Bolivie post-coup d’Etat… « Nous vivons dans la douleur, l’incertitude, l’angoisse la peur, l’indignation… » Elle s’appelle Patricia Moldiz. Elle est Bolivienne, on l’aura compris. Elle continue, d’une voix altérée : « Depuis sept mois, nos proches n’ont pas pu obtenir le sauf-conduit qui leur permettrait de quitter l’ambassade où ils se sont réfugiés. » Fille de Hugo Moldiz, avocat, universitaire et ministre de l’intérieur d’Evo Morales en 2015, la jeune femme s’exprime dans le cadre de la conférence de presse virtuelle qui, le 17 juin, organisée depuis l’Argentine, où est réfugié le président renversé, lance la « Campagne internationale pour la liberté et l’obtention de laissez-passer pour les sept demandeurs d’asile à l’ambassade du Mexique en Bolivie [1] ». Des fidèles et proches collaborateurs de l’ex-chef de l’Etat. A savoir : Moldiz, Juan Ramón Quintana (ministre de la présidence) [2], Javier Zavaleta (défense), Héctor Arce Zaconeta (justice), Wilma Alanoca Mamani (culture), Víctor Hugo Vásquez (gouverneur du département d’Oruro), Nicolás Laguna (directeur de l’Agence des technologies et de l’information [Agetic]).
Jeanine Áñez, Evo Morales et Luis Arce
Rapidement disparue des radars après le « golpe » de novembre 2019, la Bolivie se retrouve davantage encore abandonnée à elle-même du fait de l’isolement provoqué par la pandémie de Covid-19. Oubliés ces jours où, du 11 au 13 novembre, la putschiste Janine Añez et ses acolytes exorcisent, Bible à la main, un palais présidentiel où, symboliquement, en la personne d’Evo Morales, gouvernait la Pacha Mama. Béni par Washington, orchestré par son appendice, l’Organisation des Etats américains (OEA), misérablement entériné par l’Union européenne, un coup d’Etat dans les règles, amplement confirmé depuis par plusieurs études indépendantes [3]. Violence, racisme, fanatisme se déchaînent. La haine du peuple, et surtout de sa composante indigène, ne cherche même pas à se cacher.
Chef d’Etat légitime et réélu pour un nouveau mandat, sous les couleurs de Mouvement vers le socialisme (MAS), Evo Morales doit s’envoler en toute hâte pour le Mexique. A qui lui demande les raisons d’une telle précipitation, il explique :
« J’ai démissionné pour qu’il n’y ait pas plus de morts et pas plus d’agressions. Frère journaliste, savez-vous pourquoi nous avons démissionné, le 10 dans l’après-midi, avec le frère [Álvaro] García Linera[vice-président] ? Parce qu’ils ont attrapé mes frères dirigeants, militants, gouverneurs des Départements, maires, et qu’ils leur ont dit qu’ils brûleraient leur maison si je ne démissionnais pas. Ils ont dit au frère du président de la Chambre des députés : “Si ton frère ne démissionne pas, on va te brûler vif sur la place. ” Ils ont incendié la maison de ma sœur, à Oruro. Du racisme au fascisme et du fascisme au coup d’Etat… [4] »
Avec une claire implication des militaires, pour ne pas rompre avec la grande tradition des « pronunciamientos ».
