Ermite urbain. Voilà qui sonne comme une contradiction à nos oreilles. En effet, dans notre imaginaire, ce mot est associé à la forêt ou encore à une grotte dont l’accès est difficile. Pourtant, des hommes et des femmes ont décidé de suivre cet appel de la vie érémitique au cœur des villes. C’est le cas de l’abbé Jacques Larose. Discret, il a répondu à nos questions par courriel. Ces réponses lèvent le voile sur une partie de sa vie quotidienne, spirituelle… et virtuelle.
Une vie virtuelle ? Vraiment ? Tout à fait ! L’ermite urbain possède sa page Facebook, son propre blogue et un compte Twitter. C’est sur cette dernière plateforme que nous l’avons repéré.
« J’ai toujours aimé écrire mon journal intime, car le fait de verbaliser mes idées m’aide à mieux les comprendre. Donc, lorsque le pape François a demandé aux prêtres d’être présents sur les médias sociaux, j’ai senti le besoin d’obéir », explique-t-il.
C’est en 2015 qu’il a fait ses premiers pas dans le monde virtuel. Il y consacre entre deux et trois heures par jour. Son blogue, intitulé le Carnet d’un ermite urbain, s’adresse « à ceux et celles qui ont soif de Dieu. » Sa page Facebook vise un public plus vaste.
Une voix qui crie dans le désert
L’abbé Jacques Larose, ancien moine de la Trappe d’Oka, entretient des relations régulières avec des abonnés.
« J’ai aussi des contacts plus réguliers au moyen des courriels. Il n’est pas facile de repousser les demandes d’entrevue pour établir des contacts plus réguliers d’accompagnements spirituels… mais j’ai horreur de ces “pères spirituels” qui attisent la curiosité des foules et, malheureusement, la tentation est toujours là. Je me vois plus comme un éveilleur de conscience, à la manière de Jean Baptiste… une voix qui crie dans le désert, et qui peut être remplacée facilement par une autre sans que le Royaume en souffre. »
Pourquoi a-t-il choisi la vie monastique ? « Par désir de vivre une vie toute consacrée à Dieu dans le silence, le travail et la prière. »
Sur les réseaux sociaux, l’abbé Jacques Larose s’est donné un alias : moinillon. Ce surnom rappelle qu’il a déjà été un moine. Entré en juin 1955, il a fait sa profession solennelle le 17 juillet 1960. Pourquoi a-t-il choisi la vie monastique ?
« Par désir de vivre une vie toute consacrée à Dieu dans le silence, le travail et la prière. Les livres de Thomas Merton sur la vie monastique m’avaient beaucoup influencé à cette époque. »
Un moine hors les murs
Dans la foulée de Vatican II, de nombreuses initiatives ont vu le jour dans l’Église, y compris dans le monde cloitré des monastères. Certains voulaient s’ouvrir plus largement au monde extérieur. C’est d’ailleurs durant cette période que le père Pierre-Marie Delfieux préparait la fondation des Fraternités monastiques de Jérusalem . Suivant le courant, l’abbé Jacques Larose propose l’ouverture d’une annexe des moines trappiste dans un quartier de Montréal.
« Donc avec toutes les permissions canoniques requises, je quittai le monastère en janvier 1970 pour m’établir dans le quartier de Pointe-Saint-Charles à Montréal où je travaillai avec un organisme catholique anglophone Catholic Family and Children Services. »
Toutefois, le Chapitre général de l’Ordre cistercien met fin à cette expérience. Il décide alors de rester à Montréal. Il reçoit la permission de poursuivre sa vocation de moine hors les murs. Puis en 1981, il est incardiné au diocèse de Montréal. Il devient successivement aumônier, vicaire et curé dans diverses paroisses. De 2003 à 2012, il est directeur de la Résidence Ignace-Bourget. Il prend sa retraite à l’âge de 78 ans.
« M’ayant trouvé un logement dans le même quartier, près d’un parc-nature, je me résolus d’embrasser une vie de solitude et de prière plus intense qui me renvoyait à mes premières années monastiques… je bouclais la boucle ! »
Dès lors, sa vie s’inspire de celle vécue par les moines de l’Ordre des Chartreux fondé par saint Bruno. « L’horaire d’un chartreux me rappelle celui de la Trappe. »
Ermite parmi les siens
Son ermitage se situe dans une résidence pour personnes âgées autonomes sur les rives de la Rivière-des-Prairies à Montréal-Nord.
« Mon logement est nécessairement envahi par une certaine atmosphère de contemplation silencieuse qui me fait du bien. Au début, mes marches dans la nature étaient plus fréquentes, il faut l’avouer, mais mon balcon me fournit également l’occasion d’en profiter. »
Très peu de personnes, hormis les locataires de sa résidence, connaissent son état d’ermite, car il se fait très discret. Lorsqu’on lui demande que peut apporter un ermite urbain à son quartier, Jacques Larose répond humblement.
« Humainement parlant, pas grand-chose et c’est très bien ainsi, car, encore une fois, la tentation est grande de se singulariser. Spirituellement parlant, le Seigneur seul peut répondre à cette question. »
Ses journées sont partagées entre la prière (diurne et nocturne), l’eucharistie, la rédaction, la lecture et les actualités.
« J’écoute les nouvelles du soir (une demi-heure environ de télé quotidiennement) et je l’intègre évidemment dans ma prière ainsi que dans ma prédication dominicale, car je célèbre la messe publiquement dans ma résidence chaque dimanche. »
C’est ainsi qu’il a suivi l’évolution de la crise sanitaire provoquée par la COVID-19. Grâce sans doute à la prière et à la réflexion, l’ermite urbain en a tiré une leçon.
« Cette crise planétaire imprévue me fait toucher du doigt la précarité de nos sécurités sociales et, partant, le rôle irremplaçable de nos convictions religieuses les plus fondamentales. Le plan de Dieu se déroule fort bien… même si personne ne semble le comprendre ! »
L’abbé Jacques Larose, le moine urbain, est l’incarnation moderne d’une longue tradition ecclésiale qui est loin de s’éteindre…
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe