Mozart, Vivaldi, Haendel, Bach. Parmi les grands compositeurs, ces quatre maitres ont en commun d’avoir laissé à l’humanité un legs musical impressionnant. Ce qu’on oublie parfois, c’est que plusieurs de leurs œuvres ont été écrites pour Dieu. Une enquête historique de Frédérique Francœur.
En marchant vers l’église, j’ai des papillons dans l’estomac. Je me tourne vers mon mari et je lui demande : « Quels chants vont-ils chanter ce soir, tu penses ? » J’y ai pensé pendant tout le trajet en voiture.
La musique. C’est pour moi l’élément le plus touchant des célébrations religieuses. L’une des manières les plus dignes de louer le Seigneur.
Je ne suis pas la seule à le penser, loin de là. Plusieurs des grands compositeurs qui ont marqué l’histoire de la musique ont, eux aussi, trouvé dans la musique un magnifique moyen de rendre gloire au Dieu éternel.
Voici une courte revue de la foi de quatre des plus grands compositeurs.
Haendel : histoire d’une vive passion
Celui qui semble avoir le plus marqué le monde de la musique sacrée est en définitive Haendel. En effet, n’entend-on pas souvent son Alléluia aux célébrations dominicales de la paroisse ? Et pourtant, il ne fut ni le plus pratiquant ni le plus prolifique en matière de musique religieuse. Son chemin de foi s’est cependant fait avec force. Histoire intéressante.
Haendel, après plusieurs années de gloire italienne et anglaise, frappe un mur. Il vit en débauché, ne compose plus. La dépression l’envahit ainsi qu’un fort sentiment de vide. Les évènements se succèdent ; une attaque cérébrale le frappe de plein fouet.
C’est par la suite, à l’âge de 56 ans, qu’il est mis en contact avec un livret regroupant plusieurs extraits de la Bible : l’annonce du Christ par le prophète Isaïe, des textes de Zacharie, de saint Luc, de saint Mathieu, de saint Jean, du livre de Job… Sa lecture le surprend, le laisse perplexe. Cet état de béatitude ne dure pas longtemps.
Il s’assied presque aussitôt à sa table de travail et compose, en aussi peu que vingt-cinq jours, le fabuleux oratorio intitulé Le Messie, dont les notes exceptionnelles nous parviennent encore aujourd’hui. Ce travail relève pratiquement du miracle ; on dit d’ailleurs qu’il n’a pu le composer seul, qu’une main guidait son travail. L’écriture du Messie s’est peu à peu transformée en acte de foi et de conversion.
Le compositeur est témoin de la grandeur de Dieu : « Dieu m’a rendu visite. En écrivant l’Alléluia, j’ai cru voir le ciel s’ouvrir et Dieu paraitre devant moi. » La première représentation de son œuvre est un vif succès.
Le compositeur décide de verser tous les profits de la première représentation du Messie à des œuvres de charité. « J’ai été moi-même très malade, et maintenant je suis guéri. J’étais prisonnier, et j’ai été délivré. » Il n’est pas difficile de croire ceux qui l’ont côtoyé lorsqu’ils le décrivent comme un homme extrêmement généreux et charitable.
Sa foi s’épanouit et l’accompagne dans la maladie qui le gagne. Sur son lit de mort, il demande à ce qu’on lui lise des psaumes et des extraits de la Bible. On l’entend, à plusieurs reprises, exprimer le souhait de s’éteindre le jour où l’Église célèbre la passion du Christ. Il est exaucé. Haendel s’éteint le Vendredi saint de l’an 1759. Sur son tombeau, on peut lire : Je sais que mon Rédempteur est vivant.
Vivaldi, le Prete Rosso
Fort est à parier que peu d’entre vous connaissaient Vivaldi, le célèbre compositeur des Quatre saisons, comme un homme de foi. Descendant d’une famille catholique, il est tonsuré à quinze ans. Si, à l’origine, ses parents l’ont envoyé au séminaire plutôt par désir d’ascension sociale que par piété, il est plutôt difficile de douter de la foi du compositeur lui-même.
Il s’écoule dix ans avant que Vivaldi accède à la prêtrise, dix années pendant lesquelles les tests et les confrontations se succèdent. Est-il réellement fait pour la prêtrise ? A-t-il cette foi solide qui lui sera nécessaire ? Voilà ce que ses supérieurs tentent de déterminer.
Finalement, à 25 ans, il reçoit l’ordination sacerdotale. Cependant, le ciel s’assombrit quelque peu pour lui. Après aussi peu que deux ans, il réalise qu’il doit abandonner la célébration de la messe : il souffre d’asthme, ce qui lui nuit beaucoup lors des célébrations.
Peut-être était-ce là un signe que sa destinée était ailleurs. Sans abandonner la prêtrise, il se fait embaucher à l’hospice vénitien La Pietà, où il travaille une bonne partie de sa vie comme enseignant, chef de chœur, maitre de violon et compositeur pour de jeunes orphelines.