De fait, après que leurs domiciles aient été perquisitionnés et incendiés, que leurs proches aient été intimidés ou détenus, neuf membres du gouvernement légitime se réfugient dans l’ambassade du Mexique et demandent l’asile politique (qui leur est accordé). A l’exception de deux d’entre eux – le ministre des mines César Navarro et le vice-ministre du développement rural Pedro Damián Dorado –, qui ont reçu au bout de deux mois un sauf-conduit leur permettant de quitter le pays, tous sont reclus depuis dans l’enceinte de la représentation mexicaine. Les prétendant sous le coup de la justice, le pouvoir illégitime les emprisonne de fait en leur refusant tout laissez-passer. Pourtant, « les sept sont des hauts fonctionnaires, affirme le 17 juin la philosophe, universitaire et militante sociale argentine Isabel Rauber, ce qui n’est pas un délit. Les menaces contre eux et leurs familles, oui, sont des délits ! »
Argentin lui aussi, juge de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) depuis 2016, ex-membre de la Cour suprême de son pays (2003-2015), avocat d’Evo Morales, Raúl Eugenio Zaffaroni note comme Rauber qu’on n’a nullement affaire à des délinquants :
« On ne les a mis en accusation qu’après leur entrée dans l’ambassade. Une pratique de “lawfare” assez commune dans notre région [5]. Mais, en Bolivie, beaucoup plus grave car on n’y achète pas les juges : on les menace, on menace leurs familles. »
Intimidés ou pas, certains magistrats ont la main aussi lourde que sélective, depuis le coup d’Etat. Sans prétendre à l’exhaustivité (car il faudrait citer des dizaines et des dizaines d’anonymes), on mentionnera ici, à titre d’exemples :
- en novembre, arrestation de Gerardo García, vice-président du MAS ; de la députée élue dans la Circonscription 52 de Santa Cruz, Deysi Choque ;
- en décembre, de Luis Hernán Soliz Morales, cousin et assistant (au sein du ministère de la présidence) d’Evo Morales ; de Marcial Escalante, vice-president du MAS à Yapacani (Santa Cruz) ; de María Eugenia Choque, Antonio Costas et Edgar Gonzales, fonctionnaires du Tribunal suprême électoral (TSE) ;
- en janvier, de Patricia Hermosa, ex-chef de cabinet et chargée de pouvoir d’ « Evo » (pour avoir communiqué par téléphone avec lui et Ramón Quintana !) ; de Carlos Romero, ex-ministre de l’intérieur ;
- en février, du député Gustavo Torrico, accusé – comme Evo Morales lui-même et Ramón Quintana ! – de « terrorisme et sédition » ; de César Cocarico, ex-ministre du développement rural ;
- en avril, de Patricia Arce, mairesse « masiste » [partisan du MAS] de Vinto (Cochabamba), pour « non respect de la quarantaine » et « consommation de boisson alcoolique » (à son domicile, lors d’une réunion familiale)…
Aux exactions de la police et de l’armée pour « pacifier » le pays – massacres de Senkata et Sacaba (au 12 décembre 2019, 34 morts, 832 blessés) – s’ajoute une persécution implacable. A peine s’était-il emparé du pouvoir que le pseudo ministre de l’intérieur, Arturo Murillo, annonçait une « chasse à l’homme » pour retrouver le ministre de la présidence Quintana. Pourquoi une telle haine ? « Parce que c’est un animal qui est en train de tuer des gens », répondit le Torquemada. Puis il fit tirer à balles réelles sur les manifestants.
Le 8 janvier 2020, le pouvoir de fait a annoncé qu’il allait ouvrir, pour « corruption », une enquête sur 592 personnes liées au gouvernement d’Evo Morales. Sans donner de noms, la liste des « suspects » étant « confidentielle », il précisa tout de même qu’il s’agissait de personnes ayant occupé des fonctions comme… chef de l’Etat, ministre, vice-ministre, fonctionnaires de haut rang dans des entreprises publiques, représentants de partis politiques pendant la période de 2006 à novembre 2019.
