Par Andrew Korybko − Le 25 juillet 2020 − Source news.cgtn.com
Le terme de guerre hybride fait le buzz depuis la crise de 2014 en Ukraine, et on l’emploie généralement en référence à des actions non-militaires employées par les États pour s’octroyer un avantage sur ses rivaux. La connivence entre les États-Unis, le Canada et HSBC contre Huawei et contre Meng Wanzhou, sa directrice financière, constitue un cas d’école quant à ce phénomène.
Le sujet revient faire les titres une nouvelle fois, les avocats de la directrice financière d’Huawei ayant demandé à un tribunal canadien de geler son extradition vers les États-Unis, planifiée a priori pour avril 2021.
Meng s’est vue arrêtée par les autorités canadiennes alors qu’elle était en transit à l’aéroport de Vancouver au mois de décembre 2018. Elle est accusée par le gouvernement étasunien d’escroquerie bancaire, pour avoir supposément menti à HSBC quant à la relation entre Huawei et Skycom, une société qui opère en Iran, pays sous le coup de sanctions unilatérales étasuniennes. Meng réside au Canada, raison pour laquelle elle a été arrêtée alors qu’elle était en transit sur ce territoire. Elle est actuellement placée en résidence surveillée à son domicile de Vancouver.
Mais si l’on en croit les avocats de Meng, le gouvernement étasunien a trompé les autorités canadiennes en vue de la faire arrêter, en sélectionnant les informations d’une présentation PowerPoint qu’elle avait projetée à des dirigeants d’HSBC ; il s’agit de la principale pièce à conviction dans les éléments qui lui sont reprochés.
Ses avocats affirment également qu’elle est victime d’une bataille géopolitique. Pour preuve, ils avancent l’affirmation de Trump, selon laquelle il interviendrait pour qu’elle soit libérée si un bon accord commercial était trouvé avec la Chine, alors que Trudeau lui demandait d’attendre tout d’abord que la Chine libère deux ressortissants canadiens accusés d’espionnage.
Et son équipe de défense a d’autres éléments que ces armes encore fumantes, même si ces éléments sont plus que suffisants pour l’innocenter.
HSBC n’est pas une victime à l’image de Meng, mais un conspirateur volontaire dans ce crime commis contre elle. HSBC affirme n’avoir pas eu connaissance de la relation entre Huawei et Skycom, malgré le fait que Meng ait présenté l’ensemble de cette relation dans sa présentation PowerPoint, dont seuls certains points ont été repris par les États-Unis. En outre, HSBC a déjà à répondre de faits criminels devant la justice étasunienne, et avait tout intérêt à coopérer avec celle-ci contre Meng pour disposer d’un traitement clément.
Il ne fait aucun doute que Meng a été piégée pour que les fausses accusations lancées contre elles servent de prétexte aux États-Unis et à leurs alliés pour sévir plus durement contre Huawei.
Ceci soulève la question de savoir pourquoi un scénario aussi élaboré, et étalé sur plusieurs années, a été fomenté contre cette société. La réponse est que Huawei est le chef de file incontesté au niveau mondial en matière de technologie 5G, dont on s’attend à ce qu’elle devienne le catalyseur de l’innovation du XXIème siècle, de par le rôle qui lui est promis de jouer dans la quatrième révolution industrielle, ainsi que dans l’Internet des objets.
Les États-Unis ont jusqu’à présent joué un rôle de premier plan dans la définition des standards des nouvelles technologies, comme internet, mais risquent à présent de perdre cet ancien monopole, suite à un manque de compétitivité face à la Chine.
Quoique prêchant en faveur d’un ordre économique international fondé sur des règles, le gouvernement étasunien s’est senti obligé d’intervenir directement, en faisant pression sur ses partenaires pour qu’ils suspendent leur coopération avec Huawei, et pour qu’ils travaillent, au lieu de cela, avec des sociétés étasuniennes.
Le dessein consistant à faire arrêter Meng sur la base de fausses accusations n’a constitué que la première étape de cette vaste campagne de guerre hybride menée contre Huawei, qui présente également des dimensions géopolitiques.
Mike Pompeo, le secrétaire d’État étasunien, vient d’affirmer, dans son discours du 23 juillet, que « la division (dans le monde)… est entre la liberté et la tyrannie. Je pense que telle est la décision que nous demandons à chaque nation de prendre. ». Il a également appelé de ses vœux une « nouvelles alliance des démocraties. » Si l’on examine la collusion du Canada avec les États-Unis, ceux-ci jouent déjà un rôle important dans ce vaste jeu géopolitique contre la Chine.
L’implication de HSBC, en tant que principal acteur non étatique dans ce scandale, démontre l’étendue des tentacules étasuniennes : le gouvernement étasunien contrôle de fait la banque britannique, au travers d’un chantage aux diverses affaires criminelles que cette banque traîne comme des casseroles ; tant pour ce qui est des affaires passées, que celles qui pourront encore éclore à l’avenir.
Il faut espérer que la dernière action en date des avocats de Meng, demandant de geler sa possible extradition vers les États-Unis l’an prochain, sera largement relayée dans les médias. Le monde mérite de connaître la stratégie de guerre hybride déployée par les États-Unis. Aujourd’hui, c’est la Chine et Huawei qui en constituent les victimes, mais nul ne sait qui sera ciblé à l’avenir.
Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par José Martí pour le Saker Francophone
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