Vivaldi compose un répertoire immense de près de 650 œuvres. La plupart d’entre elles sont sacrées. Ses compositions ne sont pas un travail, mais plutôt un acte de foi. Il y met son cœur, sa rigueur, sa foi. Les musicologues Marc Pincherle et Roger-Claude Travers s’entendent pour dire que sa musique est sincère, attachante et très humaine.
Il travaille sans relâche, compose des musiques différentes pour les messes du dimanche, enseigne aux jeunes filles la foi et la musique. Il ne cessera jamais de s’émerveiller de la beauté divine de la musique et de ce don immense que Dieu nous a fait à travers la musique.
Bach, le Temple de l’Esprit Saint
La foi inébranlable de Bach est un témoignage des plus intéressants. D’emblée, on ne perçoit pas Bach comme un homme très croyant, son répertoire de musique religieuse n’étant pas celui auquel on pense en premier (bien avant viennent Schubert ou Haendel).
Et pourtant, ce répertoire sacré est très complet, le compositeur ayant été responsable de la musique de quatre églises au cours de sa vie. Ce luthérien affirmé inscrivait systématiquement Soli Deo Gloria (« à Dieu seul la gloire ») ou encore Jesus juvat (« Jésus aide ») sur ses manuscrits.
Dès sa tendre enfance, il est un bon écolier, particulièrement en latin. Plus il grandit, plus son talent en théologie se développe, pour devenir chez lui un objet de passion. Sa bibliothèque témoigne de cet amour : elle est partagée entre ouvrages musicaux et ouvrages de théologie luthérienne et de piété.
Son premier acte de foi est sans conteste sa musique, qu’il considère comme l’un des plus doux présents de Dieu. Pour lui, la Passion du Christ est la source d’inspiration ultime des musiciens. Celui qu’on a appelé le chantre de la doctrine luthérienne exploitait dans sa musique les thèmes du salut, du Christ sur la croix, de la confiance du chrétien en Dieu, confirmant ainsi sa confiance en la fécondité musicale conférée par le Christ.
Plusieurs analystes musicaux tels que Luc-André Marcel, Karl Geiringer, Davitt Moroney ont d’ailleurs affirmé que sa musique sait exprimer avec une justesse étonnante la douleur de la mort du Christ et l’exaltation de l’âme possédée par l’Esprit Saint.
Sa foi se concrétise dans la mort tout autant que dans la vie. Bach devient orphelin très tôt, et voit plusieurs de ses proches décéder au fil des ans. La mort devient pour lui une force et se transforme en une source de vie qu’il puise dans le Seigneur. C’est une manière pour lui de s’abandonner à la volonté divine. Il la voit comme une certaine délivrance, un apaisement ; après tout, ne l’amène-t-elle pas au royaume de Dieu ?
Mozart, témoin du Christ
Le théologien Karl Barth écrivait : « Je suis certain que, lorsque les anges sont entre eux, ils jouent du Mozart, et que Dieu aime alors tout particulièrement les entendre. »
Mozart a exploité le plus qu’il a pu ce qu’il considérait comme un don de Dieu, son don de compositeur. Pour lui, cultiver son talent est bien plus un acte de foi que la pratique religieuse.
Son père, Leopold Mozart, avec qui il a passé une bonne partie de sa vie, l’élève dans la foi catholique. Mozart père est d’avis que son fils est un miracle de Dieu, et que sa mission est de le faire connaitre. Ne pas le faire serait un sacrilège, un affront à la gloire du Seigneur. Le père est pour le fils un enseignant et un tuteur.
Mozart pratique peu. Pourtant, le centre de la vie, l’essentiel se trouve pour lui dans le culte catholique. Sans effort, souvent inconsciemment, il exprime dans sa musique une dualité omniprésente. La vie et la mort. Les joies et les peines. Le bien et le mal. L’ombre, qui se transforme toujours en lumière. Sa musique tire son origine de Dieu et ne saurait être possible sans lui. On dit d’ailleurs d’elle qu’elle soulage, libère, apaise.
Le Seigneur, le monde, les hommes, l’existence, le ciel et la terre sont constamment en son cœur. Ainsi, sa musique écarte les excès, la rupture et la contradiction. Cet homme a vécu dans la paix et dans la liberté du Christ, pour reprendre les mots de Barth.
Très malade, il s’éteignit prématurément à l’âge de 35 ans en laissant derrière lui une grande œuvre inachevée : le Requiem en ré mineur. Cette « prière pour les morts » fut terminée par un de ses élèves après sa mort.
Le chemin de foi des grands compositeurs classiques est fascinant, parfois atypique et toujours puissant. Fait intéressant : le Christ reste, inconsciemment ou non, le cœur de leur composition musicale.
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe