Accro aux armes nucléaires

Accro aux armes nucléaires

Pourquoi la politique américaine à ce sujet ne change pas


Par Moon of Alabama – Le 6 août 2020

Le 6 août 1945, il y a soixante-quinze ans, l’armée américaine a largué une bombe nucléaire sur Hiroshima. Quelques jours plus tard, une autre a anéanti Nagasaki.

A la question de savoir pourquoi les États-Unis ont utilisé des bombes nucléaires, plusieurs réponses ont été données. La décision a impliqué plusieurs personnes aux motivations différentes. Certaines de ces personnes, surtout dans l’armée, étaient opposées à l’utilisation de la bombe. Le Japon était prêt à se rendre avant même que les bombes nucléaires ne soient larguées. Il ne s’est pas rendu parce que les bombes ont détruit deux de ses villes.

Une raison majeure d’utiliser les nouvelles bombes était de démontrer à l’Union soviétique – déjà choisie comme prochain ennemi – que les États-Unis disposaient d’armes supérieures. Mais il n’a pas fallu longtemps pour que les scientifiques soviétiques rattrapent leur retard et testent leur propre dispositif nucléaire [en 1949].

Certains à Washington ont ensuite réalisé qu’un monde avec des armes nucléaires était moins sûr qu’un monde sans elles. Pendant 75 ans, ils ont essayé d’arrêter la course à la prolifération des armes nucléaires et de créer une voie vers leur abolition totale. Mais les faucons étaient plus nombreux – ils le sont toujours – et ils ont gagné à chaque fois.

L’histoire de ce processus est bien illustrée dans l’opus de Scott Ritter « Scorpion King – L’approche suicidaire de l’Amérique envers les armes nucléaires, de FDR à Trump ».

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Scott Ritter a étudié l’Union soviétique, travaillé dans le renseignement militaire puis comme inspecteur des Nations Unies pour les armes en Irak. Il est extraordinairement qualifié pour écrire sur les politiques en matière d’armes nucléaires.

Ce livre est une version mise à jour de l’édition 2010. Il est complet et couvre les processus de décision de chaque administration américaine en matière d’armes nucléaires, de leur contrôle, de la non-prolifération et du désarmement nucléaire.

Au cours des premières décennies, de nombreuses nouvelles armes nucléaires et systèmes de lancement ont été introduits. Il y a toujours eu une demande pour cela. Les capacités nucléaires de l’Union soviétique ont été largement exagérées. Les évaluations américaines de la puissance soviétique étaient souvent fausses. Une succession de commissions ont été mise en place pour élaborer des plans de guerre nucléaire, pour décider quelles villes devaient être anéanties, combien de millions de personnes devaient être tuées et pour calculer combien d’armes supplémentaires étaient nécessaires pour y parvenir.

Avec le temps, la folie de la course aux armements nucléaires est devenue plus qu’évidente. Mais lorsque les présidents essayaient de négocier des accords de contrôle des armes et de réduire le nombre d’armes nucléaires, il y avait toujours des gens qui travaillaient pour entraver leurs initiatives. Certains succès ont été remportés. Les essais nucléaires ont été interdits. Un certain nombre d’armes stratégiques ont été restreintes. Les missiles anti-balistiques, introduits pour empêcher la réponse de l’ennemi à une première frappe offensive, ont été limités. Certaines catégories d’armes nucléaires intermédiaires ont été supprimées.

Puis vint l’éclatement de l’Union soviétique. Les États-Unis n’ont plus ressenti le besoin de se restreindre. Leur « moment unilatéral » avait commencé. Depuis les années 1990, ils tentent à nouveau d’obtenir une suprématie nucléaire absolue. Ils se sont rapprochés des frontières de la Russie et ont réintroduit des systèmes de missiles anti-balistiques pour rendre possible une première frappe nucléaire contre la Russie.

La tentative a échoué lorsque la Russie, en 2018, une décennie après avoir demandé aux États-Unis de faire marche arrière, a introduit de nouvelles armes qui peuvent échapper à toute tentative pour les contrer. L’administration Obama n’a pas su tenir compte de l’avertissement russe. Sous Trump, d’autres traités nucléaires ont été abolis et il n’en restera bientôt plus aucun. Le monde est aujourd’hui plus en danger de guerre nucléaire qu’il ne l’a jamais été.

Comme le diagnostique Ritter :

Les États-Unis sont une nation accro aux armes nucléaires, à la puissance et au prestige, réels et illusoires, que ces armes apportent. Il sera extrêmement difficile de briser cette dépendance. Cela est d'autant plus vrai qu'aucune politique de désarmement nucléaire n'a été mise en place depuis les débuts de l'ère nucléaire. L'incapacité des États-Unis à formuler ou à mettre en œuvre une politique de désarmement nucléaire efficace a placé l'Amérique et le monde dans une position très dangereuse. Plus longtemps l'Amérique et le monde continueront à posséder des armes nucléaires, plus grande sera la probabilité que des armes nucléaires soient utilisées. La seule façon d'éviter une telle issue désastreuse est de les abolir, et non d’en réduire le contrôle.

Le livre donne un historique détaillé des processus de décision nucléaire de chaque administration américaine depuis l’aube de l’ère nucléaire. Il examine les motivations de nombreuses personnes impliquées. Il montre comment, dans de nombreuses administrations, les politiques nucléaires générales sont restées inchangées. Les différences n’ont été que graduelles.

Avec 501 pages, y compris les notes de fin d’ouvrage, Scorpion King prend du temps à être assimilé.

Mais pour ma part, je suis reconnaissant d’avoir eu la chance de le lire, page après page. L’opus de Scott Ritter sera désormais le travail de référence à consulter lorsque j’écrirai sur les politiques nucléaires.

Le livre est disponible en version papier au prix de 29,95 $ ou en version électronique au prix de 19 $.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone

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