Par Finian Cunningham
Source : RT, le 30 juillet 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
Washington a lancé des accusations surprenantes selon lesquelles la Russie et la Chine « ont déjà transformé l’espace en un domaine de guerre », mais ce qui se passe réellement, c’est que les États-Unis tentent de détourner l’attention de leur propre militarisation spatiale controversée.
Il y a aussi une séquence d’événements reflétant l’hostilité de plus en plus hystérique de Washington envers la Russie et la Chine dans laquelle tous les événements sont perçus à travers une lentille américaine obsessionnelle de « guerre hybride ».
Un autre facteur est la demande accrue des États-Unis d’inclure la Chine dans les négociations sur le contrôle des armements avec la Russie, qui ont repris cette semaine.
L’affirmation faite contre la Russie et la Chine par Christophe Ford, un envoyé du département d’État pour le contrôle des armements, s’inscrit dans le contexte de l’annonce par le Président Trump de la création d’un nouveau commandement de la Force spatiale plus tôt cette année. Cette décision de l’administration Trump va à l’encontre du plaidoyer fait par la Russie et la Chine à l’ONU depuis plusieurs décennies afin d’empêcher la militarisation de l’espace.
Le Traité de l’ONU sur l’espace (ou Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique) de 1967 interdit la militarisation de l’atmosphère. Ainsi, les efforts renouvelés des Etats-Unis par le biais de leur commandement des force spatiales sont sans doute illégaux. Les allégations de Washington selon lesquelles Moscou et Pékin ont transformé l’espace en un domaine de guerre semblent inverser la réalité.
Karl Grossman, Professeur à l’Université d’État de New York qui a beaucoup écrit sur le sujet, soutient que la Russie et la Chine ont toujours plaidé pour l’élargissement du Traité des Nations Unies existant pour interdire non seulement le placement d’armes de destruction massive dans l’espace, mais aussi pour une interdiction de toute militarisation de l’espace.
« Les États-Unis ont voté à plusieurs reprises contre cet effort, opposant leur veto à l’ONU », a déclaré Grossman.
Il semblerait donc que les affirmations de Washington soient motivées par la nécessité de camoufler sa propre militarisation controversée de la « frontière ultime ».
Le 15 juillet, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont accusé la Russie de tester une arme antisatellite dans l’espace. Moscou a nié cela, affirmant qu’il s’agissait seulement d’une « inspection » de satellite en orbite par un autre de ses propres satellites. Le commandement de l’US Space Force reconnaît qu’il s’agissait d’un « événement non-destructeur », mais a néanmoins allégué qu’il s’agissait d’une tentative de la Russie de déployer une « balle » dans l’espace.
« L’inspection des satellites » pourrait bien sûr être un euphémisme pour acquérir la capacité d’espionner les engins spatiaux d’autres nations. Les États-Unis seraient impliqués dans le développement du même type d’activité de surveillance contre les satellites étrangers. Mais le fait que les Américains accusent la Russie de tester une « arme antisatellite » basée dans l’espace semble être une provocation outrancière.
Notamment, le rapport sur le prétendu test d’arme russe a été immédiatement suivi de déclarations tonitruantes saluant la création l’année dernière de l’US Space Force « pour dissuader l’agression et défendre la nation ».
Grossman déclare : « La nouvelle Force spatiale américaine essaie, je dirais désespérément, de se justifier et, par conséquent, son annonce selon laquelle la Russie a effectué un test d’armes antisatellites doit être envisagée dans ce contexte. »
Mais la séquence des événements va encore plus loin. La semaine dernière, le 23 juillet, la Chine a lancé son premier astromobile (rover) pour explorer Mars. Si la mission réussit à atterrir sur la planète rouge en sept mois, elle sera considérée comme une avancée décisive par la Chine, mettant le pays à égalité avec les États-Unis en matière d’exploration spatiale. Le lancement chinois a eu lieu une semaine avant que la NASA ne lance son nouveau rover sur Mars, qui devrait atteindre la planète en février, à peu près au même moment que celui de la Chine.
Il semble significatif que Christophe Ford, l’envoyé américain pour le contrôle des armements, ait fait pour la première fois son annonce accusant la Russie et la Chine de militariser l’espace au lendemain du lancement de la mission historique de la Chine sur Mars. Compte tenu de l’ingénierie étroitement imbriquée partagée par les fusées spatiales et les missiles balistiques, on pourrait donc affirmer vaguement qu’une mission de la Chine sur Mars peut avoir des dimensions militaires —comme toutes les missions spatiales américaines, si on utilise le même raisonnement ténu.
Cependant, dans le contexte actuel des accusations rampantes contre la Russie et la Chine de mener une « guerre hybride » universelle, allant de « l’ingérence dans les élections pour subvertir la démocratie américaine » au « déclenchement d’une pandémie de virus pour détruire le capitalisme américain », il n’est pas difficile de voir comment, dans l’état d’esprit de Washington, toutes les activités dans l’espace pourraient être interprétées comme davantage de guerre hybride. La paranoïa américaine a seulement pris des proportions extraterrestres.
Un autre facteur important dans la séquence est la reprise des pourparlers sur le contrôle des armements entre les États-Unis et la Russie cette semaine à Vienne. Ces négociations visent à prolonger le nouvel accord START limitant les armes stratégiques. Washington pousse la partie russe à inciter la Chine à rejoindre un nouvel accord trilatéral de contrôle des armements. Le Secrétaire d’État Mike Pompeo a admis dans un récent discours liminaire que Washington cherchait l’aide de la Russie pour réduire l’arsenal nucléaire chinois. Moscou a indiqué qu’un tel accord trilatéral avec la Chine, compte tenu de son arsenal relativement plus petit, n’est pas pertinent à ce stade des négociations bilatérales entre les États-Unis et la Russie sur le nouveau START.
Les États-Unis ont averti qu’ils soulèveraient la question de la prétendue arme antisatellite de la Russie lors des pourparlers sur le contrôle des armements cette semaine à Vienne.
Il semble que les États-Unis utilisent des allégations sur la militarisation spatiale non seulement pour détourner l’attention de leur propre programme illicite, mais aussi pour saper la Russie dans les négociations sur les armes afin de faire pression sur Moscou pour satisfaire les exigences de Washington à l’égard de la Chine.
Cela n’augure rien de bon pour le succès d’un accord de maîtrise des armements ou pour la sécurité mondiale. Affaire à suivre.
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