Cette « révolution de couleur » est déjà morte. « L’État de l’Union » l’a tuée.
Par Moon of Alabama − Le 15 août 2020
La tentative de révolution de couleur en Biélorussie, que nous avions prédite en juin, a évolué au cours de la semaine dernière. Mais les événements d’aujourd’hui nous disent que ce sera bientôt fini.
Alors que le président Alexander Lukashenko affirmait avoir remporté 80% des voix lors des élections de dimanche dernier, la candidate «occidentale» Svetlana Tikhanovskaya a affirmé qu’elle avait gagné. Bien que les 80% soient certainement trop élevés, il est fort probable que Loukachenko ait été le véritable gagnant. Des manifestations et des émeutes ont suivi. Mardi, Tikhanovskaya a reçu, sans ambiguïté, l’ordre de quitter le pays. Elle s’est retrouvée en Lituanie.
Au cours de la semaine, plusieurs émeutes nocturnes ont été stoppées par la police. Plusieurs manifestants ont été «malmenés». Les vidéos de ces incidents ont été utilisées par les «journalistes occidentaux» habituels comme exemple de brutalité policière exceptionnelles. C’est comme si aucun de ces journaleux au service de l’empire n’avait jamais observé la réaction de la police «occidentale» lorsque des cocktail molotov et des feux d’artifice étaient lancés contre eux. [cf les Gilets jaunes, NdT]
Dans une interview avec Strana.ua, deux employés du ministère des Affaires intérieures du Biélorussie ont expliqué leur point de vue sur la situation – traduction automatique révisée :
"Le commandement a informé à plusieurs reprises le personnel que des provocateurs étrangers préparaient des émeutes. Il s'agit de l'Amérique, de la Pologne, des pays baltes et de l'Ukraine. La Russie n'a pas non plus besoin d'un président fort en Biélorussie; ils veulent mettre leur propre homme au lieu de Loukachenko. Il se trouve que la Biélorussie, pour tous ses voisins, est devenue comme une arête dans la gorge. Ils n'aiment pas Loukachenko parce qu'il ne permet pas aux oligarques occidentaux ou russes d'entrer dans le pays. Oui, et les citoyens ne sont pas autorisés à relever la tête. Pour cela, tout le monde ne l'aime pas et cela brouille le paysage" ... "Avez-vous vu qui est venu pour nous affronter pendant la phase chaude des émeutes de lundi ? Ce sont des enfants riches de la ville, les enfants de parents riches qui en ont assez de la vie aisée. Ce sont les garçons, des jeunes qui ont perdu leurs repères, qui ne comprennent pas du tout ce qu'ils veulent. La plupart de mes collègues sont des gars de la campagne. Et ils se souviennent de la façon dont leurs parents ont souffert dans les années 90, jusqu'à ce que Luka vienne et arrête le désordre. Maintenant nous ne vivons pas richement, mais nous ne sommes pas pauvres. Beaucoup n’apprécient pas cela."
Quoi qu’il en soit, on a dit à la police de se calmer. Elle n’a pas aimé ça – traduction automatique révisée :
"Personne ne veut être déchiré comme le Berkut en Ukraine. Nous nous souvenons de son sort. Nous avons un ordre, nous l'exécutons. Tout notre peuple comprend que si ces enfants riches et leurs maîtres arrivent au pouvoir, nous serons suspendus aux lampadaires. Nous sommes accusés d'avoir battu des gens. Nous n'avons pas battu les gens, mais nous avons exécuté les ordres, les commandants ont dit, à l'avance, d'agir durement. Nous avons travaillé."
Le Berkut était la force de police ukrainienne qui a été faussement accusée d’avoir tiré sur des manifestants lors du coup d’État de Maidan en 2014 et a ensuite été démantelée.
Il ne semble pas y avoir beaucoup d’enfants riches dans la ville de Minsk. Tout au long de la semaine, les groupes de protestation en Biélorussie étaient plutôt restreints. Les médias «occidentaux» ont exagéré les nombres, et ont parlé de manifestations dans tout le pays lorsque vingt femmes se regroupaient sur un trottoir à Minsk. Les photos peuvent raconter la véritable histoire dans de telles situations. Certains observateurs ont été très enthousiastes lorsque quelque 200 membres du personnel de MTZ Minsk Tractor Works ont organisé un bref cortège. Mais MTZ Minsk Tractor Works compte 17 000 employés.
La photo ci-dessous a été prise et publiée aujourd’hui vers midi, heure locale. Ce devait être la manifestation centrale à Minsk. Un samedi matin, par beau temps, seulement 2 000 personnes sont sorties. Minsk compte environ 2 millions d’habitants. Les «enfants riches de la ville» sont venus. Et peu en plus d’eux.
