On ne dira jamais trop de bien des arbres. Nous leur devons une grande partie de l’oxygène que nous respirons et la plupart de nos fruits et de nos noix. Ils servent de refuge et de garde-manger à une multitude d’espèces. En plus de tout ce que nous procurent leur bois, leur écorce et leur sève, les arbres purifient l’air et l’eau et gardent les sols vivants. Ils font de l’ombre et nous protègent de la chaleur excessive. Ils font barrage à la poussière et freinent le vent. Ils fournissent l’humidité ambiante essentielle à la vie. En captant et emmagasinant du carbone, ils peuvent nous sauver de la crise climatique.
Les forêts qu’on croyait éternelles sont aujourd’hui menacées. D’abord, comme l’a révélé la commission Coulombe en 2004, constat qui est toujours d’actualité, la forêt publique québécoise est surexploitée. Le gouvernement Legault à cet égard n’est pas tellement différent de celui de Bolsonaro au Brésil. Des coupes à blanc, appelées «coupes avec protection de la régénération et des sols» (CPRS) sont perpétrées partout au Québec, et notamment en Matawinie, dans les forêts du nord de Lanaudière. La machinerie lourde dévaste tout sur son passage. Les plans de coupes prévus (PAFIO 2020-2025) s’appliqueront dans le territoire non cédé des Atikamekw, y compris dans les parcs régionaux, les réserves de biodiversité, l’emprise du Sentier national, les ZEC et les pourvoiries. De plus, le gouvernement Legault a annoncé pour l’automne 2020 un nouveau régime forestier qui devrait garantir sur plusieurs années des volumes de bois aux compagnies, indépendamment de la crise climatique et de l’état de la forêt.
Cette exploitation non durable de la forêt publique ne profite pas aux Québécois.es. La gestion de la forêt chez nous est toujours pratiquée selon un modèle colonial. Même si 88% de la forêt québécoise est publique, ce sont toujours les compagnies, et plus que jamais des conglomérats étrangers, qui orientent la planification des activités forestières, avec la signature « officielle » du ministère de la Forêt de la Faune et des Parcs (MFFP). Le secteur est toujours déficitaire. Les frais assumés par le gouvernement pour les routes et le reboisement excèdent constamment les maigres redevances versées par les compagnies. De plus, le calcul des volumes de bois prélevés est dysfonctionnel. Des personnes proches de l’industrie reconnaissent que 10 à 20% du bois amené aux scieries n’est pas déclaré, parce que le périmètre des troncs est en deçà de la taille minimale requise. Les infractions sont fréquentes dans les chantiers et le gouvernement exerce de moins en moins de contrôle sur l’industrie. Mais l’erreur (pour ne pas dire l’horreur) ne s’arrête pas là.
Les conditions climatiques qui ont prévalu pendant des millénaires, et qui ont permis aux forêts et à sa biodiversité de se développer, ne sont plus au rendez-vous. Avec le réchauffement climatique, les sécheresses, canicules, ouragans, inondations et variations extrêmes de température fragilisent les arbres et les rendent vulnérables aux maladies, aux ravageurs et aux incendies. La vulnérabilité est augmentée lorsque la canopée est fragmentée par des coupes à blanc. Les réseaux de branches et de racines, qui permettent aux arbres de se soutenir et s’entraider, sont détruits. Les bosquets qui remplacent les arbres coupés sèchent rapidement et servent de bois d’allumage lors des incendies. Les sols s’érodent et la biodiversité disparait.
Il existe un modèle de foresterie écologique au Québec, celui de la forêt-école Montmorency, près de Québec, qui est gérée par des experts de l’Université Laval. Il est démontré que les retombées économiques à long terme de ce type de gestion écologique, qui tient compte de toute la biodiversité et des capacités régénératives de la forêt, surpassent celles des coupes à blanc ou CPRS. On le voit, en matière de foresterie, comme de lutte au réchauffement climatique, le problème ne vient pas de l’absence de solutions mais de la myopie de nos gouvernements face à la science et au bien commun.
Si on veut que la génération qui nous suit connaisse encore des refuges forestiers pour se rafraichir et se ressourcer, le gouvernement devrait respecter ses cibles de création d’aires protégées et mettre les abatteuses au musée. D’ici là, il nous faudra imiter la sagesse des arbres : la survie de tous est la meilleure garantie de la survie de chacun. La Mobilisation Matawinie est une jeune organisation qui lutte avec les Atikamekw pour la sauvegarde des forêts du nord de Lanaudière. Merci de les appuyer et de vous joindre au mouvement : https://www.facebook.com/Mobilisation-Matawinie-112632590488792/ et Protégeons les forêts de Lanaudière : https://www.facebook.com/groups/583347782314073/?ref=group_header
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal