Le nouveau maire EELV de Lyon Grégory Doucet entame son mandat par des mesures clivantes, telles que l’adoption de l’écriture inclusive et l’interdiction de la patrouille de France pour le 14 juillet, regrette l’essayiste Anne-Sophie Chazaud.
Dans un contexte particulièrement sinistré, perturbé, entre crise sanitaire majeure (faussant fondamentalement la sincérité du scrutin), décompensation sociétale et crise de confiance voire totale défiance des citoyens à l’égard du politique, une petite poignée de grandes villes françaises a profité d’un taux d’abstention record (souvent supérieur à 60 %) pour passer sous la houlette de listes d’unions de gauche, opportunément mobilisées pour exploiter cette « fenêtre » et regroupées derrière l’étendard de l’écologie politique en vogue comme souvent dans les scrutins intermédiaires.
À Lyon, le nouveau maire EELV, Grégory Doucet, dont l’équipe a fait campagne pour s’emparer de ce qui fut présenté comme un fief de la Macronie (quand bien même Gérard Collomb a fini par s’y opposer avec une certaine force), applique finalement les mêmes méthodes que ce qu’il prétendait combattre, un dégagisme ne faisant jamais qu’en remplacer un autre : un scrutin certes légal mais fondamentalement illégitime au regard du très faible taux de représentativité des votes exprimés (19 % des inscrits !), et une équipe qui, loin de chercher le consensus et l’humilité que ces chiffres devraient naturellement produire, assène sitôt son arrivée des mesures clivantes, violemment symboliques, dépourvues de concertation et peu respectueuses des équilibres antérieurs non plus que d’un quelconque esprit de concorde.
On distingue mal en quoi l’une des premières mesures nouvelle municipalité de Lyon devait se porter sur l’adoption de l’écriture inclusive.
Si l’on peut comprendre qu’une part grandissante des habitants des grandes métropoles, gentrifiées et culturellement boboïsées, aspire légitimement à une amélioration de la qualité de l’environnement urbain, si l’on peut volontiers soutenir des mesures visant à rendre les mobilités plus douces, la circulation plus aisée, la qualité de l’air meilleure et la vie plus agréable, on distingue mal en quoi l’une des toutes premières mesures de cette nouvelle municipalité devait urgemment se porter sur l’adoption de l’écriture inclusive, sauf à considérer que la masculinité dite toxique contenue prétendument dans la langue de Molière produise des émanations de CO2 peut-être discernables à l’œil nu par Greta Thunberg, qui sait…
Cette écriture se caractérise principalement par son charcutage de la langue française, la rendant illisible, lourde, pénible, fastidieuse, tournant, dans une ostentation un peu ridicule, le dos, au nom d’une prétendue égalité hommes-femmes, à plus de mille ans de construction linguistique. Son utilisation a du reste été judicieusement interdite dans les textes officiels et administratifs par le gouvernement d’Édouard Philippe ainsi que sanctionnée par l’Académie française. Cela suffit sans doute pour donner à ses adeptes le petit frisson de la transgression qu’ils recherchent tant, qu’ils espèrent et désirent de tout leur être, dans ce pesant et interminable conformisme de l’anticonformisme : choquer le bourgeois, voilà bien une idée blafarde et jaunie du vieux monde agonisant.
Comme tout ce qui a trait au langage, nous sommes là dans le registre du symbolique.
On doute que l’adoption de cette écriture cryptique, errant quelque part entre le javanais et le Linéaire B, et particulièrement complexe à manier pour ceux qui sont le plus en difficultés d’apprentissage ou cognitives (mais l’idéologie de l’égalitarisme se fiche bien des inégalités réelles qu’il produit, du moment que les enfants d’une caste culturellement nantie peuvent se faire narcissiquement plaisir avec le frisson d’un progressisme de pacotille) contribue à améliorer la qualité de l’air lyonnais.
Comme tout ce qui a trait au langage, nous sommes là dans le registre du symbolique : peu importe le réel, ce qui compte c’est le message que l’on adresse, aussi illisible soit-il ou, précisément parce qu’il est illisible et, derrière lui, le spectre de l’idéologie qui remplace la souplesse et la fluidité du verbe et du parler communs : ce qui importe, c’est précisément que vous ne vous y retrouviez pas. On va leur montrer, à ces bourgeois mais aussi à ces populos lyonnais, de quel bois l’on se chauffe, nous qui sommes tellement à l’aise avec les mots, avec la culture, nous les gagnants de la mondialisation à qui rien ne fait peur… Et l’on attend avec impatience la traduction en langage inclusif du fameux Littré de la Grand’Côte, à l’usage de ceux qui veulent parler et écrire correctement, rédigé en 1894 par ledit Nizier de Puitspelu sous l’égide de l’Académie du Gourguillon, ou encore la rédaction en écriture inclusive de la Plaisante sagesse lyonnaise, rédigée en 1920 par ledit Catherin Bugnard, secrétaire perpétuel de l’Académie des Pierres-Plantées… Ne faudrait-il pas même d’ailleurs tout bonnement censurer certaines de ces plaisantes et célèbres maximes populaires connues de tous les Lyonnais en raison de leur évident sexisme :
« Si te montres trop ta femme et tes pécuniaux, te risques beaucoup qu’on te les emprunte. Et pour ce qui est de les ravoir, y a des chances qu’elle te revienne plus vite qu’eux »… ?
Contrairement à ce qu’elle prétend être, l’écriture inclusive est un pur signe de distinction, de domination culturelle et donc d’exclusion, dans le sens bourdieusien du terme, car seul celui qui maîtrise tous les codes peut se payer le luxe de les déconstruire pour son amusement comme d’autres jouent aux mots-croisés afin de tromper leur ennui. L’écriture inclusive dit à celui qui est contraint de la subir : voyez comme je sais mieux que vous ce qu’il faut dire et penser et comment il vous faudra désormais l’exprimer !
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