Michel – Onfray, pas Coluche –, c’est la nouvelle coqueluche du Système. Mais coqueluche a deux sens : c’est le nom académique du chouchou, mais aussi celui d’une maladie infantile. Et si les médias mainstream déroulent actuellement le tapis rouge (du sang des dissidents et des Gilets jaunes, allez, un peu d’emphase) au protégé de Zemmour, on peut dire que d’un point de vue politique, le Michel n’a pas tout faux, n’exagérons pas, mais qu’il se prend les pieds rapidement dans le concept, en tout bon prof de philo de terminales qu’il est.
Si Michel est un bon enseignant, et le succès de son université populaire le confirme, c’est un novice en politique et les nombreuses plages de confusion qui ont émaillé cette interview le démontrent : le verbiage et les éléments de langage ne peuvent tout cacher ni réparer. L’ensemble est friable, incohérent, des failles apparaissent : la maison Onfray a été construite en toute urgence, le Système avait besoin d’un Soral acceptable à la place du Soral inacceptable.
Et Onfray, c’est la version de gauche de Zemmour qui marche sur les plates-bandes de Soral. On peut même dire, d’un pur point de vue mathématique, que la paire Onfray-Zemmour est le rassemblement de la gauche du travail et de la droite des valeurs chères à Soral. Zemmour tout seul ne rassemblait évidemment pas à gauche, on lui a donc adjoint un lieutenant qui lui peut ratisser dans le marigot gauchiste. Zemmour pioche chez Marine, Onfray chez Mélenchon, ce sont les deux pillards du moment, et nous ne jugerons pas l’ingénierie, puisqu’en politique tous les coups sont permis. C’est un sport total, celui de l’affaiblissement de l’adversaire, du vol de ses ouailles, et de son écrasement. Pas de quartier !
Le présentateur de LCI commence fort, on sent que des consignes ont été données.
« Vous êtes adulé ou honni, un personnage antisystème, une voix qui porte en tout cas évidemment… Et puis on a beaucoup, beaucoup parlé de votre revue, Front populaire, dont on va voir la première couverture qui est un immense succès consacrée au souverainisme. »
Dans cette interview d’été, Michel va dénoncer la passivité du Système devant la destruction des églises en particulier et les actes antichrétiens en général. Il est question de la cathédrale de Nantes, et d’un pur point de vue chrétien, Michel n’est pas plus qualifié pour en parler qu’un Zemmour, puisque tous les deux, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ne sont pas des chrétiens dans l’âme.
Zemmour est juif, et Michel est ce personnage médiatique qui a longtemps professé l’athéisme – sous-entendu l’anticatholicisme –, la jouissance dionysiaque nietzschéenne, le dandysme hédoniste, la Révolution de 1789 qui selon lui a fait la France, comprendre moderne, même s’il cite quand même Clovis, mais pas Saint Louis (le IXe). Mais peu importent les convictions d’avant, le politicien d’aujourd’hui se doit de naviguer à vue, surfer sur la bonne vague, et tant pis pour la cohérence.
Et justement, la cohérence, c’est le péché qui manque à Michel.
« L’athée que je suis, vous avez bien fait de le dire, et je le reste, j’ai pas dit que j’étais athée chrétien, j’étais athée dans une civilisation chrétienne, mais athée chrétien non, je défends une civilisation et notre civilisation est judéo-chrétienne à l’évidence. »
Eh non ! Quand on fonde une démonstration sur un postulat faux, plus rien ne tient. Notre civilisation n’est pas judéo-chrétienne mais helléno-chrétienne., ce qui change tout. Ce présupposé sioniste inconscient a été mis dans la tête d’une bonne partie de nos concitoyens, ce qui permet de dire à des Sarkozy ou à des Zemmour que la racine la plus profonde de la France est juive ! Or, non.
« L’amitié, c’est assurément le fil rouge du discours de l’ancien chef de l’État prononcé ce lundi, devant plusieurs centaines de fidèles réunis dans la grande synagogue de Marseille. Rappelant comme il l’avait fait il y a sept ans, lors du discours annuel du Crif « la part juive de l’identité nationale », Nicolas Sarkozy a célébré dès le début de son discours les “racines chrétiennes et les racines juives” de la France. “La France doit être fière de ses racines”, a-t-il appuyé, chaleureusement applaudi par la communauté.
