L’Art au service du globalisme

Entretien exclusif mené par Patrice-Hans Perrier avec Aude de Kerros et recension de son dernier ouvrage
Par Patrice-Hans Perrier

Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. Disciple des penseurs de la lucidité – à l’instar de Guy Debord ou Hannah Arendt – Perrier se passionne pour l’éthique et tout ce qui concerne la culture étudiée de manière non-réductionniste. Dénonçant le marxisme culturel et ses avatars, Patrice-Hans Perrier s’attaque à produire une critique qui ambitionne de stimuler la pensée critique de ses lecteurs.
Passant du journalisme à l’analyse critique, l’auteur québécois fourbit ses armes avant d’aborder le genre littéraire. Patrice-Hans Perrier est un contributeur régulier de différents sites d’analyses stratégiques tels que le Saker francophoneDedefensaRéseau International. Vous pouvez aussi le retrouver sur son propre site : patricehansperrier.wordpress.com et sur le réseau social VK.

Nous reprenons le fil de la discussion sur la place des arts et culture dans le processus de domination de l’ORDO globaliste. Suite à l’incendie de Notre-Dame de Paris, plusieurs s’interrogent sur l’avenir de notre patrimoine culturel dans un contexte où les industries du divertissement sont en voie de reprendre totalement la main. Il y a péril en la demeure puisque les édiles parisiens, entièrement cautionnés par le gouvernement Macron, souhaitent profiter du grand chantier de reconstruction de la cathédrale gothique pour implanter un parc touristique au cœur de l’île de la Cité.

Vente de feu

En outre, le président français a prévu un délai de cinq années pour rebâtir une partie de l’œuvre colossale qui avait mis plus de deux siècles pour aboutir. Une pléiade d’experts se sont élevés contre ce projet marathon et certains y voient une volonté politique de faire coïncider l’aboutissement du chantier avec la venue des Jeux olympiques dans la capitale française. Qui plus est, plusieurs cabinets d’architectes internationaux se sont bousculés au portillon afin de présenter des esquisses de projets futuristes complètement irrespectueux de l’histoire et du patrimoine historique en présence. C’est un peu comme s’il fallait faire de Notre-Dame de Paris et de l’ensemble de l’île de la Cité une nouvelle destination prestigieuse dans le circuit des « nouvelles cités intelligentes » du futur.

Faire tabula rasa

Si la cathédrale pouvait constituer le cœur de la cité médiévale, elle ne représente plus qu’un centre touristique névralgique capable de drainer 14 millions de visiteurs par année. Il convient donc de « réhabiliter » ce monument historique en accord avec une vision de la mise en marché des « villes intelligentes » qui table sur l’« attractivité » afin de gagner des parts de marché. Puisque la cité est, désormais, livrée aux appétences des marchés financiers à l’international. Privée de sa légendaire flèche qui ressemblait à un gigantesque cadran solaire, le vaisseau de pierre ne sera jamais plus un lieu d’enseignement, de recueillement ou de pèlerinage. Nos décideurs politiques souhaitent plutôt en faire une sorte de sarcophage touristique au service d’une nouvelle mise en marché de l’île de la Cité.

L’Art au service de la cité

Et, pourtant, l’écrivain Daniel-Rops nous avait déjà parlé de la naissance et de destinée des grandes cathédrales gothiques en des termes édifiants : « Il est arrivé quelquefois dans l’histoire – peu souvent – qu’une société humaine s’exprimât tout entière en quelques monuments parfaits et privilégiés, qu’elle sût faire tenir en des œuvres léguées aux générations futures tout ce qu’elle portait en soi de vigueur créatrice, de spiritualité profonde, de possibilités techniques et de talents. De telles fleurs ne jaillissent et n’atteignent à leur épanouissement que lorsque la sève est pure et abondante, c’est-à-dire lorsque la société est féconde, harmonieuse, et qu’il existe dans sa masse cet instinct de création, cette ferveur spirituelle qui, portant l’homme mortel au-dessus de lui-même, le poussent à s’éterniser. De telles œuvres ne naissent point par hasard, mais des patiences obscures et des grandes espérances, en un moment favorable du temps ».

