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CAROLLE ANNE DESSUREAULT :
Dimanche dernier, une centaine de femmes, mais aussi quelques hommes, se sont rassemblés au parc Lafontaine pour soutenir la vague de dénonciations sexuelles qui déferle sur le Québec.
Des dénonciations qui touchent non seulement des artistes, mais des politiciens, des gens d’affaires, des masseurs. Il y a deux semaines, quelques noms ont surpris, tels Adamus, Kevin Parent et même la très jolie Maripier Morin. Pour les deux derniers, il y a eu des excuses, donc des aveux si on peut dire.
Il y en a beaucoup d’autres. On parle même de listes, des centaines de noms.
Les hyènes en jupons sur Facebook
Elles font partie d’un groupe sur Facebook dont la mission est d’encourager les victimes d’agressions à dénoncer leur agresseur. Mais, c’est allé trop loin. Sur la page « dis son nom », des dénonciations sous anonymat ont déferlé avec une odeur de vengeance. La cofondatrice de la liste des dénonciations a reçu plusieurs mises en demeure, et elle s’attend à des poursuites. Elle est cependant convaincue que l’action des dénonciations demeure pertinente et nécessaire.
Actuellement, Les hyènes en jupons se sont retirées de Facebook. Voici une capture d’écran à ce sujet.
Une action collective contre Facebook
Un homme qui se fait appeler C.D. (j’aurais aimé qu’il donne son nom au complet, après tout, il faut assumer) a déposé une action collective contre Facebook mardi dernier devant la Cour supérieure à Montréal. L’homme mentionne qu’il a repéré son nom – qui est connu du public – sur la page « dis son nom » – et il a demandé à Facebook de retirer cette publication –ce qui n’aurait pas été fait.
L’action collective contre Facebook n’est pas un débat, expliquent les avocats de Calex Légal, dans le but de condamner les victimes ou de les empêcher de dénoncer, mais de déterminer un point de droit, à savoir la responsabilité de Facebook quand des dénonciations illicites, diffamatoires, sont faites de façon anonyme. On reproche à Facebook de ne pas avoir réagi pour arrêter les publications.
L’anonymat et la manière de dénoncer
Si dénoncer est légitime, encore faut-il le faire adéquatement. À mon avis, il faut sortir de l’anonymat et avoir la transparence de révéler son identité. Sinon, c’est la porte ouverte à des vengeances, des faussetés, des calomnies qui nuisent à la cause des victimes. Je soutiens à 100 % le droit à la dénonciation d’agressions, MAIS, je ne peux appuyer des dénonciations falsifiées, qui semble louches, et faites dans l’intention de nuire. La transparence pour tous, c’est pour tous.
La sexologue et coordonnatrice à la chair de recherche sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur à l’UQAM croit que le problème social est loin d’être réglé – si cette nouvelle vague de dénonciations demeure légitime, elle est aussi un enjeu de faux témoignages.
Maintenant, ces dénonciations sur les réseaux sociaux ont pris beaucoup d’ampleur. Au téléjournal, la journaliste et chroniqueuse, Francine Pelletier, a exprimé sa satisfaction de voir que les femmes osent dénoncer les agressions sexuelles, mais elle craint que cette façon de faire ne devienne un tribunal populaire. Elle encourage les victimes à agir autrement. Par exemple, pourquoi ne pas commencer par s’adresser directement aux hommes qui – soi disant – ont commis des fautes. « Adressez-vous à eux d’abord, plutôt que de décider que ce sont des coupables. »
Silence radio sur instagram
De plus, un compte Instagram qui a publié tout récemment des dénonciations d’agressions sexuelles visant des personnalités québécoises – dont Bernard Adamus et Yann Perreau – vient de retirer ses publications. Dans son message, le compte confirme qu’il veut préserver l’anonymat de son équipe et des victimes. Trop d’allégations ont été reçues et il est impossible de vérifier leur véracité. « Cette page, suivie par plus de 75 000 personnes, est devenue très toxique. » Comme une sorte de divertissement pour certaines personnes.
Le code criminel et les agressions sexuelles
L’avocate criminaliste Marie-Hélène Giroux dit qu’un attouchement non sollicité est un geste criminel. Une personne peut être poursuivie au criminel tout dépendant de son intention.
Hélas oui, de nos jours, c’est ainsi, il faut dire à nos enfants de ne toucher à personne. Il faut constamment s’assurer qu’il y ait consentement dans tous les gestes. De là, à déraper, c’est facile.