Pour l’ancien président, ce fut d’ailleurs “une grande erreur, il y a quelques années de renoncer à inscrire les racines chrétiennes et juives de la France dans la Constitution européenne”. “Un certain nombre d’Européens se sont sentis insultés”, a poursuivi Nicolas Sarkozy, “par cette volonté de balayer l’espérance de ses parents et de ses grands-parents”. » (Le Figaro)
Quant à Zemmour, il ne cesse de le marteler dans ses écrits et prises de parole. Il ira même jusqu’à lancer « je suis imprégné du christianisme » au site de France Catholique :
« Pour devenir français, il faut s’imprégner du catholicisme. Jadis, quand la nation reposait sur la religion, on se convertissait à la foi catholique, de gré ou de force. Aujourd’hui cela repose sur la culture, l’histoire, le passé – ce sont les mots de Renan. On s’imprègne donc de ces valeurs chrétiennes. Par exemple, de la beauté des églises. C’est concret. De l’universalisme chrétien aussi, de la pompe de l’Église, de la laïcité née dans l’Église, de cette histoire, de cette compassion pour les faibles. Même si je m’en méfie…
Je suis donc un homme de l’Ancien Testament qui a reçu une culture du Nouveau. Sur l’existence de Dieu je suis dubitatif, je n’en sais rien. N’ayant pas été élevé dans le catholicisme, sans la foi il m’est difficile d’adhérer au Credo. Les rites de mon enfance, c’est autre chose. Quand je veux y replonger, évoquer mes parents défunts, je vais à la synagogue. En revanche, je sens bien que toute ma culture, c’est le christianisme, j’en suis imprégné. »
Ô qu’il est malin : catholique de culture… mais juif de structure ! Ce qui n’est pas irréconciliable mais peut donner lieu à quelques frictions, sauf si l’on parle d’un catholicisme à genoux, comme celui de Vatican 2. Bref, Onfray, avec moins de précision que le Zemmour, se lance dans sa première grande interview politique, si on met de côté celle de Thinkerview, ce site du renseignement français qui fait la part belle aux semi-dissidents. Et maintenant, à vous de juger.
On a choisi un échange à 22’45, quand le présentateur met Onfray face à sa contradiction, lui qui racontait partout qu’il luttait contre le FN…
LCI : « Du coup, quand Marion Maréchal-Le Pen parlait de racisme antiblanc, vous avez trouvé ça pertinent, ce qui a fait bondir certains qui rappellent que votre université populaire de Caen, vous l’avez montée juste après l’arrivée au deuxième tour de Jean-Marie Le Pen en 2002, est-ce que vous comprenez qu’on puisse se dire que vous avez changé de bord, pardon, la question va vous sembler beaucoup trop simpliste sans doute ? »
Michel : « Pfou, non elle est pas simpliste puisqu’elle vient des gens simplets, alors je dis pas que c’est la vôtre puisque vous la rapportez, mais je veux dire que tous ces gens qui estiment que il faudrait épouser l’époque et se dire racialiste en estimant qu’on est un antiraciste, moi je trouve ça terrifiant qu’on puisse aujourd’hui dire de quelqu’un qu’il est coupable parce qu’il est blanc ou qu’un Noir a raison parce qu’il est noir du simple fait de sa couleur de peau, que ça ce serait l’antiracisme, et que dire que ça procède d’un racisme antiblanc ce serait inverser la vapeur et dire que c’est moi qui suis raciste. Je veux dire c’est, c’est, c’est extravagant ce que, ce que, ce que les gens, comme vous dites, me disent, mais ça c’est quoi, c’est qui, qui sont ces gens-là ? C’est une poignée de dix personnes qui font beaucoup de bruit pour rien, qui occupent les réseaux sociaux, qui sont dans des logiques de relais, qui fonctionnent avec des hackers, des gens qui instrumentalisent le Net, on sait très bien qu’une poignée de 15 personnes, de la même manière qu’une poignée de 15 personnes peut faire un coup d’État militaire, eh bien vous avez, avec quelques personnes, eh bien vous avez une poignée de 15 personnes qui sur le Net peuvent laisser croire que vous êtes quelqu’un d’extrême droite, que vous êtes un raciste alors que toute votre vie, tous vos écrits ou tous vos propos témoignent contre. »
Et Michel botta en touche, loin, très loin de la clarté et de la cohérence. Bon rugbyman, mauvais politique !
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