La cité au service des promoteurs

Il semblerait que, de nos jours, seuls les centres d’achats et autres furoncles de l’architecture vedette soient conviés à ce remodelage des centres historiques d’une cité qui devient un parc d’attractions pour touristes et technocrates de la nouvelle « économie numérique ». Les populations autochtones ayant été repoussées vers les marges périurbaines, les monuments et les places qui formaient les fils génériques de ce tissu urbain ont été rasés ou mis sous verre. Et, c’est ce qui pourrait bien attendre Notre-Dame alors que l’essentiel des reliques urbaines ne sert plus qu’à appâter les consommateurs apatrides qui ont remplacé les anciens citoyens.

Nous l’avions déjà dit : « Que reste-t-il des cultures d’élite ou populaires, à une époque où les « produits culturels » tiennent lieu d’AVATARS qui servent à promouvoir des stratégies de marketing ou, pour dire les choses autrement, des campagnes d’endoctrinement des citoyens devenus consommateurs. De la notion d’industrie culturelle, c’est le premier terme qui retient notre attention en cela que la culture ne représente plus qu’une production étant prise en charge par une industrie au service de la plus-value matérielle ou symbolique captée par les forces dominantes du marché ». Or, dans un contexte où, pour l’essentiel, nos centres-villes ont été évidés de leurs populations, alors que le tissu urbain était détruit par les conquêtes des promoteurs immobiliers, les autorités en place ont pris le parti de conserver sous vide quelques chefs-d’œuvre architecturaux susceptibles de constituer des pôles d’attraction.

L’Art contemporain comme monnaie d’échange

C’est avec ces considérations en tête que nous avons entrepris un entretien privé avec Aude de Kerros, prétextant la sortie de son dernier ouvrage portant sur les enjeux actuels de l’Art contemporain international (ACI). « ART CONTEMPORAIN – MANIPULATION ET GÉOPOLITIQUE » ressemble à un véritable guide qui nous aide à saisir les enjeux d’un marché de l’art qui n’a de comptes à rendre qu’à une poignée d’investisseurs très fortunés.

Auteur, graveur et peintre, notre interlocutrice partage avec nous cette appréhension concernant la mainmise des milieux financiers sur un monde culturel qui est mis au pas afin de servir des objectifs de rentabilité à court terme et d’endoctrinement idéologique. Elle met la table pour une étude en profondeur des processus qui participent à la mondialisation des transactions qui émaillent un marché de l’art qui ressemble à s’y méprendre à une institution « capable de battre monnaie », dans un contexte où l’art ne sert plus que de « lettre de change ». Si l’Art contemporain est devenu un vecteur de soft power au service de toutes les CIA de ce monde, Aude de Kerros nous prévient que c’est Marcel Duchamp et les autres épigones de l’Art conceptuel qui ont permis de dématérialiser l’art pour en faire une « valeur faciale » ou valeur nominale.

Il fallait bien dématérialiser l’art afin de pouvoir en faire une monnaie d’échange. C’est chose faite selon l’auteure qui estime que les dadaïstes, Marcel Duchamp et le POP ART américain ont permis aux opérateurs des marchés internationaux – et toutes les agences de renseignement – de pousser le marché de l’art dans les derniers retranchements de la fétichisation de l’objet et de sa prise en charge par la mise en marché de sa « valeur nominale ». Ainsi, toujours selon elle, « le conceptualisme n’est plus de l’art au sens commun du terme, qu’il soit moderne ou non : en art, la forme exprime le sens et les critères de jugement sont d’abord esthétiques. L’adoption du conceptualisme comme avant-garde unique autant que définitive a un avantage déterminant : avec ce nouvel instrument, la CIA n’est plus limitée par le silence des images, mais peut aussi s’approprier et détourner les discours révolutionnaires : critique sociale, art pour tous, table rase, etc., et, ainsi, créer un leurre qui serait fatal aux intellectuels de gauche ».

