Par Pepe Escobar − Le 12 juillet 2020 − Source Asia Times via Global Research
Deux des principales « menaces stratégiques » des États-Unis se rapprochent de plus en plus dans le cadre des Nouvelles routes de la Soie – le principal projet d’intégration économique du 21e siècle à travers l’Eurasie. L’État profond ne s’en réjouira pas.
Le porte-parole du Ministère iranien des Affaires Étrangères, Abbas Mousavi, a qualifié de « mensonges » une série de rumeurs concernant la « feuille de route transparente » intégrée dans le partenariat stratégique Iran-Chine en pleine évolution.
Cette déclaration a été complétée par le Chef de Cabinet du Président Rouhani, Mahmoud Vezi, qui a déclaré :
une ligne de propagande destructrice a été initiée et dirigée depuis l’extérieur de l’Iran contre le développement des relations de l’Iran avec ses voisins et surtout (avec) la Chine et la Russie.
Vezi a ajouté,
cette feuille de route dans laquelle une voie est définie pour l’accroissement des relations entre les gouvernements et les secteurs privés est signée et continuera à être signée entre de nombreux pays.
Dans une large mesure, Mousavi et Vezi faisaient référence à un rapport sensationnel qui n’ajoutait rien qui ne soit déjà connu sur le partenariat stratégique, mais qui, comme on pouvait s’y attendre, lançait une alerte rouge majeure sur l’alliance militaire.
Le partenariat stratégique Iran-Chine a été officiellement établi en 2016, lorsque le président Xi s’est rendu à Téhéran. Voici les lignes directrices.
Deux articles parmi les 20 énumérés dans l’accord sont particulièrement pertinents.
Le point 7 définit la portée du partenariat dans le cadre de la vision de l’intégration de l’Eurasie selon les nouvelles routes de la Soie :
La partie iranienne se félicite de l’initiative de la Chine concernant la « ceinture économique de la route de la Soie et la route maritime de la Soie du XXIe siècle ». En s’appuyant sur leurs forces et avantages respectifs ainsi que sur les possibilités offertes par la signature de documents tels que le « protocole d’accord sur la promotion conjointe de la ceinture économique de la route de la Soie et de la route maritime de la Soie du XXIe siècle » et le « protocole d’accord sur le renforcement des capacités industrielles et minérales et des investissements », les deux parties développeront leur coopération et leurs investissements mutuels dans divers domaines, notamment les transports, les chemins de fer, les ports, l’énergie, l’industrie, le commerce et les services.
Et le point 10 fait l’éloge de l’adhésion de l’Iran à l’AIIB :
La partie chinoise apprécie la participation de l’Iran en tant que « membre fondateur » de la Banque Asiatique d’Investissement dans les Infrastructures [AIIB]. Les deux parties sont prêtes à renforcer leur coopération dans les domaines concernés et à joindre leurs efforts pour le progrès et la prospérité de l’Asie ».
Alors, quel est l’accord ?
Le cœur du partenariat stratégique Iran-Chine – qui n’est plus un secret depuis au moins l’année dernière – tourne autour d’un investissement chinois de 400 milliards de dollars dans l’énergie et les infrastructures iraniennes pour les 25 prochaines années. Il s’agit de garantir la question suprême de l’intérêt national chinois : un approvisionnement régulier en pétrole et en gaz, en contournant le dangereux goulet d’étranglement du détroit de Malacca, garanti avec une remise moyenne de 18 %, et payé en yuan ou dans un panier de devises excluant le dollar américain.
Pékin investira également environ 228 milliards de dollars dans les infrastructures iraniennes – c’est là qu’intervient l’AIIB – sur 25 ans, mais surtout jusqu’en 2025. Cela va de la construction d’usines à la rénovation indispensable de l’industrie énergétique, en passant par la construction déjà en cours du chemin de fer électrique de 900 km de long entre Téhéran et Mashhad.
Téhéran, Qom et Ispahan [Meched sur la carte, NdSF] seront également reliées par un train à grande vitesse – et il y aura une prolongation jusqu’à Tabriz, un important nœud pétrolier, gazier et pétrochimique et le point de départ du gazoduc Tabriz-Ankara.
Tout ce qui précède est tout à fait logique en termes des nouvelles routes de la Soie, car l’Iran est un carrefour eurasien clé. Un train à grande vitesse traversant l’Iran reliera Urumqi, dans le Xinjiang, à Téhéran, via quatre des « stans » d’Asie centrale – Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan et Turkménistan – jusqu’en Asie occidentale, en passant par l’Irak et la Turquie, et plus loin en Europe : une renaissance techno moderne des anciennes Routes de la Soie, où la langue principale du commerce entre l’Est et l’Ouest à travers le cœur du pays était le persan.
Les termes de la coopération militaire aérienne et navale entre l’Iran et la Chine, mais aussi la Russie, ne sont pas encore finalisés – comme me l’ont dit des sources iraniennes. Et personne n’a eu accès aux détails. Ce que Mousavi a dit, dans un tweet, c’est que « il n’y a rien [dans l’accord] sur la livraison d’îles iraniennes à la Chine, rien sur la présence de forces militaires, et d’autres mensonges ».
Il en va de même pour les spéculations – totalement infondées – selon lesquelles l’Armée Populaire de Libération se verrait accorder des bases en Iran et serait autorisée à stationner des troupes sur le territoire iranien.
Dimanche dernier, le Ministre des Affaires Étrangères Mohammad Javad Zarif a souligné que l’Iran et la Chine avaient négocié « avec confiance et conviction » et qu’il n’y avait « rien de secret » dans cet accord.
Les négociateurs iraniens, chinois et russes se rencontreront le mois prochain pour discuter des termes de la coopération militaire entre les trois principaux nœuds de l’intégration eurasienne. Une collaboration plus étroite devrait commencer d’ici novembre.
Sur le plan géopolitique et géo-économique, la principale conclusion est que l’implacable blocus américain de l’économie iranienne, qui se traduit par des sanctions armées sévères, est impuissant à faire quoi que ce soit contre le vaste accord Iran-Chine. Voici un exposé honnête de certains des facteurs en jeu.
Le partenariat stratégique Iran-Chine est une nouvelle démonstration de ce qui pourrait être qualifié de marque d’exception chinoise : une mentalité collective et une planification suffisamment organisée pour établir un partenariat économique, politique et militaire de grande envergure, gagnant-gagnant.
Il est assez instructif de placer l’ensemble du processus dans le contexte de ce que le Conseiller d’État et Ministre des Affaires Étrangères Wang Yi a souligné lors d’une récente réunion des groupes de réflexion Chine-États-Unis, à laquelle a participé, entre autres, Henry Kissinger :
Une opinion particulière a circulé ces dernières années, selon laquelle le succès de la voie chinoise serait un coup et une menace pour le système et la voie occidentale. Cette affirmation est en contradiction avec les faits, et nous ne sommes pas d’accord avec elle. L’agressivité et l’expansion n’ont jamais été dans les gènes de la nation chinoise tout au long de ses 5 000 ans d’histoire. La Chine ne reproduit aucun modèle d’autres pays, et n’exporte pas non plus le sien à d’autres. Nous ne demandons jamais aux autres pays de copier ce que nous faisons. Il y a plus de 2 500 ans, nos ancêtres ont affirmé que « tous les êtres vivants peuvent croître en harmonie sans se blesser les uns les autres, et que les différentes voies peuvent se dérouler en parallèle sans interférer les unes avec les autres.
Pepe Escobar
Traduit par Michel, relu par Wayan pour le Saker Francophone
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