Trois jours plus tard, l’authentique titulaire du ministère de l’intérieur (dit également Ministerio de Gobierno), Carlos Romero, quittait son domicile dans une ambulance avant d’être hospitalisé, souffrant d’hypertension, d’anxiété et de déshydratation. Depuis plusieurs jours, les nervis d’un collectif baptisé « La Résistance » – comme au Venezuela pendant les « guarimbas » insurrectionnelles de 2017, quelle originalité ! – assiégeaient sa maison, exigeant qu’il soit arrêté et jugé. « J’avais faim et soif,témoignera Romero, très affaibli, quelques jours plus tard, car ils empêchaient toute entrée d’alimentation et m’avaient coupé l’eau. »
Le 17 janvier, la police sortira Romero de sa chambre d’hôpital pour l’incarcérer à la prison San Pedro (La Paz), un juge « anticorruption » ayant dicté à son encontre une mesure de détention préventive – c’est-à-dire sans jugement d’aucune sorte – de six mois.
Ce n’est donc pas sous le coup d’une « panique injustifiée » que « les sept » se sont réfugiés en toute hâte dans l’ambassade de laquelle ils sont désormais prisonniers. Et qui, elle même, au mépris du droit international et de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, se trouve désormais assiégée.
Le 27 décembre 2019, accompagnés de leur escorte – quatre hommes du Groupe spécial d’opérations (GEO) de la police espagnole –, deux diplomates de ce pays, la chargée d’affaires Cristina Borreguero et le consul Álvaro Fernández, entendaient rendre une visite de courtoisie à l’ambassadrice du Mexique, María Teresa Mercado. Un incident confus mais significatif marqua la fin de cette entrevue. Alors que les deux autos, dont celle des policiers espagnols, revenaient chercher leurs compatriotes, une bande de civils exaltés, présents autour du complexe résidentiel pour empêcher toute tentative d’« évasion » des « criminels », prétendit leur interdire le passage, sans que les forces de l’ordre boliviennes, également présentes, ne bougent le petit doigt.
Equipés de leurs banderoles – « En campagne permanente et active » –, ces individus surveillent la résidence vingt-quatre heures sur vingt-quatre et fouillent tout véhicule passant par-là. Pris à partie, accusés de vouloir exfiltrer le « criminel » Juan Ramón Quinana, les policiers espagnols se couvrirent le visage d’un passe-montagne, par mesure de sécurité, lorsqu’ils s’aperçurent que des photographes leur tiraient le portrait. La tension monta d’un cran. Les deux véhicules marqués « corps diplomatique » durent reculer, confrontés aux menaces et insultes des ultras appuyés par les policiers boliviens. Il fallut plusieurs heures de négociations à haut niveau pour que les diplomates puissent enfin accéder à leur véhicule et quitter les lieux. Les autorités justifièrent l’injustifiable en prétendant que si la police n’avait pas laissé passer les autos c’est parce que l’une d’entre eux transportait des individus cagoulés.
Plutôt que s’excuser pour cette agression violant tous les usages, Janine Añez persista et signa :
« Le gouvernement constitutionnel que je préside (sic !) a décidé de déclarer ’’persona non grata’’ l’ambassadrice du Mexique en Bolivie, Maria Teresa Mercado, la chargée d’affaires d’Espagne en Bolivie, Cristina Borreguero, le consul, Alvaro Fernández. Ils ont 72 heurespour quitter le pays. »
Lorsque l’ambassadrice quitta sa résidence en direction de l’aéroport, les mêmes groupes de nervis, violant une nouvelle fois l’immunité diplomatique, fouillèrent son véhicule sous l’œil bienveillant des flics boliviens.
Dans une déclaration d’un courage insensé, l’Union européenne (UE) – si prompte à sanctionner le Venezuela – exprima « sa profonde inquiétude ». Moins complaisant à l’égard des néofascistes, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador dénonça le harcèlement permanent de son ambassade : « Même Pinochet n’a jamais fait ça. »
Bien entendu, ce sombre épisode ne passa pas inaperçu en Espagne. Quelques jours plus tard devait avoir lieu l’investiture de Pedro Sánchez comme président du gouvernement, en alliance avec Unidos Podemos. A l’invitation des putschistes boliviens, entrent en scène à La Paz, le 1er janvier, le député espagnol Víctor González Coello de Portugal, vice-président du parti d’extrême droite Vox, ainsi que l’eurodéputé « Vox » Hermann Tertsch, vice-président du groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR) [6]. Il s’agit pour eux, outre un appui au gouvernement bolivien « dans sa lutte pour la démocratie et la liberté face au communisme et aux intentions déstabilisatrices du Forum de São Paulo [7] », d’obtenir des éclaircissements sur l’« étrange irruption d’homme cagoulés espagnols dans l’ambassade mexicaine ».