Détruire la notion d’oeuvre

Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis l’époque où la CIA utilisait l’expression lyrique d’un Jackson Pollock ou le POP ART d’un Robert Rauschenberg comme armes de destruction massive contre le réalisme socialiste à l’honneur au sein des pays de l’ancien empire soviétique. Aude de Kerros passe au peigne fin l’époque charnière qui va de l’après-guerre jusqu’à mai 68 pour nous faire prendre conscience que les épigones de l’art conceptuel et du dadaïsme ont servi les visées impérialistes du marché de l’art new-yorkais et des services secrets américains. Profitant des Trente Glorieuses – les années de prospérité économique qui couvrent les années 1950-60-70 – les financiers anglo-saxons ont créé un nouvel avatar afin de monopoliser le marché de l’art contemporain et toutes ses déclinaisons. Ainsi, le marchand d’art américain Leo Castelli aurait manipulé – toujours si l’on se fie à l’analyse de Mme de Kerros – le critique d’art parisien Pierre Restany pour investir, tel un cheval de Troie, la Ville lumière. Disciple de la pensée de Marcel Duchamp, le théoricien Restany n’avait pas hésité à clamer dans son manifeste de 1960 que « La peinture est morte ! », un mot d’ordre qui convenait parfaitement aux financiers de Wall Street désireux de mettre la main sur le marché émergeant de l’Art contemporain.

Aude de Kerros souligne que « la promotion par la CIA de l’expressionnisme abstrait en Europe n’a pas provoqué le choc attendu ». De fait, après la chute des régimes fascistes et nazis, et dans le sillage de la lente décomposition du bloc soviétique, l’esthétique néoréaliste n’avait plus la cote dans une Europe où tous les courants esthétiques se remettaient à circuler le plus librement du monde. Et, partant de là, la nouvelle peinture POP et l’expression lyrique ne constituaient pas vraiment de quoi jeter par terre les artistes du Vieux Continent. Si les croûtes de Jackson Pollock avaient bien suscité quelques mouvements de curiosité vers la fin des années 1950, l’armada du POP ART ne parviendra pas à faire de grands dommages dans les milieux de l’art parisien et ailleurs en Europe.

Toutefois, c’est la pensé de Marcel Duchamp qui parviendra à s’infiltrer par tous les pores d’un système de l’art désormais prisonnier des marchés anglo-saxons. Ainsi, « à partir de 1960, les stratégies de Castelli [manifestement adoubé par les marchés de Wall Street et les services secrets américains] et le travail de la CIA commencent à produire des résultats. Le choix d’une nouvelle avant-garde ayant pour théorie fondatrice le conceptualisme de Marcel Duchamp est efficace. Sa doxa affirme : « Est de l’art tout ce que l’artiste dit être de l’art ». Créer – poursuit Aude de Kerros – c’est concevoir et déclarer. L’œuvre c’est le concept ! La forme, l’objet matériel, n’est que la partie négligeable de l’œuvre, un artisanat que l’on peut sous-traiter. Duchamp définissait cette pratique conceptuelle comme un « non-art », ses artistes comme des « anarchistes ». Cette fois-ci, la rupture est totale : si l’art conceptuel est déclaré être de « l’art » à la place de « l’art » c’est que le mot « art » a changé de définition. Les critères, jusque-là esthétiques, de concordance entre fond et forme, étaient compréhensibles, partageables, discutables. Ils permettaient une évaluation à laquelle on pouvait adhérer ou non, en sachant pourquoi. Ce n’est plus le cas avec l’art conceptuel ».

Il s’agit d’un curieux paradoxe, le fait qu’un pseudo artiste parisien, Marcel Duchamp, ait fourni le cadre conceptuel idéal aux marchés new-yorkais ! Désormais, dans le sillage de la révolution libérale-libertaire, une nouvelle définition de l’art est née sur les prémisses des extravagances jetées à la face du monde par les dadaïstes, les conceptuels et leurs épigones de la « mort de l’art ».

Une dématérialisation de l’art

Aude de Kerros s’est confiée à nous dans le cadre d’un entretien qui portait justement sur cette dématérialisation de l’art au profit des nouveaux investisseurs dans le monde de la culture dite « contemporaine ». Interrogée au sujet de cette manipulation des produits de l’art contemporain, elle s’emporte : « Aujourd’hui, par exemple, j’ai appris qu’un artiste japonais ayant produit une sorte de petit graffiti – tout à fait simpliste –   a réussi à en tirer des millions sur le marché. Alors on se pose la question qui tue : « quel est le rapport entre la chose et le prix ? » La réponse est compliquée. Précisons qu’au départ, il y a peut-être 200 personnes qui jouent ensemble au sein d’un cercle fermé d’investisseurs privilégiés. Ils forment donc un réseau et c’est eux qui décident de la valeur « faciale » des œuvres qu’ils font circuler à travers leur cercle respectif. Après, vous avez le cercle des médias, parce qu’il faut bien rendre les choses visibles et vous retrouvez, à la toute fin de la chaîne, les institutions d’état qui achètent. Profitant de sa position d’initié, le collectionneur privilégié, avant même que l’œuvre n’ait été mise sur le marché, a déjà acheté le produit. Il y a tous les cercles concentriques des milieux de diffusion et de vente de l’art – galeries, biennales, ports francs, etc. – et, en dernier lieu, vous retrouvez les institutions publiques. Ce sont des joueurs qui jouent à un jeu financier dont le moteur est constitué de ce réseau de collectionneurs privilégiés qui sont capables d’investir entre 1 million et 100 millions pour une œuvre, comme ça, sans problème ! »