Nexta est par ailleurs le canal de communication central utilisé dans cette tentative de révolution de couleur. Mardi, un autre rapport Stana.ua a donné quelques détails sur son fonctionnement – traduction automatique révisée :
Le principal fournisseur de nouvelles dans les rues de Minsk et d'autres villes de Biélorussie est la chaîne Nexta Live. Aujourd'hui, elle a franchi la barre du million d'abonnés, alors qu'elle était déjà largement citée il y a seulement un jour, lorsque des affrontements ont commencé dans les rues de la capitale. Elle a une chaîne sœur Nexta - avec un demi-million d'abonnés. Les deux sites s'échangent principalement des messages. Mais la chaîne de base est celle avec le suffixe Live. Les vidéos les plus opérationnelles de la scène y paraissent. Et surtout, c'est là que les plans de manifestation sont publiés - à quelle heure, et où se rassembler, quand déclencher une grève, etc. 24 heures sur 24, et notamment lors des rassemblements nocturnes de l'opposition, ce public est informé à raison de plusieurs messages par minute. La plupart sont des vidéos et des photos exclusives directement issues des foyers de manifestations. En plus de la vidéo, la chaîne coordonne en permanence les actions des manifestants. Ils sont informés des mouvements de la police anti-émeute et les sympathisants apprennent comment abriter les manifestants. Une autre fonction de la chaîne est d’appeler constamment les gens à sortir dans les rues, et encourager les attaques contre les policiers. Dès le premier jour des manifestations, Nexta s'est affichée avec un message joyeux "Les gens battent la police anti-émeute", comme si les forces de l'ordre n'étaient pas des personnes.
Nexta est dirigée par des «militants» pro-occidentaux anti-Loukachenko depuis la Pologne. Le rédacteur en chef est Roman Protasevich. Il était précédemment journaliste pour Euroradio, financé par la Pologne et la Lituanie, ainsi que pour Radio Liberty de la CIA. Nexta a été fondée par Stepan Putila qui travaillait auparavant pour la chaîne polono-biélorusse Belsat, basée à Varsovie et financée par le ministère polonais des Affaires étrangères. Les deux vivent actuellement à Varsovie.
Comme ces médias produisent des vidéos fraîches 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et publient de nombreux messages en ligne, il doit y avoir un personnel important derrière Nexta, en Pologne ainsi que sur le terrain en Biélorussie. Il ne s’agit sûrement pas d’une opération bon marché, et elle bénéficie certainement du soutien de certains États-nations. Le conseiller adjoint à la sécurité nationale d’Obama a laissé peu de doutes sur l’enjeu qui est derrière.
Ben Rhodes @brhodes - 4:11 UTC · 11 août 2020 Les Américains doivent reconnaître que la lutte contre Loukachenko en Biélorussie est notre combat. Il fait partie de la même tendance qui a ravagé les États-Unis, la Russie, la Turquie, la Hongrie, Hong Kong, le Brésil, Israël, l'Égypte, les Philippines, le Zimbabwe et d'autres. Nous avons besoin d'une solidarité soutenue en réponse
Ni l’UE, ni les États-Unis n’ont reconnu la victoire électorale de Loukachenko. Les deux veulent clairement qu’il parte. On parle de sanctions.
Même les médias russes se sont prononcés contre lui :
Steve Rosenberg @BBCSteveR - 6:47 UTC · 15 août 2020 À en juger par les médias russes ce matin, cela ne semble pas bon pour Alexander Lukashenko : • «La question n'est plus de savoir s'il partira, mais quand» • «Le cauchemar de Loukachenko devient réalité» • "Difficile de voir comment il peut retourner les événements en sa faveur"
Cela ne va pas bien pour Loukachenko. Il pourrait arrêter les manifestations mais il sait qu’alors le jeu s’intensifierait, et qu’il se terminerait mal. Il a clairement besoin d’aide. Alors que le président russe Poutine et le président chinois Xi l’avaient tous deux félicité [pour son éléction], aucun n’a vraiment intérêt à le maintenir en fonction.
Que pourrait-il offrir ?
L’opération ukrainienne visant à simuler une menace de «coup d’État russe» en Biélorussie en faisant entrer 32 anciens combattants du groupe de mercenaires Wagner dans le pays a échoué. Mais les hommes étaient toujours emprisonnés en Biélorussie.
Hier, ils sont rentrés chez eux à bord d’un vol spécial de l’armée de l’air biélorusse. Cela a allégé l’atmosphère des discussions avec la Russie.
Tôt ce matin, Loukachenko est passé à l’étape suivante. Il a averti publiquement qu’un danger pour la Biélorussie serait également un danger pour la Russie :
Le président biélorusse Alexander Lukashenko a déclaré samedi qu'il voulait parler au président russe Vladimir Poutine, avertissant que les manifestations de rue ne constituaient pas seulement une menace pour la Biélorussie. ... "Il est nécessaire de contacter Poutine pour que je puisse lui parler maintenant, car ce n'est plus une menace uniquement pour la Biélorussie", a-t-il déclaré, selon l'agence de presse officielle Belta. "Défendre la Biélorussie aujourd'hui, ce n'est rien de moins que défendre notre espace tout entier, l'État de l'Union, et un exemple pour les autres ... Ceux qui errent dans les rues, la plupart d'entre eux ne le comprennent pas."
