Non, les citoyens français n’habitent pas sur des territoires, mais dans des communes, ce qui définit leur contrat politique avec la Nation. — Fabrice AUBERT

Non, les citoyens français n'habitent pas sur des territoires, mais dans des communes, ce qui définit leur contrat politique avec la Nation. -- Fabrice AUBERT

Lettre ouverte à M. de Castex

Introduction : Lors de votre discours de politique générale, devant conduire au soutien des « play mobils », le premier ministre a à plusieurs reprises (25 fois) développé le concept de territoires, pour montrer comment sa politique, allait se matérialiser à partir de « l’expérimentation des territoires ». L’objet de ce papier est une fois de plus de dénoncer les mots utilisés, qui s’inspirant du « libéralisme  », sont uniquement utilisés en vue de masquer les « maux du Capitalisme mondialisé »… Commençons…

Qu’est-ce qu’un Territoire ? Etymologiquement, le territoire n’est pas l’espace sur lequel vivent les hommes de la démocratie, dénommés citoyens et qui de fait habitent dans des communes, fondement de la démocratie et de la République. Le « territoire » est d’abord l’espace de vie et de survie des animaux. Ceux-ci d’ailleurs définissent leur territoire par une trace olfactive, que chaque animal peut reconnaitre. C’est par ce réflexe que le chien fait sentir son territoire, en vue d’éloigner les intrus. Ramener l’humain à une bête est l’exercice préféré des libéraux (le versus humain de la bête porte le nom de « prolétaire  »).

Les territoires humains : Je ne conteste pas que l’homme a aussi été utilisateur du «  territoire », mais alors il faut remonter à Neandertal et non à « l’homo-numéricus »…de la « start-up Nation ». Du temps de Neandertal, l’homme vivait en effet sur des « territoires  ». Ce territoire était utilisé pour chasser, pêcher et cueillir des fruits, tant que les ressources du « territoire » pouvaient être exploitées. Une fois usé, le « territoire  » était abandonné et la tribu cherchait un autre « territoire » expliquant le « nomadisme permanent » de Neandertal et parfois les « guerres tribales » (appropriation du territoire).

Le territoire est-il écologique ? C’est tout l’inverse. Le Territoire par son appellation démontre que l’on ne sait pas gérer les ressources offertes et que l’on ne sait que l’exploiter sur le court terme, principe de fonctionnement des marchés. De plus, les « territoires sont anonymes », Il n’y a aucune plaque de dénomination des territoires. De fait, les territoires sont substituables, comme des produits, du moment qu’il peuvent être exploitées et ceci renvoie à la mondialisation…qui exploite les territoires.

Terroir ou territoire ? On n’a l’impression d’une bataille de détails, mais la politique est une bataille de détails. Le « terroir » n’est pas un « territoire  ». Le « Terroir  » se définit justement comme le contraire du territoire. Le terroir, n’est pas un espace d’exploitation, mais un espace productif local géré sur le long terme. Un terroir, c’est une marque, une manière de produire spécifique et non uniforme comme une marchandise peut l’être. En vin, le Rosé de Bandol n’est pas le « Gabernet d’Anjou » et le rouge de Bordeaux n’est pas le rouge du Limousin et il en est de même pour le fromage, la viande et autre charcuterie… Le terroir est de fait une marque de fabrique…ce que n’est pas le territoire.

Dans agriculture, il y a culture : Avant d’être production de nourriture, l’agriculture est une culture. C’est une « culture de savoirs faire locaux », produit d’une Histoire plus que centenaire, qui se transmets de génération en génération, et dont les artisans de la terre sont les maitres d’ouvrage et maitres d’œuvres. Il aura fallu Mosanto et le « capitalisme mondialisé » pour déboucher là aussi sur l’uniformisation rentable transformant l’agriculture en marchandise enveloppé de glyphosate…et autres pesticides destructeurs de paysans et de spermatozoïdes…Pour rompre, il nous faut donc regarder chaque champs comme un tableau de Renoir… et non comme un tableau Excel de réalisation de profits. La culture comme l’agriculture, visant à nourrir l’humanité, n’a de fait pas de prix et surtout pas de prix marchand…Heureusement que la grotte de Lascaux, n’est pas côté en Bourse…Les populations n’y auraient plus accès.

