Par Scott Ritter
Scott Ritter est un ancien officier du renseignement du corps des Marines américains. Il a servi en Union soviétique comme inspecteur de la mise en œuvre du traité INF, auprès du Général Schwarzkopf pendant la guerre du Golfe et de 1991 à 1998 en tant qu’inspecteur des armes de l’ONU.
Source : RT, 30 juillet 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
La proposition du Président américain de reporter éventuellement les élections de novembre menace de délégitimer le mandat même qu’il cherche à préserver, ainsi que l’intégrité politique de la nation qu’il sert en apparence.
Aujourd’hui, le Président Donald Trump, qui est confronté à une bataille acharnée pour sa réélection, a fait hérisser les cheveux de tout le spectre politique des États-Unis dans un tweet suggérant que l’élection présidentielle américaine de 2020 soit reportée. « Avec le vote universel par correspondance (et non le vote par procuration, ce qui est une bonne chose) », a tweeté Trump, « 2020 sera l’élection la plus INEXACTE et la plus FRAUDULEUSE de l’histoire. Ce sera un grand embarras pour les États-Unis. Faut-il retarder les élections jusqu’à ce que les gens puissent voter correctement, en toute sécurité et en toute sérénité ??? »
Ce tweet ahurissant du Président Trump fait suite aux commentaires du Procureur général William Barr, s’adressant au comité judiciaire de la Chambre plus tôt cette semaine, sur le potentiel de fraude électorale lors de la prochaine élection présidentielle. Barr a affirmé qu’il y avait « un risque élevé » que le vote par correspondance conduise à une fraude « massive », notant que « si vous avez un vote par correspondance massif, cela augmente considérablement le risque de fraude ».
Interrogé par le Représentant Cédric Richmond sur la question de savoir si un Président américain en exercice pouvait unilatéralement déplacer la date d’une élection présidentielle, Barr a répondu : « En fait, je n’ai pas examiné ce que dit la Constitution sur cette question », laissant la porte ouverte à la possibilité que Trump ait pris la dérobade de Barr comme un feu vert.
S’il est possible que le Procureur général des États-Unis n’ait pas examiné la constitutionnalité d’une modification du processus électoral présidentiel par un Président, dont les modalités sont clairement énoncées dans la Constitution, nombreux sont ceux qui l’ont fait, des deux côtés de l’échiquier politique. Tous sont unanimes : le Président n’a aucune autorité pour faire une telle chose.
La « Loi sur le jour de l’élection présidentielle », adoptée par le Congrès en 1845, stipule que « les grands électeurs du Président et du vice-Président seront nommés dans chaque État le mardi suivant le premier lundi du mois de novembre de l’année au cours de laquelle ils doivent être nommés. » Toute modification de cette loi nécessiterait un acte du Congrès. Compte tenu de la partisanerie très chargée du climat politique américain actuel, une telle action ne se produira probablement pas.
En tout état de cause, la section 1 du 20e amendement de la Constitution américaine déclare que « [l] es mandats du Président et du vice-Président prendront fin à midi le 20 janvier, et les mandats des Sénateurs et Représentants à midi le 3e jour de janvier. »
Même si le Président parvenait à convaincre le Congrès qu’un report était nécessaire, celui-ci ne pourrait pas être utilisé par Trump pour tenter de rester au pouvoir : à moins qu’il ne l’emporte lors de l’élection, son mandat prend fin à l’heure décrétée par la Constitution.
Cela ne signifie pas que Trump et Barr ne pourraient pas, en préconisant de manière agressive un report de manière à entraver réellement la capacité des citoyens américains à voter le 3 novembre 2020, générer suffisamment de chaos pour rendre un vote national populaire impossible à quantifier.
Mais même dans un tel cas de figure, la Constitution a un remède : le Collège électoral. Alors qu’actuellement, la sélection des membres du Collège électoral est liée au vote populaire tel que calculé dans chaque État, le fait est que l’article II, section 1 de la Constitution laisse aux États une latitude quant à la manière dont les grands électeurs sont sélectionnés (« Chaque État doit nommer, de la manière que la législature de celui-ci peut ordonner, un nombre de grands électeurs, égal au nombre total de Sénateurs et de Représentants auquel l’État peut avoir droit au Congrès »), créant la possibilité que la Convention électorale puisse être convoquée sans qu’un vote populaire ait eu lieu.
Il s’agit d’un territoire inconnu, et la probabilité que les 50 États soient en mesure d’amener leurs organes législatifs respectifs à agir de manière décisive et à adopter une législation permettant la sélection des grands électeurs en l’absence d’un vote populaire est pratiquement nulle. Mais même dans une telle situation, l’article II, section 1 offre une solution : au cas où le Collège électoral ne serait pas en mesure de choisir un Président, la question est transmise à la Chambre des représentants, qui votera par État, chaque État obtenant une voix. Mais un tel processus ne serait probablement pas sans controverse.
Tout report des élections du 3 novembre 2020 qui n’aboutirait pas à un processus électoral juste et équitable dans les 50 États créerait les conditions pour que toute décision reposant sur la détermination d’un organe élu soit contestée.
En bref, même si la Chambre était en mesure d’élire un Président, cette décision n’aurait probablement pas l’approbation d’un nombre significatif d’États. Dans une démocratie où le pouvoir de gouverner est incontestablement lié au consentement du peuple à être gouverné, tout Président ainsi élu verrait sa légitimité contestée. Le chaos et l’anarchie suivraient probablement, et dans leur sillage les perspectives de guerre civile.
La probabilité qu’un tel scénario se déroule, ou puisse même se dérouler aux Etats-Unis aujourd’hui est pratiquement nulle. Les risques d’une telle entreprise sont si graves que même le plus fanatique des partisans de Trump s’opposerait à tout effort sérieux visant à retarder la date des élections du 3 novembre.
Cela soulève la question de savoir quelle est la motivation du Président Trump de suggérer la possibilité d’une action qui, si elle est menée sans le consentement du Congrès, ne constitue rien de moins que de la sédition. La réponse évidente est que le Président, confronté à un déclin précipité du soutien populaire, comme en témoignent les multiples sondages, cherche un moyen de retarder une défaite inévitable aux urnes.
Ceux qui entourent le Président, en premier lieu le procureur général, doivent lui faire comprendre à quel point le terrain sur lequel il veut s’engager est dangereux. Il y a des choses bien pires que de perdre une élection populaire ; toute initiative visant à saper le droit constitutionnel des citoyens américains d’élire le chef de l’exécutif ferait en sorte que Trump ne soit plus un « Président dûment élu » et le définirait plutôt comme un « dictateur autocratique ». La première formule sonne généralement bien durant la transition politique ; il en va tout autrement pour la seconde.
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