Au terme d’une longue et très cordiale rencontre avec les ministres de l’intérieur et de la défense, Arturo Murillo et Fernando López, Víctor González Coello de Portugal se déclare très frappé par les faits rapportés. « Ils nous remplissent d’alarme et de préoccupation. Nous voulons en savoir davantage, nous voulons que ces personnes [ses compatriotes, la diplomate et les policiers incriminés et expulsés] soient convoquées par la justice [espagnole] et nous voulons savoir quel lien il y a entre eux et Podemos. » D’autres variables entrant en ligne de compte, il s’empresse d’ajouter : « Si ce qu’on nous a relaté est exact, j’encourage le Mexique à livrer ces gens [les ministres d’Evo Morales]. »
Bravo, bonne analyse ! Enchanté par la teneur de cette rencontre « au sommet » entre néofascistes de bonne compagnie, Murillo renvoie immédiatement l’ascenseur. Le 3 janvier, lors d’une conférence de presse tenue en commun avec ses amis, il déclare qu’il existe « de claires évidences de financement du gouvernement d’Evo Morales à des partis étrangers » et demande à son « procureur général » Juan Lanchipa de lancer des poursuites contre les bénéficiaires de ces malversations : Pablo Iglesias (leader espagnol de Unidos Podemos) ; Juan Carlos Monedero (co-fondateur de Podemos) ; Íñigo Errejón (député de Más País) ; José Luis Rodríguez Zapatero (ex-chef socialiste du gouvernement espagnol) et, pour faire bonne mesure, le juriste Baltasar Garzón ! Tel est le gouvernement que l’Union européenne a accepté d’aider à « pacifier » le pays.
Avec la complicité de Washington et de l’UE, la putschiste Janine Añez s’accroche à sa présidence « tendance Juan Guaido » [8] (à qui, expulsant leurs légitimes occupants, elle a offert l’ambassade du Venezuela à La Paz). Ce n’est qu’après avoir longuement résisté et traîné les pieds qu’elle a finalement accepté la décision de l’Assemblée plurinationale, dominée par le MAS d’Evo Morales, d’organiser la nouvelle élection présidentielle, le 6 septembre prochain. L’assentiment prête cependant à équivoque. La vision idyllique d’un scrutin se déroulant démocratiquement appartient et risque d’appartenir pendant quelques mois encore aux rêveurs impénitents (ou à l’infâme secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro).
Ambiance… Les factieux ont fermé près soixante radios communautaires, les accusant de sédition. Le 23 mai, alors que, selon la Constitution, les promotions des hauts gradés doivent être débattues et approuvées (ou rejetées) par le Sénat, le haut commandement des Forces armées, emmené par le commandant en chef, le général Sergio Orellana, investit l’enceinte législative et lance un ultimatum : « Nous allons attendre une semaine. (…) Si nous recevons une réponse négative, nous procéderons selon nos propres normes. » Devant leur refus d’entériner ce coup de force, Murillo menace d’emprisonner les législateurs.