De la Commune : Dès lors que l’on comprends la différence entre «  terroirs » et « territoires », on perçoit mieux alors la fonction de la Commune depuis 1789, la Commune, fondement de la République et de la Démocratie depuis 1789, support à la citoyenneté (« on n’est pas d’un Pays, mais on est d’une Ville où la rue artérielle limite le décor  » / Le Stéphanois-Bernard Lavilliers. Le « terroir  » est de gestion communale, donc des « citoyens associés », les territoires sont affaires « d’affairistes du marché mondialisé », des « tours du business » des « Métropoles du marché », dont l’objectif est de « vendre  » la marchandise uniforme au prix mondialisé. Il suffit d’ouvrir la télé et de zapper sur les « chaines mondialisées » pour constater, quel que soit la chaine, que le programme est partout le même, quel que soit le Pays. Ne change que la langue, pardon, je devrais dire la traduction…Dans le « Capitalisme mondialisé » toute spécificité est une ineptie qui coute chère et doit donc être supprimée, c’est le rôle et la fonction des Métropoles du Business.

De la Mondialisation : La mondialisation, ou plus exactement le « Capitalisme mondialisé », n’a jamais reçu aucun accord des peuples. Les Peuples n’ont jamais été consultés pour savoir s’i ils étaient d’accord sur le contrat politique commercial qu’impose la mondialisation…Et quel contrat ??? car il faut le lire pour en comprendre la violence politique sous-jacente : « Parler de mondialisation, c’est évoquer l’emprise du capitalisme sur l’espace économique mondial. Cette emprise ne se réduit pas au triomphe d’un bloc d’États sur un autre, ni même à celui d’un système économique sur ses concurrents. Elle tend en effet à transcender la logique d’un système interétatique à laquelle elle substitue une logique de réseaux transnationaux. La mondialisation est avant tout un processus de contournement, de délitement et, pour finir, de démantèlement des frontières physiques et réglementaires qui font obstacle à l’accumulation du capital à l’échelle mondiale. Elle consacre le retour en force d’une régulation marchande qui tend à se diffuser à l’ensemble de la vie économique, dans un double mouvement qui va de l’international vers le national et du monde financier vers le monde du travail ». Jacques ADDA- La mondialisation de l’économie.

Si la mondialisation est un « processus de contournement », il faut donc trouver ou créer des institutions qui permettent de contourner les règles de la Nation (la loi porteuse de l’intérêt général), dont l’ossature est structurée par les communes et les départements. C’est le rôle dévolue aux Régions et Métropoles.

Les nouvelles institutions du « marché libre et non faussé » : Le marché ne veut ni communes ni Départements. Réfléchissant en termes d’exploitation, il ne veut que des « territoires  » à exploiter, comme en Neandertal, contrôlés par des Régions (à taille de marché) et des métropoles dont la «  gouvernance » (Gouvernement de la finance) définit les politiques d’austérité pour les peuples. Rappelons qu’à aucun moment donné les citoyens n’ont eu à voter sur ces nouvelles institutions dans leurs principes et missions.

Liberté, Egalité, Fraternité le contrat politique de la Nation : La France s’est constituée par un contrat politique qui s’intitule : « Liberté, Egalité, Fraternité » dont la conception et la rédaction est de Robespierre le « fameux sanguinaire » … Ce contrat politique poursuit le développement de l’Etat, mais sur des logiques Républicaines, et non féodales et royales. C’est de ce contrat politique que naissent les lois, définies comme porteuses de l’intérêt général. Il ne peut donc en République y avoir de dérogation sectorielle ou «  territoriale » à l’application de la loi. La loi s’applique à toutes et tous ou ne s’applique à personne. Ainsi s’exprime et se matérialise le concept «  d’égalité ».

