Pour la première fois, des militants écologistes s’en prennent frontalement à une communauté catholique, à Saint-Pierre-de-Colombier, petit village de l’Ardèche.
Le lundi 15 juin au matin, à Saint-Pierre-de-Colombier, petit village de 400 âmes niché dans les monts d’Ardèche, un escadron de gendarmerie mobile est déployé sur une passerelle en construction. Une dizaine de militants, entravés dans des tubes en PVC fournis par l’association Extinction Rebellion, sont décrochés les uns après les autres. Au total près de soixante activistes d’ultra-gauche ont squatté les lieux pendant 48h et, si les propriétaires ont gracieusement nettoyé le site, le maître d’œuvre a porté plainte pour 30000 euros de dommages et dégradations. La partie est loin d’être terminée ; une trêve a bien été signée le lendemain sous les auspices de la préfecture de Privas mais les travaux reprendront début octobre.
Quelle horrible pollution a bien pu exciter les zadistes ? Ils ne sont pourtant pas venus bloquer les avancées d’un nouveau champ d’éoliennes ou d’OGM. Saint-Pierre-de-Colombier n’est pas le cœur d’un centre d’enfouissement nucléaire ni une décharge sauvage ni un aéroport ou encore un McDo mais la maison-mère d’une communauté catholique et romaine de plus de 70 ans. « La famille missionnaire Notre-Dame », institution de vie consacrée de droit diocésain, est reconnue comme congrégation par décret, sur avis conforme du Conseil d’Etat, depuis 2008.
Tout commence en réalité après la Libération. Les hommes étant rentrés sains et saufs de la Deuxième Guerre mondiale, les femmes du village, membres de l’action catholique féminine, remercient la Vierge et érigent sur les hauteurs de Saint-Pierre une grande statue en son honneur, vite appelée « Notre-Dame des Neiges ». Une communauté se forme autour du curé et dans les années 1990, la petite église du village devient trop étroite pour les pèlerins. Lesquels s’entassent dans des salles polyvalentes où la messe est diffusée sur écran en attendant mieux.
Après une première tentative infructueuse en 2014, l’acquisition providentielle d’un terrain constructible en léger surplomb du village auprès de Jacques Alexandre, conseiller général et municipal de Saint-Pierre, permet au père Bernard, supérieur de la communauté, d’envisager son développement. Elle compte aujourd’hui près de 150 membres et ses infrastructures sont vieillissantes.
Un évêché réticent
Trop ambitieuse famille missionnaire ? La maquette de la future église, révélée au public en 2016, prévoit deux flèches dont une culminant à cinquante mètres de hauteur et une nef de plus de vingt mètres de haut. La congrégation religieuse obtient néanmoins en décembre 2018 le permis de construire et les autorisations environnementales de la préfecture. Aucun recours n’étant déposé, le chantier commence début mai 2019 pour une durée de sept ans et un budget d’environ 17 millions d’euros. Tout semble aller pour le mieux.
Le style du futur sanctuaire, à la fois moderne et classique, a reçu l’aval de l’architecte des bâtiments de France et la préfecture pousse le projet, espérant désenclaver un village sinistré économiquement. Mais, première difficulté, l’évêché est réticent car son clergé diocésain estime que la communauté a « du mal à entrer dans la pastorale paroissiale (…) alors que le diocèse manque de prêtres ». La communauté dépend canoniquement de Rome et jouit d’une autonomie financière et administrative dont sont privés les derniers curés de campagne, souvent plus âgés.
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L’extrême gauche en embuscade
Dans le village, les velléités d’agrandissement de la congrégation sont connues depuis les origines et sont soutenues par le maire, Gérard Fargier, réélu sans discontinuer depuis 20 ans. Mais, comme tout village gaulois qui se respecte, un voisin athée et militant a fait de son opposition à l’église le projet de sa vie. Battu très nettement aux municipales de mars, Romain Calichon mène son combat dans la presse, inquiet de voir son village tomber sous la coupe de la religion. « Un village sous la coupe de Dieu », s’alarme Charlie Hebdo dès 2019, qui croit percevoir des pratiques intégristes dans la « projection de films religieux à domicile »… Radio France, Le Monde, France Télévisions, Libération prennent le relais.
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Derrière la vitrine écologiste se tient en réalité un militant antifa résidant en Ardèche, Nicolas Lange. Il a mobilisé la nébuleuse black bloc pour faire le coup de poing du 13 juin et menace les entrepreneurs par courrier. Un voisin laïcard pour le poste avancé, un écolo modéré pour alerter les médias et un zadiste pour faire peur à la préfecture : tous les ingrédients sont réunis pour faire de Saint-Pierre-de-Colombier un nouveau champ de bataille politique.
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