Les enjeux juridiques – la diffamation
Dans La Presse d’hier, Suzanne Colpron pose la vraie question : « Est-ce que les gens qui dénoncent leurs agresseurs sur les réseaux sociaux s’exposent à des poursuites diffamatoires, même si c’est vrai ? »
À ceci, l’avocate Éloïse Gratton, spécialisée en protection de la vie privée chez BLG, affirme : « Du point de vue de la vie privée, publier un énoncé d’accusation en lien avec le nom d’une personne ou de son image pourrait être considéré comme une atteinte à la vie privée, sauf si c’est une information d’intérêt public. »
La médiation
Dans un tel contexte, n’est-ce pas que la médiation pourrait s’avérer une avenue souhaitable pour régler ce genre de problèmes. Par exemple, dans un système où les agresseurs pourraient s’asseoir avec un médiateur face à leurs victimes, peut-être qu’une discussion pourrait freiner la diffusion des accusations sur les réseaux sociaux.
Yves-François Blanchet soulagé de la fermeture des Hyènes en jupons
Une journaliste a questionné le politicien Yves-François Blanchet sur son intention de poursuivre des recours contre Les Hyènes en jupons maintenant qu’elles se sont retirées. Voici son commentaire « Il me semble qu’il y a des choses extrêmement importantes pour des centaines de milliers, sinon des millions sinon l’entièreté des citoyens du Québec et du Canada qui ont cours pour que, à sa face même, compte tenu des développements récents, un épisode malheureux, pitoyable, ne fasse plus l’objet de toutes cette attention. » Il a ajouté qu’il croyait que l’opinion publique avait largement disposé de ces allégations.
Commentaire personnel : je souligne au passage la brillante phraséologie de M. Blanchet, c’est dit dans un souffle d’une grande performance syntaxique.
Qui peut porter plainte dans une agression sexuelle ? Un témoin peut-il le faire ?
Oui. C’est même souvent le cas dans les dossiers de violence conjugale, lorsque la victime ne va pas porter plainte. « C’est le voisin de palier, la tante ou la mère qui va porter plainte », indique Me Giroux.
Comment doit réagir une personne visée par une dénonciation, même si les propos sont véridiques ?
Voici un sujet qui ne plaira pas à tous. Évidemment, les avocats ont des avis opposés.
La Presse a consulté un groupe d’avocats sur ce sujet. La plupart recommandent à la personne attaquée de se taire, de ne surtout pas admettre les faits qu’on lui reproche. Hum, c’est un peu gênant de lire de tels propos !
Dans le cas de Mariepier Morin, c’est ce qu’elle a fait, elle a admis ses torts. L’avocat François-David Bernier, chroniqueur et analyste judiciaire, estime que Mariepier devrait poursuivre au civil l’accusatrice, Safia Nolin, en diffamation. Il est même prêt à la représenter. C’est ce qu’il a écrit dans sa dernière chronique dans le Journal de Montréal. Car, même si des propos véridiques sont dits par une personne médisante, cela peut constituer une diffamation, si le but était de causer un tort, sans motif juste. « Il y a des limites à la liberté d’expression quand elle atteint la dignité d’une autre personne … c’est cela la diffamation » estime Me Bernier. Il parle aussi de motif valable.
Dans le cas de Safia Nolin, du côté adverse, son avocat, Me Karim Renno de Renno & Vathilakis, ne partage pas du tout l’avis de son confrère, Me Bernier. « Je comprends le désarroi de gens qui se font dénoncer sur les réseaux sociaux, c’est vrai que c’est très difficile de se défendre… mais je pense qu’une poursuite en diffamation aurait de très faibles chances de succès», tranche-t-il. Car, un tel jugement condamnant une victime à des dommages parce qu’elle a dénoncé son agresseur publiquement enverrait un message très négatif aux victimes d’agressions. Même si Me Renno est lui aussi inquiet de l’ampleur que prennent les dénonciations sur les réseaux sociaux, il estime que les victimes ont quand même le droit de s’exprimer, et elles ne sont pas obligées d’utiliser le système de justice.
En conclusion, les deux avocats s’entendent pour dire qu’il serait surprenant que Maripier Morin entame des démarches semblables puisqu’elle s’est déjà excusée pour ses gestes. Dommage pour la transparence, mais c’est ainsi.
Conclusion
C’est évident que la nouvelle vague éclabousse dans les médias surtout des personnalités publiques qui ont une image à protéger. On s’aperçoit également qu’on met toutes les catégories d’agressions sur un pied d’égalité. Une victime a pu se sentir vraiment en danger, violentée, ou embêtée. Il existe des nuances. Des degrés.
Pour revenir au conseil des avocats qui conseillent aux accusés d’agressions de garder le silence, la raison est que si l’accusé confirme les faits, on va le déclarer coupable et tout ce qu’il pourra dire sera retenu contre lui. Dans notre système, ce n’est pas l’accusé qui porte le fardeau, c’est à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable une accusation.
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec