Par Dr. Leila Nicolas
Un terrible désastre a donc frappé Beyrouth suite à l’explosion de son port. Une explosion ayant provoqué une catastrophe humaine et matérielle sans précédent en ce lieu et qui s’est étendue sur des kilomètres au sein de la ville.
Immédiatement, nombre d’analystes politiques et de médias libanais, arabes et étrangers se sont précipités pour exploiter ce désastre contre le Hezbollah, considérant qu’il s’agissait d’une frappe israélienne sur des dépôts d’armes lui appartenant, en dépit du fait qu’il ait nié stocker des missiles dans le port de Beyrouth, et en dépit du démenti israélien [à propos duquel nombre de Libanais dont M. Adnan Mansour, ex-ministre libanais des Affaires étrangères, pensent qu’il aurait fallu attendre les conclusions de l’enquête des Services libanais compétents avant d’écarter tout soupçon d’une attaque venant d’Israël ou d’ailleurs, contrairement à l’adoption quasi immédiate de la thèse de l’accident dû à d’incontestables négligences [*], NdT].
Or, les experts militaires objectifs sont unanimes pour dire que le transfert des armes vers le Hezbollah se fait principalement par voie terrestre via la Syrie, et qu’il est pratiquement impossible qu’il se fasse par voie maritime, en raison de la présence de la force navale de la FINUL [Force Intérimaire des Nations Unies au Liban], déployée depuis octobre 2006 tout le long des côtes libanaises, et dont les objectifs annoncés sur son site officiel sont : « aider la marine libanaise à surveiller ses eaux territoriales, à sécuriser les côtes libanaises et à empêcher des armes non autorisées ou des matériels connexes d’entrer au Liban par voie maritime ».
Ce qui n’a donc pas empêché certains Libanais, politiciens et journalistes, d’exploiter cette catastrophe, certains médias allant jusqu’à réclamer une « tutelle internationale », laquelle se chargerait de désarmer les Libanais, délimiterait les frontières et imposerait son autorité sur le Liban !
Ici, nous nous devons de réfuter cette étrange réclamation en termes de Droit international.
Premièrement : Le « régime international de tutelle » a été établi en 1945 par l’Organisation des Nations Unies, conformément au chapitre XII de sa Charte, pour la surveillance des territoires placés sous tutelle en vertu d’accords particuliers conclus avec les États chargés de les administrer. Il a définitivement disparu en 1994, année au cours de laquelle le dernier de tous les territoires sous une telle tutelle est devenu, à son tour, un État indépendant.
Pour information, la « tutelle internationale » est un type de colonialisme que les États coloniaux ont tenté de poursuivre de manière masquée après la Deuxième Guerre Mondiale pour exploiter les peuples pauvres et s’approprier leurs ressources. Par conséquent, ceux qui réclament une tutelle internationale veulent-ils nous transformer en « colonie internationale » et nous ramener au régime du mandat [celui de la défunte Société des Nations ; NdT] ?
Deuxièmement : La « tutelle internationale » tombe du simple fait qu’un État rejoigne l’Organisation des Nations Unies, parce que son principe contredit un autre principe essentiel et fondamental de ces mêmes Nations Unies : celui de l’« égalité souveraine » comme l’affirme l’article 78 de la Charte.
Troisièmement : Le principe de la tutelle internationale tombe devant le principe du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », lequel est considéré comme l’un des principes catégoriques du droit international. Par conséquent, en dehors du fait que la réclamation d’une tutelle internationale est fondamentalement illégale, comme nous venons de le démontrer, le droit des Libanais de décider de leur avenir ne peut pas tomber devant les réclamations de politiciens ou de journalistes, qu’ils soient locaux ou étrangers.
Par ailleurs, en admettant qu’une telle tutelle soit encore possible, les réalités sur le terrain, la politique et les pratiques étatiques font que son imposition nécessite une résolution du Conseil de sécurité. Et la question devient : comment obtenir un tel consensus aujourd’hui ?
De plus, réclamer une tutelle internationale pour désarmer le Hezbollah dénote une grave superficialité, car aucun pays ne sera prêt à engager ses soldats au Liban pour ce faire, notamment depuis qu’Israël en a été incapable en 2006 [en dépit de la guerre de 33 jours de bombardements non-stop sur Beyrouth, NdT].
Dr Leila Nicolas
Professeur de Relations internationales à l’Université libanaise
Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source : Al-Mayadeen
https://www.almayadeen.net//articles/article/1414322/
[*] Vidéo : M. Adnan Mansour sur NbN TV (à 23’05’’)
https://www.youtube.com/watch?v=ashd4AS_BsE
Source: Lire l'article complet de Réseau International