Par Peter Symonds
Dans un discours liminaire la semaine dernière, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a considérablement fait monter les enchères dans la confrontation irresponsable et dangereuse du gouvernement Trump avec la Chine. Après avoir cité une liste croissante de condamnations infondées et de mensonges visant la Chine, il a déclaré que les États-Unis ne revenaient pas à la politique d’endiguement de la guerre froide. Il signala une stratégie bien plus agressive destinée à éliminer la menace posée par ce pays à la domination mondiale américaine.
Ce discours, intitulé «La Chine communiste et le monde libre» visait clairement à intensifier la pression sur les alliés américains et les partenaires stratégiques pour qu’ils s’alignent complètement sur la campagne anti-Chine de Washington. Pompeo a appelé «tous les dirigeants de tous les pays à emboîter le pas de l’Amérique » et condamné ceux qui n’avaient « tout simplement pas la capacité, le courage d’être à nos côtés».
Le message s’adressait notamment à l’Europe, indiquant que Washington ne tolérerait aucune dérogation à sa politique. Dans une critique à peine dissimulée visant l’Allemagne, Pompeo a déclaré: «En effet, nous avons un de nos alliés de l’OTAN qui n’a pas pris position comme il se doit vis-à-vis de Hong Kong car il craint que Pékin ne limite l’accès au marché chinois. C’est le genre de timidité qui mènera à un échec historique, et nous ne pouvons pas le répéter. »
Pompeo a utilisé la rhétorique de la guerre froide – le «monde libre» contre «la Chine communiste». Cela a toujours été un pauvre prétexte pour l’agression américaine, mais aujourd’hui cela n’a aucun rapport avec la réalité. Pompeo prétend défendre la démocratie alors que le gouvernement Trump détruit les droits démocratiques fondamentaux et les normes juridiques, envoyant des forces de police fédérales pour réprimer violemment les manifestations contre les meurtres policiers. De plus, après plus de quatre décennies de restauration capitaliste, qualifier la Chine de «communiste» est absurde.
L’aggravation de la crise du capitalisme mondial, alimentée par la pandémie de COVID-19, exacerbe les tensions géopolitiques et accroît la détresse de la politique étrangère américaine. Le gouvernement Trump exige que l’Europe et les pays du monde entier se rallient à la volonté américaine de subordonner la Chine à ses intérêts impérialistes. Mais il le fait alors même qu’il prend des mesures de guerre commerciale contre ses «alliés» européens pour s’assurer qu’eux non plus ne soient pas une menace pour l’hégémonie américaine.
Ce dernier discours de Pompeo fait partie d’une campagne visant à intimider les pays européens pour qu’ils suivent la ligne de Washington et, si cela échoue, à diviser et fracturer l’Union Européenne. Il suit son intervention de février à une conférence annuelle de Munich sur la sécurité qui a révélé de profondes divisions entre États-Unis et Europe. Il suit aussi deux allocutions faites l’une au sommet de la démocratie de Copenhague le 19 juin, intitulée «L’Europe et le défi chinois», et l’autre au Forum du Fonds Marshall allemand à Bruxelles, le 25 juin.
Ces deux derniers discours visaient à mobiliser le soutien de l’Europe contre la Chine et à faire pression sur les puissances européennes pour qu’elles adoptent une position plus agressive. Les deux rencontres étaient présidés par des personnalités résolument pro-Washington – la première par l’ex-premier ministre danois et secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen, et la seconde par le correspondant allemand du Wall Street Journal, Bojan Pancevski.
Pompeo a noté des «succès» dans le renforcement des mesures européennes contre la Chine. Ceux-ci comprenaient une nouvelle alliance interparlementaire sur la Chine où figurent certains dirigeants européens ; les dénonciations britanniques de Pékin sur la nouvelle loi de sécurité nationale à Hong Kong ; et la mise à l’écart de la société de télécommunications chinoise Huawei par des pays européens comme la République tchèque.
Ceux qui, dans les milieux dirigeants européens, emploient la rhétorique du «défendre la démocratie» et chapitrer la Chine sur les «droits de l’homme» à Hong Kong, au Tibet et au Xinjiang, sont tout aussi hypocrites que leurs homologues américains, étant donné le virage en Europe vers les mesures d’État policier et la promotion de partis d’extrême droite et ouvertement fascistes.
En même temps, les États-Unis ont l’intention d’isoler tout pays qui résiste. Les deux discours de juin faisaient suite à la décision du gouvernement Trump de retirer 10 000 soldats américains d’Allemagne au motif que Berlin n’augmentait pas suffisamment son budget militaire et dépendait du pétrole et du gaz russes. Pompeo a déclaré que la décision n’était pas seulement une réprimande de l’Allemagne mais faisait partie d’une restructuration massive de l’armée américaine vers l’Asie « pour nous assurer que nous sommes correctement positionnés pour contrer l’APL [l’armée chinoise] ».
Les divisions en Europe, comme dans tous les pays du monde, découlent d’une dépendance stratégique de longue date à l’égard des États-Unis d’une part, et d’une dépendance croissante du commerce et des relations économiques avec la Chine d’autre part. L’Allemagne dépend fortement du commerce et des investissements avec la Chine. Par ailleurs, comme les États-Unis, les puissances européennes craignent que la croissance économique rapide de la Chine – le résultat avant tout de sa transformation en une immense plate-forme de main-d’œuvre bon marché pour les entreprises mondiales – ne sape leur propre compétitivité économique et intérêts néo-coloniaux en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
Dans un article de ce mois intitulé «L’Europe change d’avis sur la Chine», Thomas Wright, analyste du groupe de réflexion américain Brookings Institution, a clairement montré qu’à l’origine du soutien européen à la campagne anti-Chine américaine il y avait la concurrence économique, et non un quelconque souci de démocratie.
Ayant noté que «l’un des principaux moteurs du scepticisme croissant de l’Europe envers la Chine était économique», Wright identifie comme facteur particulier le plan «Made in China 2025» de Pékin. L’objectif du plan de transformer la Chine en fabricant de premier plan de produits de haute technologie liés aux télécommunications 5G, à la robotique avancée et à l’intelligence artificielle représente une menace directe pour la domination américaine et européenne dans ces secteurs hautement rentables. En même temps, l’ambition des entreprises européennes de faire plus de profits en Chine a été frustrée par l’incapacité du gouvernement chinois à ouvrir de nouveaux secteurs de son économie à l’investissement étranger.
Si l’économie est certainement un facteur, la pression implacable de Washington pour forcer les pays européens à modifier leur politique ne joue pas un moindre rôle, contrairement à ce que soutient Wright. La récente décision du gouvernement britannique, par exemple, d’éliminer Huawei du réseau de télécommunications 5G du pays était en grande partie due à l’interdiction du gouvernement Trump d’utiliser des logiciels américains dans les équipements Huawei.
Le dernier discours de Pompeo représente une escalade majeure de la campagne anti-Chine de Washington à tous les égards. Il a déclaré que les États-Unis «ne pouvaient faire face seuls à ce défi» et a demandé de manière inquiétante que la «puissance économique, diplomatique et militaire combinée» de l’ONU, de l’OTAN, des pays du G7 et du G20 affronte la Chine. Confronté à une crise profonde chez lui, le gouvernement Trump cherche désespérément à diriger les tensions sociales vers un ennemi extérieur et ne reculera devant rien pour s’assurer le soutien des puissances européennes.
source:https://www.wsws.org/fr/articles/2020/07/28/usta-j28.html
Source: Lire l'article complet de Réseau International