C’est également de la politique élémentaire : quand, début juin, à K’ara K’ara (zone sud de de Cochabamba), la tour d’une entreprise de téléphonie privée s’abat, Murillo accuse immédiatement le MAS d’être « derrière ces actes terroristes ». Quelques jours plus tard, le 15, trois autres antennes situées à Villa Yapacaní, Ichilo et San Juan (Santa Cruz) explosent. Avant même l’ouverture d’une quelconque enquête, le ministre de la défense Fernando López fait lui aussi clairement allusion au parti d’Evo Morales : « Les Forces armées sont entraînées et en train de se préparer à défendre la démocratie et la vie des Boliviens. Le terrorisme n’est pas une façon de faire campagne [9]. »
K’ara K’ara encore, le 22 juin. Plusieurs centaines de personnes manifestent pour exiger la libération d’Osvaldo Gareca et Remmy Fernández, dirigeants de la Coordination populaire pour la défense de la démocratie et de la vie dans la zone sud de Cochabamba, ainsi que de Lucy Escobar, candidate du MAS pour l’élection au Sénat. Tous trois ont été arrêtés alors qu’ils accompagnaient un camion de matériel destiné à la lutte contre le Covid-19 dans une zone – le Tropique de Cochabamba – abandonnée par le pouvoir central aux affres de la pandémie.
Il n’est pas abusif de tirer de tous ces faits certaine conclusion. Dans la perspective de la prochaine élection, tous les sondages donnent le MAS et son candidat à la présidence, l’économiste Luis Arce, vainqueurs du premier tour. Malgré la répression et après, pour certains, un temps de flottement, les partisans d’Evo Morales n’ont pas baissé les bras. Assigné à résidence par un juge à la botte de la dictature, le député du MAS Gustavo Torrico a ainsi déclaré aux policiers qui l’arrêtaient : « Le problème c’est qu’on vous arrête parce que vous êtes “masiste” ; alors, si c’est pour être “masiste”, il va falloir me condamner à perpétuité, parce que jamais je ne cesserai de l’être. »
Il s’agit de briser cette force, de rompre cet élan. Le 15 juin, en termes très vagues, sans apporter aucune preuve fiable, le Tribunal suprême électoral (TSE) a déposé une plainte pénale auprès du ministère public pour fraude lors des élections de 2019. Il s’agit à l’évidence d’une manœuvre destinée à mettre le MAS hors la loi et à disqualifier tous ses candidats pour les prochaines élections. Parallèlement, le pouvoir multiplie les menaces, interférences et pressions contre les organes de l’Etat encore indépendants – bureau du procureur général, ministère de la justice, Assemblée législative, etc. Le 30 juin, allant jusqu’au bout de la logique et de son projet, le pouvoir a annoncé des poursuites judiciaires contre le favori de la course à la présidence, le « masiste » Luis Arce, pour de supposés dommages financiers causés à l’Etat lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances publiques (pour beaucoup, sauf ceux qui depuis le “golpe” ont retourné leur veste, il est le « père du miracle économique » bolivien). « Nous voulons dénoncer devant l’opinion publique, a réagi Arce, l’intention qu’a le gouvernement de nous proscrire pour nous empêcher de participer à ces élections [10]. »
Dans un tel contexte, la pression n’a jamais cessé contre l’ambassade mexicaine, constamment assiégée, harcelée et intimidée par des drones, des opérations policières et la présence des extrémistes qui manifestent publiquement leur intention de ne pas laisser en paix les ex-autorités. Le 14 juin, plus de deux cents policiers armés, accompagnés de chiens et de véhicules d’assaut, ont tenté de pénétrer dans la résidence. Après quarante minutes d’extrême tension et la courageuse résistance du chargé d’affaires mexicain Edmundo Font, qui s’interposa et intervint téléphoniquement auprès des autorités, les assaillants reçurent l‘ordre de se retirer.