Un système endogamique

On comprendra que, dans un tel contexte, une poignée de membres de l’hyperclasse soit en mesure d’influencer le « haut marché de l’art » et de phagocyter les institutions de l’état afin que les œuvres de leurs poulains y soient exposées et, partant, gagnent de la valeur sur le marché de la spéculation culturelle. C’est sans doute ce qui explique la raison pourquoi les institutions publiques complices ne veulent pas se départir de tout ce système de cotation, de mise en valeur et de promotion d’un art contemporain qui table sur des valeurs ontologiques résolument conceptuelles. Les produits artistiques, ainsi voulus, ne seront plus jugés sur cette base anthropologique qui, toujours selon Mme de Kerros, « fait que tout le monde recherche la beauté et l’harmonie au gré de son expérience avec l’œuvre d’art ».

Ainsi, quoi de plus commode que d’utiliser un système conceptuel fonctionnant sur le mode des vases communicants : de la conception de l’œuvre jusqu’à son évaluation, tout le discours qui sert à positionner l’art est construit à partir de valences qui n’ont rien à voir avec la valeur intrinsèque du « produit ». L’œuvre d’art sera, conséquemment, jugée sur la foi d’un système de valeurs abstraites, conceptuelles, qui peuvent être manipulées à volonté par les médias, le marché de l’art ou les spéculateurs. L’œuvre d’art à l’intérieur de ce système artificiel n’a donc plus aucune valeur en soi. C’est le discours sur l’art qui détermine la valeur et permet de fixer des cotations par la suite et, a fortiori, de justifier la monopolisation des institutions publiques pour diffuser les « produits » de ce marché artificiel qui fonctionne sur le mode de la boucle de rétroaction.

Et, parlant de ce mode de fonctionnement, notre interlocutrice précise que « ces gens-là sont actifs au sein d’un système endogamique et, s’il s’interrompt, tout s’effondre. C’est justement parce que c’est un système fermé que la valeur peut être produite. Mais, contre toute attente, ils devront subir les inconvénients des avantages. Le circuit du milieu intellectuel produisant une critique sur l’art est lié à l’état. Il s’agit donc d’un système qui se protège avec des gardiens, des barrières, et les bénéficiaires de ce système en vase clos sont désespérés parce que désormais, grâce à la circulation de l’information sur le net, on peut raconter leurs bêtises ».

L’art a perdu son âme

Nous avions déjà précisé, dans un article s’intitulant La culture POP : art pornographique par excellence, que « des ready-made de Marcel Duchamp jusqu’aux troupeaux de badauds dénudés pour être photographiés par Spencer Tunick, en passant par l’arte povera des années 1970-80, le monde de l’art occidental se contente de mettre en scène des rogatons qui témoignent de l’emprise incontestable et incontestée du marketing. L’art contemporain tient lieu de processus de récupération des produits de la culture du marketing, puisque la culture n’est plus un espace de représentation au service de la quête spirituelle d’une collectivité donnée ».

Justement, à propos de cette spiritualité qui a été chassée du monde de l’art, Aude de Kerros estime que « l’effondrement de la notion du transcendant et de la spiritualité fait qu’il y a un vide considérable et c’est l’argent qui a fini par combler ce vide. L’argent n’a pas d’âme : c’est un bon serviteur et un mauvais maître. C’est l’effondrement de la civilisation qui est lié à l’effondrement de la spiritualité – et de la notion de la transcendance – qui fait que l’occident est si mal en point, parce que c’est une histoire occidentale cette affaire d’art contemporain ».

