par Mikhail Gamandiy-Egorov
Meurtres de civils, déstabilisations d’Etats souverains, interférences dans les affaires internes, et même destructions pures et simples de pays – telles sont les caractéristiques des interventions étasuniennes à l’international. L’Afrique ne fait pas exception. Pour autant, le culot ne manque guère chez les instigateurs de ce chaos, qui prétendent défendre la stabilité, tout en accusant leurs adversaires géopolitiques.
L’interférence étasunienne dans les affaires d’Etats africains ne date pas d’hier. Et était déjà fortement active au moment même où les nations africaines luttaient pour leur libération nationale contre les métropoles coloniales européennes. Avec la peur au ventre de voir les pays d’Afrique nouvellement indépendants devenir des alliés de l’Union soviétique, qui soutenait lui dès les premières heures les mouvements de libération nationale et de décolonisation, les Etats-Unis avaient utilisé les méthodes les plus sales qui soient pour atteindre leurs objectifs.
Rien que de se rappeler de l’assassinat barbare du héros congolais et panafricain Patrice Lumumba, dans lequel et en coordination avec les services secrets belges, les USA joueront un rôle clé. Jusqu’à aujourd’hui les responsables de ce meurtre honteux vivent tranquillement en liberté, aux USA comme en Belgique, et se permettent même à accorder des interviews – dans lesquelles ils n’expriment absolument aucun remord.
Evidemment, l’épisode avec l’un des plus grands symboles de la résistance africaine face au colonialisme et au néocolonialisme, est très loin d’être le seul. L’élite étasunienne, notamment militaire et des renseignements, fera de son mieux pour faire tomber le gouvernement légitime et progressiste angolais du MPLA. Sans pour autant réussir. En s’alliant par la même occasion avec le régime raciste d’apartheid sud-africain de l’époque. En parlant d’ailleurs de l’Afrique du Sud – le héros de la lutte contre l’apartheid et premier président démocratiquement élu du pays, Nelson Mandela, sera pour rappel arrêté en son temps par le régime raciste avec la participation des Etats-Unis, et notamment de la CIA… Toujours bon de le rappeler.
Dans un cadre un peu plus récent et pour parler des opérations militaires directes étasuniennes en Afrique, il serait en effet bon de rappeler qu’un pays comme la Somalie a été détruit en tant que tel justement suite à l’intervention étasunienne. Cela sans oublier que jusqu’à ce jour nombre de familles des victimes de la dite intervention attendent toujours la reconnaissance de ces crimes et l’indemnisation de la part de Washington.
En passant, cette opération a créé justement la notion de «somalisation». Une somalisation qui s’est poursuivie avec l’agression de 2011 contre la Jamahiriya de Mouammar Kadhafi en Libye, dont le résultat macabre est connu et dont les conséquences restent catastrophiques jusqu’à ce jour. D’un Etat parmi les plus prospères du continent africain, la Libye est désormais un territoire où règnent le chaos, le terrorisme, les violations quasi-permanentes des droits humains, et où il n’est plus possible de parler d’unité nationale.
Force est de constater qu’au lieu de reconnaitre ses propres crimes, une structure comme Africom (le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique, créé par le Département étasunien de la Défense, coordonnant les activités militaires des USA sur le continent), accuse les principaux adversaires géopolitiques de Washington, notamment la Chine et la Russie, de déstabilisation en Afrique. Une hypocrisie extrême, mais tellement propre à la mentalité néocoloniale caractérisant les élites US, qui après les crimes, destructions et déstabilisations les caractérisant, prétendent lutter et défendre l’Afrique contre des pays qui au-delà de ne pas posséder de passé colonial sur le continent et d’avoir largement contribué aux libérations nationales africaines, sont pointés du doigt par le commandement d’Africom comme étant des déstabilisateurs.
Une chose est pour autant certaine. L’opinion publique africaine dans sa majorité, notamment en la qualité des partisans du panafricanisme, n’a pas la mémoire courte pour pouvoir reconnaitre ceux qui réalisent la promotion d’un concept purement néocolonial, et ceux qui collaborent avec les Etats africains sur la base du respect de leur cultures, traditions et souverainetés respectives. Nombreux sont les Africains qui comprennent également et parfaitement que les Etats-Unis ne deviendront jamais une alternative fiable aux anciens maitres colonisateurs européens, qui poursuivent bien souvent eux-aussi un agenda peint de néocolonialisme.
Le plus important probablement à l’heure actuelle, dans le cadre du monde multipolaire, c’est évidemment la promotion de la véritable unité africaine, sur la base des valeurs panafricaines des héros indéniables du continent – bien souvent éliminés par justement ceux qui prétendent aujourd’hui défendre les droits de l’homme à coups d’interventions directes ou indirectes, mais toujours dans la lignée néocoloniale qui leur est propre – et qui le restera. Une chose est également sûre: l’Afrique et les Africains n’ont pas besoin de maitres donneurs de leçons, pour reconnaitre les véritables amis et partenaires. Et dans ce cadre-là, le bras droit du néocolonialisme US en Afrique, malgré ses gesticulations, ne parviendra plus à dominer comme bon lui semble les Etats africains.
Mikhail Gamandiy-Egorov
source:http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=1837
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n’engagent que la responsabilité des auteurs
Source: Lire l'article complet de Réseau International