de seulement 10 millions de personnes. Quant à son chef, il a déclaré que la Biélorussie suivrait une politique étrangère «multi-vectorielle» que je résumerais comme suit : pomper autant d’argent que possible à la Russie, tout en recherchant le soutien de l’Empire anglo-sioniste.
Aparté : Oui, je sais, Loukachenko est appelé le « dernier dictateur de l’Europe » et il n’est pas populaire en Occident. Ce que je veux dire, c’est que son manque de popularité doit être crédité à l’Occident et non à lui. Maintes et maintes fois, Loukachenko a tenté d’obtenir le soutien – lire «argent» – de l’Occident et maintenant Pompeo & Co. ont apparemment décidé de faire du fils de pute des Russes, «notre» fils de p***. Ce que je veux dire par là, c’est que Loukachenko était le cas classique du phénomène «notre fils de pute», mais pas pour l’Occident – pour la Russie. Je crois en outre que, comme tous les « fils de p*** » – y compris « les leurs » et « les nôtres » – Loukachenko est maintenant devenu un boulet pour la Russie.
Il y a un autre développement très inquiétant en cours : dans toute cette affaire, le KGB biélorusse a été soit désespérément incompétent – ce qui n’est pas le cas ! – soit pénétré par des agents occidentaux. Je trouve la deuxième explication beaucoup plus probable.
Si nous supposons maintenant que le KGB biélorusse a été pénétré et compromis, alors c’est une très mauvaise nouvelle pour Loukachenko qui pourrait se retrouver dans la même situation que, par exemple, Nicolae Ceaușescu, qui a été trahi par ses propres services secrets – nous pouvons aussi nous souvenir des nombreux agents US / israéliens, en position élevée autour de Bashar el Assad, jusqu’à ce que la guerre en Syrie les oblige à choisir un camp.
Franchement, alors que la CIA et les autres ne sont pas très doués dans certains domaines, ils sont vraiment des maîtres de classe mondiale dans l’art de corrompre les fonctionnaires et cela s’est peut-être déjà produit en Biélorussie.
En ce moment, il y a des émeutes à Minsk et dans d’autres villes et alors que dans la capitale, la police anti-émeute a, la plupart du temps, le contrôle, il y a déjà eu des cas de flics anti-émeute qui fuyaient pour sauver leur peau et éviter d’être lynchés par la foule. Au moment d’écrire ces lignes (lundi 21h50 UTC), le KGB biélorusse a déclaré qu’il traquait les agitateurs et émeutiers les plus dangereux, mais considérant à quel point il a été facile pour le SBU ukrainien de tromper – ou, pire, d’infiltrer – le KGB biélorusse, je ne me sens pas très rassuré par ce verbiage : les services spéciaux sont là pour s’occuper des problèmes dangereux, pas pour faire de grandes déclarations.
À l’heure actuelle, la dernière nouvelle que nous apprend le KGB biélorusse c’est qu’il a empêché l’assassinat de la principale figure de l’opposition Svetlana Tikhanovskaya. Fichtre ! Cela pourrait même être vrai, étant donné que la Tikhanovskaya – innocente – ferait un parfait «agneau sacrificiel» – et une effrayante politicienne, si jamais elle était élue. Mais il semble aussi que certains intérêts au sein du KGB biélorusse courtisent Tikhanovskaya. Les deux versions sont tout aussi mauvaises l’une que l’autre, je pense.
Tout cela est-il grave ?
Très !
Il y a déjà de – fausses – rumeurs diffusées par les médias polonais sur le fait que Loukachenko a fui la Biélorussie dans son avion. Cette rumeur est clairement conçue pour créer la – fausse – impression que ce dernier est le prochain Ianoukovitch : bien que je n’aime aucun de ces deux hommes, Loukachenko est un homme beaucoup plus dur que Ianukovich ne l’a jamais été.
En outre, le type de campagne médiatique menée actuellement par les médias occidentaux, polonais et ukrainiens est sans précédent dans son ampleur et il sera très difficile pour le régime de reprendre le contrôle du pays.
