Ce qui sous-tend évidemment le projet, c’est le fait d’éviter l’océan « international » (c’est-à-dire la puissance maritime anglo-saxonne) et de favoriser les voies de transport continentales où l’empire n’a pas son mot à dire. En un mot, accélérer l’intégration de l’Eurasie. McKinder, ne regarde pas cette carte…
Car le corridor est bien sûr à mettre en parallèle (même si géométriquement, ce serait plutôt en perpendiculaire) avec les pharaoniques qui courront est-ouest. Pékin doit suivre le dossier de près et a sûrement été briefé par Moscou. Rappelons à cette occasion ce que Poutine déclarait avant sa visite en Chine le mois dernier : « Dire que nos deux pays coopèrent stratégiquement est dépassé. Nous travaillons désormais ensemble sur tous les grands sujet. Nos vues sur les questions internationales sont similaires ou coïncident. Nous sommes en contact constant et nous nous consultons sur toutes les questions globales ou régionales. »
Le corridor RAI (Russie-Azerbaïdjan-Iran) se combinera avec les voies chinoises pour former un maillage eurasien serré par lequel transiteront marchandises et hydrocarbures. De Lisbonne à Pékin et de l’Océan indien à l’Océan arctique. Un seul absent dans tout cela : les Etats-Unis, dont la capacité de nuisance s’amenuise à mesure que l’intégration de l’Eurasie se poursuit.
Océans arctique et indien… Nous reviendrons dans un autre billet sur cette liaison qui commence à prendre forme de manière intéressante, via le RAI justement. Contentons-nous aujourd’hui d’évoquer une information qui, de prime abord, semble paraître tout à fait quelconque mais pourrait en réalité se révéler lourde de conséquences.
En Russie, un vieux projet ferroviaire, Belkomour pour ne pas le citer, se précise :
Il s’agit de bien d’autre chose que d’un simple aménagement régional et les observateurs avisés ne s’y trompent d’ailleurs pas : cette ligne est tout simplement susceptible de connecter l’Asie à l’Arctique à travers le continent eurasien.
Rejoignant au sud le vénérable transsibérien mais surtout les projets ferroviaires russo-chinois, elle débouche dans le grand Nord sur deux ports en eaux profondes. Indiga commence à sortir de terre et devrait être achevé d’ici 2025, avec un trafic estimé entre 80 et 200 millions de tonnes par an (soit, au minimum, l’équivalent de Marseille). Quant à l’agrandissement du port d’Arkhangelsk, il est partiellement financé par des fonds chinois (comme on se retrouve…)
Le dragon semble en effet fort intéressé par la chose. Sur la carte schématique ci-dessous, on constate que cette voie (en vert) peut constituer un complément appréciable aux routes de la Soie (en rouge), bien plus rapides toutes deux que les artères maritimes traditionnelles (en bleu).
Capacité moindre mais diligence accrue et, surtout, hors de portée de l’empire US qui contrôle les mers et tentera systématiquement de mettre des bâtons dans les roues pékinoises. Pas plus tard qu’il y a dix jours, nous avertissions par exemple que les événements du Cachemire pourraient avoir des conséquences très néfastes pour la Chine :
Certains stratèges indiens appellent à ouvrir les îles Andaman aux flottes australienne, japonaise mais surtout américaine. Cet archipel paradisiaque aux plages de sable blanc se trouve à un emplacement stratégiquement crucial (cercle rouge), au sortir du détroit de Malacca, pouvant barrer la route du Collier de perles du dragon et de son approvisionnement énergétique.
Où l’on reparle évidemment de la bonne vieille opposition terre/mer et des moyens de la thalassocratie impériale pour contrer la Chine. En attendant le développement du maillage continental eurasien, ces voies maritimes sont en effet absolument vitales pour Pékin.
C’est précisément ce contexte qui donne toute son importance au futur train arctique…
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