Le mot de code dans le message public était « l’État de l’Union ». Quand j’ai lu ces mots, j’ai souri. Loukachenko déteste cette idée d’État de l’Union. Aujourd’hui, il l’a mise en avant. C’était une offre de marchandage.
En 1999, la Russie et la Biélorussie ont signé un traité pour former un État de l’Union à partir de la Russie et de la Biélorussie. Il concernerait la libre circulation, une défense commune et une intégration économique ainsi qu’un parlement uni. Mais depuis lors, Loukachenko a traîné les pieds sur la question. À la fin de l’année dernière, Poutine l’a de nouveau pressé d’exécuter enfin l’accord. Lorsque Loukachenko a rejeté la demande, Poutine a enlevé la bouée de sauvetage économique du pays par la Russie. La Biélorussie ne recevait plus de pétrole russe subventionné qu’elle pouvait raffiner et vendre aux prix du marché à «l’ouest». Loukachenko a alors essayé d’amadouer «l’ouest». Il a acheté du pétrole de schiste de fracturation aux américains. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo est venu à Minsk. En mars, les États-Unis ont rouvert leur ambassade en Biélorussie.
Mais maintenant, l ‘«ouest», que Loukachenko avait voulu dorloter, essaie de se débarrasser de lui. Chaque ambassade américaine est également une base de départ pour fomenter un changement de régime. Loukachenko aurait été mieux sans elle.
Comme il était la cible d’une opération de changement de régime dirigée par les États-Unis et avec la pression économique en vue, Loukachenko avait manifestement besoin d’aide. Aujourd’hui, il s’en est finalement rendu compte et a capitulé devant Moscou sur la question de l’État de l’Union.
Il n’a pas fallu longtemps à Poutine pour répondre. Environ six heures après le rapport de Reuters ci-dessus, le Kremlin a publié une note sur une conversation téléphonique avec le président biélorusse Alexandre Loukachenko – texte en gras ajouté par nous :
Vladimir Poutine a eu une conversation téléphonique avec le président de la République du Biélorussie Alexandre Loukachenko à l'initiative de la partie biélorusse. Alexander Loukachenko a informé Vladimir Poutine des développements qui ont suivi l'élection présidentielle en Biélorussie. Les deux parties se sont dites convaincues que tous les problèmes existants seront bientôt réglés. L'essentiel est d'empêcher les forces destructrices d'utiliser ces problèmes pour nuire aux relations mutuellement avantageuses des deux pays au sein de "l'État de l'Union". En ce qui concerne le retour en Russie de 32 personnes qui étaient auparavant détenues au Biélorussie, une évaluation positive a été faite de la coopération étroite des agences compétentes à ce sujet. Ils sont également convenus de contacts réguliers à divers niveaux et ont réaffirmé leur engagement à "renforcer" les relations alliées, ce qui "répond pleinement" aux intérêts fondamentaux des nations fraternelles que sont la Russie et la Biélorussie.
Il me semble que Poutine a accepté l’accord. Loukachenko et sa police ne seront pas suspendus au gibet. La Russie s’occupera du problème et l’État de l’Union sera enfin établi.
Cela ne veut pas dire que la tentative de révolution de couleur est terminée. Les États-Unis et leur laquais polonais ne vont pas simplement faire leurs bagages et partir. Mais avec le plein soutien assuré de la Russie, Loukachenko peut prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux émeutes.
Cette annonce indique à l’OTAN que c’est fini :
Steve Rosenberg @BBCSteveR - 17:23 UTC · 15 août 2020 Loukachenko révèle les détails d'un appel téléphonique avec Poutine: «Nous avons un accord avec la Russie sur la sécurité collective ... et nous avons accepté. Si nous le demandons, une assistance complète pour assurer la sécurité du #Belarus nous sera fournie.»
C’est le soutien qui était nécessaire. Tous les espoirs des États-Unis et de l’OTAN de prendre, d’une manière ou d’une autre, le contrôle de la Biélorussie se sont désormais évanouis.
Loukachenko devrait maintenant commencer à stopper les 34 projets, et organisations, que le National Endowment for Democracy des États-Unis finance dans son pays. Les personnes impliquées dans ces émeutes, probablement la plupart des «enfants de riches», devraient être surveillées.
Pour l’instant, l’enjeu principal est de stabiliser la situation locale. La Russie, en tant que superpuissance, a certainement les moyens d’y aider. La Biélorussie est désormais sous sa totale protection.
Dans un an, lorsque l’État de l’Union sera enfin installé, Loukachenko pourra démissionner pour des problèmes de santé et prendre sa retraite. De nouvelles élections compétitives pourront alors être organisées.
Moon of Alabama
Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone
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