On parlait à la radio, ce matin, du combat de Jonathan Marchand. Cet homme de 43 ans, atteint de dystrophie musculaire et d’insuffisance pulmonaire, est contraint d’habiter dans un CHSLD pour être branché sur un respirateur artificiel 24 h sur 24. Il est posté, depuis mercredi, devant l’Assemblée nationale en guise de protestation et d’appel à l’aide.
Je me suis dit qu’il réclamait probablement un assouplissement des règles pour l’aide médicale à mourir. Son handicap est trop lourd à porter, les critères sont arbitraires et inhumains, le gouvernement manque de compassion.
Bref, le témoignage rempli de pathos qui réussit habituellement à émouvoir le citoyen moyen et à capter son attention entre deux cinq à sept.
Je m’attendais donc à une intervention similaire à celle de Lise Pigeon, qui avait demandé aux chefs de partis canadiens en plein débat télévisé s’ils prévoyaient alléger la loi actuelle en matière de fin de vie.
Nouveau modèle pour les CHSLD
C’était pas ça du tout. Jonathan Marchand veut vivre. Il demande qu’on l’aide à sortir de sa « prison » à Sainte-Anne-de-Beaupré et à faciliter son retour à la maison. Il propose un système qui impliquerait des « assistants de vie » qui viendraient lui prodiguer des soins à domicile et l’aideraient dans ses tâches quotidiennes.
Cette idée ne date pas d’hier. Jonathan Marchand a fait les manchettes en décembre 2019 pour avoir fait la promotion d’une solution moins déshumanisante, et surtout, moins définitive que le CHSLD pour les cas comme lui. Le CHSLD est, dans l’imaginaire collectif et concrètement pour bien des gens, la destination finale. Il y a un gouffre physique et psychologique entre la vie en centre d’hébergement et celle à la maison.
Ce qui peut surprendre […], c’est qu’un tel système, aux apparences si démocratiques en raison de son état de constante faiblesse, puisse en même temps être si indifférent à l’être humain.
Ainsi, il mettait de l’avant un nouveau modèle, qui sort un peu des sentiers battus et qui place la personne handicapée au sommet de la pyramide décisionnelle.
Bogue généralisé du système nerveux gouvernemental.
Les réponses officielles brillaient par leur enthousiasme cadavérique. Sa demande de projet pilote a été rejetée sous prétexte que « le concept d’assistant personnel nécessiterait d’apporter des changements importants au Code des professions ».
Ben oui chose. On a modifié le Code criminel et on a remâché le code de déontologie des médecins pour donner aux infortunés comme M. Marchand le privilège de mourir en douceur et ils se plaignent encore. Faudrait ressortir nos stylos et repenser en plus le Code des professions ?
Démocratie sans humains
Ça me rappelle la fois où mon voisin est tombé dans un puisard. Je l’aurais bien aidé, mais mon échelle était dans mon cabanon au fond de la cour. Ça aurait nécessité que j’aille la chercher et de reconfigurer tout mon après-midi.
On s’attend à ce qu’un écoumène politique qui a la lâcheté comme fibre structurale fléchisse systématiquement en fonction d’où le vent souffle. Ce qui peut surprendre les esprits encore en proie aux accès de candeur, c’est qu’un tel système, aux apparences si démocratiques en raison de son état de constante faiblesse, puisse en même temps être si indifférent à l’être humain.
Trop compliqué, donc, le projet pilote.
Mais alors, quel genre de projet de société peut avoir des chances raisonnables de tomber dans le trou du jeu de poche gouvernemental ? La législation sur les poules de balcons dans la ville de Montréal ? L’allocation de primes de rendements aux gestionnaires d’Hydro-Québec ?
Conditions de mort et conditions de vie
Si la conscience bureaucratique guide à ce point les actions des ministres, fonctionnaires et autres paltoquets de l’organigramme ministériel sur la question des soins à domicile, nous sommes en droit de nous demander à quel point le réflexe comptable sera susceptible de s’imposer pour les soins en fin de vie, qui s’organisent autour de l’euthanasie, dans un contexte médical centré sur l’efficacité, le rendement et l’optimisation des lits d’hôpitaux.
La clause sur l’aide médicale à mourir, adoptée en 2014, aurait dû avoir comme engagement corolaire, sinon alternatif, l’empressement d’améliorer les conditions de ceux qui veulent vivre et de les accompagner dans ce désir.
Nous assistons à la démonstration qu’au contraire, la lâcheté et la voie de la moindre résistance nous empêchent d’entamer une réflexion plus que nécessaire sur les soins à domicile. Il faudra aussi nous pencher un jour sur le problème moral qu’il y a à proposer, d’une part, la mort aux personnes souffrantes et à contrebalancer, d’autre part, cette proposition par l’incurie proverbiale du gouvernement à mettre en place de vraies mesures de soutien aux personnes en détresse.
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe