Comment la Maison Blanche a aidé les investisseurs étasuniens à piller une entreprise chinoise − Le 1er août 2020 En 2017, la société chinoise ByteDance a acheté l’application de vidéo Musical.ly basée à Shanghai dans le cadre d’un contrat d’un milliard de dollars et l’a relancée sous le nom de TikTok. L’application permet à ses utilisateurs de créer et de partager de courtes vidéos avec des effets spéciaux.
Par Moon of Alabama
Ce fut un grand succès et l’application compte désormais plus de 80 millions d’utilisateurs actifs rien qu’aux États-Unis. La version chinoise Douyin est à part et en a encore plus.
ByteDance a d’autres applications, principalement sur le marché chinois, qui génèrent également des revenus publicitaires. L’entreprise est évaluée à environ 140 milliards de dollars. La partie TikTok est évaluée à au moins 50 milliards de dollars. Environ 70% des investisseurs externes de ByteDance sont des sociétés de capital-investissement étasuniennes.
À un moment donné, ces investisseurs étasuniens ont décidé de faire une razzia sur l’entreprise prospère. La Maison Blanche a trouvé que c’était une excellente idée et a activement soutenu le plan.
L’entreprise a fait l’objet d’une enquête du Comité des investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS). Cela n’avait aucun sens car ni ByteDance ni TikTok ne prévoyaient d’acquérir une société américaine. La raison officielle publiée était que l’accès chinois aux données des utilisateurs de TikTok pouvait avoir des implications sur la sécurité nationale. Cela n’avait guère de sens.
TikTok ne collecte pas de données utilisateur au-delà de ce qui est nécessaire pour exécuter l’application et partager les vidéos. Son directeur général est un citoyen des EU. Les données utilisateur sont stockées aux États-Unis et TikTok a embauché près de 1 000 personnes pour son équipe étasunienne et en cherche davantage. Il est peu probable que le gouvernement chinois s’intéresse aux motivations vidéo préférées des adolescents américains.
Mais la pression pour vendre l’entreprise très prospère a continué d’augmenter :
La semaine dernière, le Comité sénatorial des EU de la sécurité intérieure et des affaires gouvernementales a adopté à l’unanimité un projet de loi interdisant aux employés fédéraux américains d’utiliser TikTok sur des appareils fournis par le gouvernement. Il sera repris par l’ensemble du Sénat pour un vote. La Chambre des représentants a déjà voté pour une mesure similaire. Ensuite, les investisseurs étasuniens dans ByteDance ont fait une offre :
ByteDance avait reçu une proposition de certains de ses investisseurs, dont Sequoia et General Atlantic, qui recherchent une participation majoritaire dans TikTok, a rapporté Reuters mercredi. La proposition valorisait TikTok à environ 50 milliards de dollars, mais certains dirigeants de ByteDance pensent que l’application vaut plus que cela.
Sous une pression toujours croissante, ByteDance a finalement accepté de vendre la partie étasunienne de TikTok, mais elle a insisté pour conserver une participation minoritaire.
Hier, il a été rapporté que Microsoft serait le partenaire « choisi » :
TikTok, l’application vidéo appartenant à des Chinois qui a été surveillée de près par l’administration Trump, est en pourparlers pour se vendre à Microsoft et à d’autres entreprises alors que le président Trump envisage des actions sévères contre l’entreprise, notamment en forçant TikTok à se séparer de sa société mère, ByteDance, ont déclaré des personnes au courant des discussions.
Vendredi, le secrétaire au Trésor Steven T. Mnuchin, qui dirige le comité [CFIUS], a informé le président du plan de désinvestissement. Mais on ne sait toujours pas ce que fera le président.
Plus tard vendredi, M. Trump a déclaré qu’il prévoyait de prendre des mesures dès samedi. Il a ajouté qu’il ne voulait pas permettre à une société étasunienne d’acheter les activités étasuniennes de TikTok.
