Donné favori de l’élection présidentielle du 6 septembre, Luis Arce, le candidat de gauche, est visé par d’opportunes plaintes pour « corruption ».
Par Rosa Moussaoui
Désigner Evo Morales comme un « terroriste » et son camarade Luis Arce, favori de l’élection présidentielle du 6 septembre prochain, comme un corrompu, déclarer hors la loi leur parti, le Mouvement vers le socialisme (MAS), en vue des élections législatives. En Bolivie, le gouvernement de facto qui s’est emparé du pouvoir l’automne dernier est donné battu sur le terrain électoral et politique : il choisit donc la stratégie du harcèlement judiciaire déjà éprouvée en Amérique latine contre plusieurs anciens chefs d’État : Luis Ignacio Lula da Silva au Brésil, Rafael Correa en Équateur, Cristina Fernandez de Kirchner en Argentine. Objectif : laisser les putschistes et leurs alliés seuls en piste.
Evo Morales poursuivi pour « terrorisme »
Le 6 juillet, le procureur général a ainsi fait état de l’instruction d’une plainte pour « terrorisme » et «financement du terrorisme » contre l’ancien président Evo Morales, contraint de quitter le pouvoir et le pays sous la menace de la police et de l’armée, le 11 novembre dernier, après avoir été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle – résultats contestés par ses adversaires sur la base de données truquées de l’Organisation des États américains (voir notre édition du 11 juin). Depuis le Mexique, première étape de son exil, accuse le parquet, il aurait commandité un « blocus alimentaire » et « l’encerclement » des chefs-lieux de région en suggérant au chef des cultivateurs de coca, Faustino Yutra, de hérisser les routes de barrages pendant le conflit postélectoral. Depuis Buenos Aires où il est aujourd’hui réfugié, Evo Morales, déjà poursuivi pour « sédition » et « fraude électorale », a fustigé une procédure « illégale », « inconstitutionnelle », relevant d’une « persécution politique systématique » orchestrée par l’exécutif de facto.
Autre cible de ces manigances politico-judiciaires : Luis Arce, candidat du MAS à l’élection présidentielle, crédité dans les derniers sondages de 42 % des intentions de vote, soit quinze points de plus que son adversaire de droite Carlos Mesa (27 %) et loin devant l’autoproclamée présidente par intérim Jeanine Añez (13 %). L’ancien ministre de l’Économie d’Evo Morales est visé par une plainte rendue publique le 30 juin dernier pour l’achat de deux programmes informatiques destinés à un fonds de pension public dont il présidait le conseil d’administration, commande publique qui aurait causé « un préjudice économique » à l’État. Il est par ailleurs accusé de « manquement à son devoir » dans une affaire de détournements présumés concernant le Fonds de développement pour les peuples indigènes et les communautés paysannes.
Le ministre de la Justice, Alvaro Coimbra, promet par ailleurs la relance prochaine d’une soixantaine de procès pour corruption présumée sous les mandats d’Evo Morales. Par contre, les innombrables affaires qui cernent la droite putschiste au pouvoir, comme le scandale des fausses factures établies pour l’achat, à prix d’or, de respirateurs (voir notre édition du 22 mai), tiendraient, elles, à des « complots » fomentés par le MAS. Le parti d’Evo Morales, qui détient toujours une large majorité dans chacune des deux chambres du Parlement bolivien, s’insurge contre un « coup d’État judiciaire » en préparation : « Le pari est de participer à une élection mais sans le principal concurrent. » Faute de pouvoir le battre loyalement, il s’agit d’écarter l’adversaire. Pour mieux ancrer le « retour au néolibéralisme » voulu par une droite raciste, intégriste, décidée à brader les ressources du pays et les services publics de première nécessité, dont la gauche a fait des biens communs relevant de la réponse aux « droits humains ».
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