Avec leur charge d’angoisse et d’anxiété, de telles provocations ajoutent à l’inhumanité du sort des « otages » maintenus depuis des mois en situation précaire, indépendamment de la générosité de leurs hôtes mexicains. « Le droit d’asile est non seulement reconnu dans la Convention interaméricaine des droits humains, s’insurge Raúl Eugenio Zaffaroni, mais constitue la base du droit international. »
Pour sa part, Isabel Rauber se réfère aux points 5 à 12 de la Convention de l’asile diplomatique et aux « droits des requérants à être protégés par l’ambassade qui accorde l’asile et l’obligation qu’a le gouvernement, dans ce cas la Bolivie, d’accorder des sauf-conduit et la sécurité de leurs possesseurs quand ils abandonnent le pays. » Dernier point qui n’a rien d’anodin lorsqu’on se souvient de ce qui s’est passé avec César Navarro et Pedro Damián Dorado quand, enfin, ils purent partir pour l’étranger.
Après deux mois enfermés dans l’ambassade, tous deux avaient finalement obtenu le fameux laisser-passer. Alors que, accompagnés de d’Edmundo Font, ils se préparaient à prendre un vol commercial à destination de l’exil, un chef de la police et un procureur les interpellèrent dans l’enceinte de l’aéroport, alléguant de l’existence d’un supposé mandat d’arrêt. L’un et l’autre résistant à ce nouvel arbitraire, leur arrestation se déroula avec brutalité. Tous deux se retrouvèrent en cellule et il fallut plusieurs heures pour que le « gouvernement » confirme enfin leur autorisation de sortie.
Illégitime, arrivé à la tête du pays sur la base d’une fraude (bien réelle, celle-là), s’y maintenant en érigeant un Etat de non-droit, Janine Añez et ses séides violent tant l’ordre interne bolivien que le droit international. Depuis huit mois, sept innocents attendent des sauf-conduits pour partir au Mexique. Face à l’arbitraire de ce pouvoir illégitime, la campagne de solidarité internationale menée par plus d’une centaine d’organisations et de personnalités de différents pays affiche clairement ses objectifs : « Exiger l’émission immédiate de laissez-passer pour les sept afin qu’ils puissent se retrouver avec leurs familles et êtres chers, vivre dignement en liberté et jouir du droit de faire prévaloir leurs droits. »
Maurice Lemoine
Contact avec la campagne : [email protected]
Notes :
[2] Le ministère de la Présidence est chargé de la coordination entre les trois pouvoirs de l’Etat plurinational de Bolivie (Justice, Gouvernement, Parlement – et les organisations sociales.
[3] Le rapport de l’OEA prétendant à une fraude lors de l’élection présidentielle gagnée par Evo Morales le 20 octobre 2019 – prétexte au coup d’Etat – a été analysé et taillé en pièces successivement par le Centre de recherche économique et politique (CEPR), basé à Washington ; le professeur de l’Université du Michigan Walter Mebane, expert international en systèmes électoraux et en détection de fraudes ; le Centre stratégique latino-américain de géopolitique (Celag) ; Francisco Rodríguez (économiste, enseignant les Etudes latino-américaines à l’Université de Tulane) et Dorothy Kronick (experte en politique latino-américaine de l’Université de Pennsylvanie). Sur cette dernière étude, lire The New York Times – https://www.nytimes.com/2020/06/07/world/americas/bolivia-election-evo-morales.html?referringSource=articleShare
[5] Référence à l’instrumentalisation de la Justice pour éliminer de la vie politique Dilma Rousseff et Luiz Inácio Lula da Silva (Brésil), Rafael Correa et son vice-président Jorge Glass (Equateur), Cristina Fernández de Kirchner (Argentine), ou même Nicolas Maduro, Diosdado Cabello et quelques autres dirigeants vénézuéliens quand le procureur général des Etats-Unis met leur tête à prix en les accusant de « narcotrafic ».
[6] Situé très à droite sur l’échiquier politique, le groupe ECR compte 62 membres issus de 16 pays – Dont Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan – au Parlement européen.
[7] Créé en 1990 à l’instigation de Luiz Inácio Lula da Silva et Fidel Castro, le Forum de São Paulo rassemble plus de 100 partis et organisations politiques de la gauche latino-américaine.
[8] Président autoproclamé du Venezuela.
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