Le premier ministre François Legault hésite à adopter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones parce qu’il craint notamment qu’elle force le gouvernement à donner un droit de veto aux Autochtones sur tous les projets économiques.
« Oui sur les principes, mais on ne voudrait pas non plus qu’on se retrouve dans une situation où on donnerait un droit de veto sur tous les projets économiques ou en tout cas sur plusieurs projets économiques », a-t-il expliqué en point de presse à Chibougamau vendredi.
M. Legault se faisait questionner sur les suites de la commission Viens, qui a enquêté sur les relations entre les Autochtones et certains services publics.
Dans son rapport publié en 2019, le juge à la retraite Jacques Viens avait conclu que les Autochtones étaient victimes de discrimination systémique sur plusieurs plans. Il avait également rédigé des recommandations, dont celle d’adopter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
M. Legault a souvent exprimé ses réserves sur ce point, invoquant un risque pour l’intégrité du territoire et le droit à l’autodétermination du Québec.
« Oui, les nations autochtones doivent être reconnues. Elles étaient là ici avant nous, on doit travailler avec elles, a-t-il expliqué. Oui pour travailler ensemble, non pour donner un droit de veto. »
Un « consentement préalable »
La Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones édicte entre autres que les Premières Nations « ont le droit à l’autodétermination », donc de « déterminer librement leur statut politique » et « d’assurer librement leur développement économique, social et culturel ».
L’article 19 stipule également que les États devraient consulter les Premières Nations « avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ».
Il y a près d’un an, la Colombie-Britannique a elle-même adopté la Déclaration de l’ONU, mais le gouvernement a jugé que celle-ci ne donne pas de droit de veto aux Premières Nations.
Plusieurs autres recommandations
Cette mesure n’était qu’une seule des nombreuses recommandations du juge Viens.
Des recommandations portaient sur divers sujets reliés aux services publics, dont l’accès au logement, la reconnaissance des corps policiers autochtones, de meilleures conditions de détention et un traitement différencié pour les enfants autochtones confiés à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), en vue de les maintenir dans leur milieu.
La commission Viens avait été mise sur pied en 2016 par l’ancien gouvernement libéral, à la suite d’un reportage de Radio-Canada, en 2015, qui donnait la parole à une dizaine de femmes autochtones affirmant avoir été victimes d’agressions sexuelles de la part de policiers de la Sûreté du Québec en poste à Val-d’Or.
Au total, en deux ans, 765 témoins ont été entendus par la commission.
Dans son rapport, le juge Viens soulignait l’urgence de rétablir un lien de confiance entre les Autochtones et la société québécoise, invitée à tourner le dos à toute attitude « colonialiste » et « paternaliste » envers eux. Il y déplorait surtout la méconnaissance des Québécois de la culture et des traditions des nations autochtones, tout en dénonçant les préjugés entretenus envers elles.