Quant à Loukachenko, il semble maintenant avoir inversé son discours : après avoir accusé la Russie de traiter la Biélorussie non pas comme un frère, mais comme un partenaire, maintenant il dit qu’il a parlé à Poutine et a obtenu un document de cinq pages expliquant tout cela, et maintenant il dit que la Russie et la Biélorussie seront, après tout, des frères.
Pas très convaincant, c’est le moins qu’on puisse dire.
Le cul entre deux chaises : voici à quoi ressemble la politique «multivectorielle» de Loukachenko …
Très logiquement, la popularité de Loukachenko en Russie, qui n’avait jamais été aussi élevée au départ, se dégrade rapidement et de nombreux analystes qui, dans le passé, ont félicité celui-ci pour sa politique supposée «ferme» envers l’Occident expriment maintenant ouvertement leur dégoût. Un nombre croissant de Russes s’interrogent désormais ouvertement sur ce concept d’«État union supranational». Quant aux «politiques multi-vecteurs» tant vantées de Loukachenko, elles ressemblent à un cas banal de chantage
Il semble maintenant assez évident que les dirigeants de l’Empire n’ont cessé de haïr Loukachenko que pour donner une apparence de bienveillance éphémère et semi-crédible. Maintenant, ils parlent déjà de réintroduire des sanctions contre la Biélorussie et contre Loukachenko personnellement.
Tout cela est extrêmement dangereux pour la Russie pour les raisons suivantes :
- Loukachenko est «notre fils de pute» absolument intenable – ils le sont toujours ! – à soutenir et ses dernières singeries ont montré au Kremlin que Loukachenko fait vraiment partie du problème, pas de la solution.
- S’il reste au pouvoir, ce ne sera que grâce à son appareil répressif très efficace qui pourrait suffire à faire taire l’opposition, mais pas assez pour le rendre vraiment populaire.
- Loukachenko lui-même est clairement à la fois malhonnête et sans principes. Il ne se soucie pas du tout de la Russie, ni de la Biélorussie d’ailleurs, il ne se soucie que de lui-même. En d’autres termes, tant qu’il restera au pouvoir, la Biélorussie sera une préoccupation majeure pour la Russie.
- S’il est renversé, que ce soit par un complot du KGB ou une insurrection violente de type Maidan, nous pouvons être à peu près sûrs que quiconque arrivera au pouvoir sera, d’abord approuvé par les États-Unis et ensuite farouchement anti-russe.
- La Biélorussie n’a pas beaucoup d’importance économique pour la Russie, mais pour des raisons de sécurité et, plus encore, militaires, elle est absolument vitale pour la sécurité russe
Ce dernier point doit être clarifié davantage. Non seulement la Biélorussie est située dans un endroit stratégiquement crucial, mais les forces armées biélorusses sont très bien formées et équipées – sans comparaison avec les forces ukrainiennes – et elles représentent un atout militaire majeur pour le Kremlin. Des forces russes sont également déployées en Biélorussie. Enfin, les contacts entre les militaires biélorusse et russe sont très amicaux et très profonds. Faire prendre le contrôle de la Biélorussie par l’OTAN serait vraiment un problème majeur pour la Russie, un problème auquel elle peut faire face, mais il faudrait repenser en profondeur la menace de l’Occident.
Alors, où allons-nous à partir d’ici ?
Il me semble que si Poutine fait «plus de la même chose», la Russie risque sérieusement de perdre la Biélorussie, ce qui, à un moment où le Banderastan ukrainien s’effondre, serait vraiment une honte. À l’heure actuelle, la Russie doit contenir «l’infection ukrainienne» tout en préparant un après-Loukachenko avant qu’il ne soit trop tard. De toute évidence, Loukachenko ne démissionnera pas de lui-même, la Russie doit donc trouver un outil dans sa boîte pour le forcer à le faire.
Personnellement, j’ai toujours pensé que la réintégration complète de la Biélorussie dans la Russie résoudrait non seulement le «problème biélorusse», mais aussi le «problème Loukachenko». Je suis convaincu que la Russie a une influence et des ressources plus que suffisantes en Biélorussie pour imposer un changement. Oui, ce serait à la fois difficile et dangereux, mais ne pas le faire pourrait entraîner un résultat bien pire. La Russie doit agir. Rapidement et résolument.
The Saker
Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone
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