Décidément, notre bon vieux BHL n’a pas de chance. Toutes les conditions étaient pourtant réunies afin que son séjour libyen se déroule sous les meilleurs auspices possibles : chaleur agréable lui permettant de déboutonner sa chemise immaculée, vent léger modelant sa chevelure aérodynamique… Las ! La grande expédition du guérillero de Saint-Germain-des-Prés s’est transformée en petite promenade écourtée par ses ex-protégés, bien ingrats pour l’occasion.
D’autres voient également l’évolution du pays d’un œil atterré, avec des raisons sans doute plus valables que le simple égo blessé d’un philosophe de comptoir. Nous avons vu le mois dernier que l’inextricable enchevêtrement d’alliances et d’oppositions moyen-orientales était encore magnifié par la crise libyenne.
L’Iran soutient le GNA tendance Frères musulmans qu’il a pourtant combattus en Syrie ; a l’inverse, l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis les combattent en Libye alors qu’ils les ont soutenus en Syrie et au Yémen ; quant à Israël, il est complètement perdu dans ce dossier, ne pouvant supporter ni le GNA (lié idéologiquement au Hamas) ni Haftar (allié à Assad).
Dans cette macédoine, l’empire se retrouve lui aussi dans une position très inconfortable. A l’origine du catastrophique changement de régime ayant abattu Khadafi, il a ensuite pris ses distances d’avec les nouvelles autorités libyennes pour soutenir Haftar, très longtemps vu comme l’homme des Américains. Vision en réalité peut-être un peu trompeuse…
Il est vrai que le personnage a passé des années aux Etats-Unis et appelait régulièrement au renversement de Khadafi. Mais il ne faut pas oublier que le général, alors jeune officier, avait aussi, en pleine Guerre froide, été envoyé deux fois (1978, 1983) à Moscou pour se former dans les prestigieuses écoles de l’état-major soviétique. En a-t-il gardé quelque chose ?
« L’homme des Américains » semble en tout cas clairement échapper à son supposé protecteur. En juin, des officiels US se disaient déjà troublés par de curieux vols entre l’Est libyen, fief d’Haftar, et… Caracas ! Il se murmure que lui et Maduro ont mis en place un système d’échange or-dollar pour permettre au liderissimo vénézuélien de contourner le blocus financier décidé par Washington.
Certes, il faut toujours prendre ce genre d’infos avec recul, mais la suite semble confirmer le divorce. DC la Folle, qui accuse régulièrement Moscou d’envoyer armes et mercenaires à Haftar, menacerait maintenant carrément ce dernier de sanctions pour ses liens avec la Russie, notamment avec le fameux Groupe Wagner qui contrôle une partie des installations pétrolières du pays.
Les conséquences géopolitiques de la rupture américano-haftarienne sont également fort intéressantes. Elle place en effet Washington complètement en porte-à-faux avec certains de ses plus proches troupiers – Arabie saoudite, France, Emirats Arabes Unis, Egypte -, tous fervents soutiens du général. La dissociation du lien impérial, en Libye comme ailleurs…
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