Le territoire comme espace d’expérimentation : Ce que souhaite le premier ministre est une véritable rupture du contrat politique de la Nation. Il utilise le concept de territoire, pour remettre en cause, la force et l’égalité de la loi. Le Premier ministre n’a cessé de parler d’expérimentation des territoires, renvoyant à un texte de fond que j’ai écrit en 2018. J’insiste auprès des lecteurs de l’importance de ce texte, qui décode un texte d’élus de droite dit « appel de Marseille » sur les « libertés locales » et que je vous joint en insistant sur sa lecture nécessaire : https://www.legrandsoir.info/le-coup-d-etat-invisible-2eme-partie-libertes-locales-ou-democratie-locale.html

Le « Territoire » ou le no man land des profits : La mise en avant permanente des « territoires  » en lieu et place des communes, visent à retrouver la dynamique de la préhistoire, adapté à la « mondialisation ». Le Territoire est en fait un espace dédié au tout marchand, au tout marché, au tout profit, fondé sur la compétitivité, la concurrence et le « libre-échange », expliquant les flux commerciaux mondiaux et le nomadisme de survie des prolétaires sur le « territoire de la Métropole » et du « nomadisme migratoire permanent » des populations appauvries du fait du « libre échange », car il n’y a pas de migrant heureux. Les Métropoles sont d’ailleurs souvent représentées par des « tours du business », souvent de nuit (car illuminé) mais sans présence humaine visible. Le Territoire est donc bien un « no man land » dédié au seul profit financier, expliquant son mode de gestion fondé sur la « Gouvernance  » (Gouvernement de la Fiance)

De la différenciation : Monsieur de Castex dans son intervention précise : « au cours de son discours de politique générale prononcé ce mercredi devant l’Assemblée nationale, le nouveau Premier ministre Jean Castex a assuré vouloir ’ressouder la France.’ Pour cela, l’homme fort de Matignon affirmé qu’un ’droit à la différenciation’ des territoires serait ’consacré dans une loi organique.’

Ressouder en différenciant, voilà qui est fort, ou comment marier l’eau et le Feu…

La ’confiance dans les territoires suppose que le droit à la différenciation soit consacré dans une loi organique’ et passe ’par une nouvelle étape de la décentralisation’, ainsi que ’sur une évolution profonde de l’organisation interne de l’Etat’, a détaillé le chef du gouvernement. »

La population « tube à essai » : Le « droit à la différenciation », au-delà du fait qu’il s’agit d’une mise en cause directe des principes de la République et de l’égalité citoyenne devant la loi, transforme de fait les populations résidentes en « tube à essai  ». Il s’agira pour l’essentiel de revenir sur les droits sociaux fondamentaux des populations. Au lieu d’un SMIC, défini Nationalement, il y aura des SMIC différenciés par territoire, en fonction de la «  spécificité » défini par le seul MEDEF, c’est vous dire si les profits seront eux préservés et défini pour ce qui les concernent à une échelle mondiale. La mondialisation, c’est la planification des profits mondialisés, ce qui suppose une précarité généralisée au niveau des territoires. Rappelons-nous ici cette sentence de Victor HUGO : « c’est de l’enfer des pauvres, qu’est fait le paradis des riches », il faut donc, pour que les profits continuent de grandir et s’accumuler, faire en sorte que les pauvres se massifient et s’accumulent dans les « territoires précarisés » comme les blancs américains avaient parqué les indiens dans des « réserves »…On connait la suite.

Ouverture : Les mots utilisés en politique, ne sont pas innocents, mais de plus, il sont l’anticipation des matérialités sociales à venir. En utilisant le concept de « territoire » en lieu et place des communes, le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, envoie un message politique fort. Il faut en finir avec les capacités de résistance des populations qui s’expriment dans les communes. Il faut en finir avec la solidarité, qui est la fonction essentielle des communes, dans leurs gestions du « bien commun ». Le seul cap de cette politique est le libéralisme naturel, d’origine, qui renvoie aux « forces de la nature » et de la nécessité pour chacun de se battre en permanence contre autrui, pour survivre sur les « territoires  ». Pourtant Monsieur de Castex, Non, les citoyens français n’habitent pas sur des territoires, mais dans des communes, ce qui définit leur contrat politique avec la Nation. Et toute décision prise contre les communes et l’unicité de la République, dialectique de la démocratie, est un coup d’état des marchés sur la République.

Le 16 Juillet 2020, Fabrice, Economiste Marxiste et troubadour de la République des communes


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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

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