La réalité du globalisme

Prenant acte d’un globalisme qui n’est pas qu’une idéologie, mais pouvant correspondre à certains aspects de la réalité, Mme de Kerros nous aide à conclure notre article au moyen d’un passage révélateur contenu dans son dernier essai. En effet, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, elle nous prévient que « cette contrainte occidentale d’une idéologie de l’art, certes très adaptée aux affaires, peut-elle s’exercer encore longtemps sur un marché aujourd’hui mondialisé ? Si les intérêts d’argent sont aisément partageables à l’échelle planétaire, la culture ne s’impose pas si facilement … Artistes et amateurs originaires d’autres continents ne sont peut-être pas prêts à renoncer entièrement à leurs aspirations […] »

S’il est vrai que plusieurs sociétés « émergentes » n’ont toujours pas été entièrement contaminées par ce système et cette vision mercantile de l’art, il n’en demeure pas moins que l’ubiquité d’Internet sert surtout à promouvoir des idéologies qui reposent, d’abord et avant tout, sur la « société du spectacle ». En outre, les derniers rescapés de la classe moyenne mourante n’ont pas toujours les moyens de se payer des œuvres d’art « abordables », dans un contexte où la fiscalité favorise surtout les gros investisseurs. On connaît la chanson au chapitre des paradis fiscaux et des autres voies de contournement qui sont l’apanage de l’hyperclasse.

Aude de Kerros nous confiait, en fin d’entretien, avoir espoir que les sites qui font la promotion des « artistes dissidents » pourront aider à mettre en place des marchés parallèles, pour que l’authentique création soit en mesure de se faire connaître. Encore faudrait-il que les internautes s’intéressent à autre chose qu’à la promotion de leur ego ou à cette fuite en avant qui caractérisent les communications postmodernes.

Optimiste, certes, Aude de Kerros demeure réaliste en affirmant que « le krach financier de 2008 a marqué un tournant dans le domaine de l’appréciation de l’Art contemporain. Le public mondial a assisté au grand spectacle de la dématérialisation des titres. D’évidence, les produits financiers dérivés, dits « sécurisés » n’avaient pas de contrepartie matérielle, ne reposaient pas sur une richesse tangible. Malgré le fait que le marché financier n’a pas entraîné le marché de l’art dans sa chute, l’analogie fut faite avec ce qui était devenu très semblable à un produit financier : l’Art contemporain ».

Un hubris démoniaque

Si ce système de l’Art contemporain a permis de dématérialiser les fondamentaux de l’expression artistique, c’est peut-être parce que nos élites ont été submergées par une hubris emportant tout sur son passage. Aude de Kerros nous aide à comprendre les ficelles d’un système de reproduction culturelle qui sert à « monétiser » des œuvres conceptuelles et, du même coup, à faire la promotion de messages qui font le jeu d’un soft power globaliste. Toutefois, elle n’épilogue pas trop sur cette dégénérescence qui est le propre des civilisations qui se meurent. Mis à part quelques perles, comme celle-ci : « L’art contemporain, dont le but proclamé est transgression, subversion, table rase, a eu depuis le début de son existence la nécessité impérieuse d’être rapidement muséifié pour exister. On peut dire que le musée d’Art contemporain est consubstantiel à cette redéfinition de l’art désormais séculaire ».

In fine, si l’on suit le fil de la discussion, force-nous est de constater que les institutions publiques, prêtant main-forte à ce marché artificiel, ont contribué à sanctuariser un air du temps qui flirte dangereusement avec le nihilisme le plus complet. Rajoutons-en un peu, même si la coupe est pleine. Le terrible incendie qui a dévasté toute la charpente de Notre-Dame de Paris était-il le fruit d’un malencontreux hasard ou bien l’œuvre d’un mauvais génie de la performance in situ ? Toujours est-il que la reconstruction de ce trésor du patrimoine pourrait servir à reconvertir l’auguste cathédrale en musée … d’Art contemporain. On pourrait y reproduire, par hologrammes, des épisodes de cet incendie dantesque et, chemin faisant, célébrer la victoire d’une culture qui a définitivement enterré la spiritualité.

Un livre incontournable à lire :

« ART CONTEMPORAIN – MANIPULATION ET GÉOPOLITIQUE »

Par Aude de Kerros, aux Éditions Eyrolles, Paris, 2019, ISBN : 978-2-212-57302-2

Site de l’auteur :

https://www.audedekerros.fr/

Un entretien sur les tenants et les aboutissants de ce marché de l’Art contemporain :

Source: Lire l'article complet de Strategika

À propos de l'auteur Strategika

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