Aujourd’hui, la société ByteDance a abandonné. Elle n’insiste plus pour garder une part minoritaire dans l’entreprise mais vendra toute la partie étasunienne de TikTok :
Le chinois ByteDance a accepté de céder complètement les opérations étasuniennes de TikTok dans le but de sauver un accord avec la Maison Blanche, après que le président Donald Trump a déclaré vendredi qu’il avait décidé d’interdire la populaire application de courtes vidéos, ont déclaré samedi deux personnes proches du dossier.
Les responsables étasuniens ont déclaré que TikTok, avec une société mère chinoise, présentait un risque national en raison des données personnelles qu’il traite. La concession de ByteDance permettra de tester si la menace de Trump d’interdire TikTok est une méthode de négociation ou s’il a l’intention de sévir contre une application de médias sociaux qui compte jusqu’à 80 millions d’utilisateurs actifs quotidiens aux États-Unis.
ByteDance cherchait auparavant à conserver une participation minoritaire dans l’entreprise américaine de TikTok, ce que la Maison Blanche avait rejeté. Dans le cadre du nouvel accord proposé, ByteDance quitterait complètement et Microsoft Corp prendrait le contrôle de TikTok aux États-Unis, ont indiqué les sources.
Certains investisseurs de ByteDance basés aux États-Unis pourraient avoir la possibilité de prendre des participations minoritaires dans l’entreprise, ont ajouté les sources.
Il n’y a pas encore eu d’annonce du prix de vente.
Il sera désormais probablement inférieur aux 50 milliards de dollars que les investisseurs étasuniens offraient autrefois. Ils auront désormais toute l’affaire. Microsoft n’est pas une entreprise du secteur des applications pour adolescents. Elle n’a été introduite que pour rendre l’accord plus plausible.
Selon la nouvelle proposition de ByteDance, Microsoft sera chargé de protéger toutes les données des utilisateurs étasuniens, ont indiqué les sources. Le plan permet à une autre société américaine que Microsoft de reprendre TikTok aux États-Unis, ont ajouté les sources.
Microsoft recevra une commission pour avoir prêté son nom à l’accord. Trump recevra d’énormes dons de campagne pour avoir facilité la razzia. Lui ou sa famille ont probablement également un intérêt réel dans la transaction via une ou plusieurs sociétés de capital-investissement.
Un tel cambriolage public d’une entreprise étrangère qui a commis l’erreur de réussir sur le marché étasunien rappelle une des filouteries en Russie :
Mark Ames @MarkAmesExiled – 19:50 UTC · 31 juil.2020
Je me souviens que Poutine a été mis au pilori pour avoir fait la même chose : mener une grande campagne de terreur publique contre une entreprise prospère, affirmant qu’il s’agissait d’une menace pour la sécurité nationale – forcez-la à vendre à une entreprise nationale acoquinée avec vos services de sécurité de l’État
La manoeuvre Poutine était généralement un peu différent. Certains oligarques russes qui avaient acquis des ressources naturelles russes en volant ou en tuant leurs concurrents ont tenté de vendre ces actifs à des entreprises « occidentales ». Dans ces cas, la Russie avait un réel intérêt national en jeu. Pour garder le contrôle des ressources de la Russie, le Kremlin a dû intervenir pour empêcher de tels accords. Il y avait aussi des « investisseurs » étrangers qui ont acheté d’importantes entreprises russes pour pas cher ou qui ont volé l’État russe par fraude fiscale comme Bill Browder. Ces domaines ne sont pas comparables à une inoffensive entreprise d’application vidéo pour adolescents.
L’ensemble du vol de TikTok n’a bien sûr rien à voir avec la sécurité nationale ou avec l’accès aux données des utilisateurs. La NSA a sûrement déjà un tel accès alors que le gouvernement chinois n’y a aucun intérêt plausible.
Il s’agit purement et simplement d’un raid contre une entreprise chinoise pour lui voler les fruits d’une de ses réussites. Ce raid a été mené par des investisseurs étasuniens avec l’aide appuyée du gouvernement du pays.
Nous pouvons être sûrs que d’autres entreprises chinoises – et les « communistes menteurs » du gouvernement chinois – en tireront des leçons.
Moon of Alabama
Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone.
De Geb :
« Al Capone » reviens… Ils sont devenus fous…
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir