Pendant des mois, au cours desquels les milieux solidaires de la Résistance ont eu à souffrir dans leur corps de toutes sortes de crises frappant leurs besoins vitaux, ont circulé diverses théories ou analyses, certaines parlant d’une guerre en préparation sur fond de « famine », d’autres annonçant des changements de politiques sous la menace des « sanctions », les unes et les autres devant nécessairement aboutir à la désintégration des alliances tissées par cette même Résistance depuis des années.
D’autres sont allés jusqu’à nous raconter que tous les événements auxquels nous avons assisté, notamment ceux que la Résistance considère comme des victoires à ranger dans la catégorie des défaites du « projet américain » [concernant le Grand Moyen-Orient ; NdT] n’étaient que façades ; le fond du problème étant ce que l’Américain préparait contre nous, avec notre participation et avec, à chaque étape, un objectif dissimulé par la fumée des incendies qu’il allumait.
Il est évident que de tels récits ne résistent pas à l’examen minutieux de tout observateur attentif : ni l’Américain n’a gagné la guerre en Irak ; ni Israël n’a gagné la guerre de juillet 2006 ; ni Gaza ne s’est rendue ou ne s’est suicidée, ni le Yémen affamé et assiégé n’a levé le drapeau blanc ; ni l’Iran, lequel a continué à développer son industrie, son agriculture et ses technologies, n’a reculé ou n’a cherché des miettes de solutions ; ni la Syrie, laquelle a failli être effacée de la carte en tant qu’État, n’a cédé ou ne s’est inclinée.
C’est le contraire qui s’est passé : l’Iran s’est renforcé et ses pétroliers défient l’Américain jusque sur les côtes du Venezuela ; la Syrie a repris le contrôle de la majeure partie de ses territoires volés par les guerres fomentées et très généreusement nourries par de grandes puissances et des gouvernements régionaux ; Gaza menace de ses missiles la profondeur de l’entité occupante ; le Yémen ensanglanté tient dans sa main la sécurité de l’énergie issue des Pays du Golfe ; et la Résistance est désormais en possession des technologies militaires tant attendues et menace de renverser la table.
L’important est que tous ces discours revenaient à dire que la « guerre par la famine » avait une seule fonction : préparer la mise en œuvre de la partie concernant l’annexion de la Cisjordanie telle qu’elle figure dans ledit « accord du siècle » ; annexion annoncée par Benjamin Netanyahou à ses colons pour le 1er juillet 2020. [Ce qui n’a pas eu lieu et ne serait que partie remise ; NdT].
Or bien avant cet accord, nous avions écrit que le gouvernement de Netanyahou n’oserait pas l’appliquer et dès son annonce, nous avions dit qu’il était mort-né pour deux raisons principales :
- La première est que les coups concentrés ou aveugles ne sont pas toujours un prélude à une attaque, car ils peuvent servir à couvrir un retrait. Nous devons donc discerner entre ces deux possibilités, afin de ne pas commettre l’erreur fatale de prendre un retrait pour une attaque.
- La deuxième est que la courbe qui a gouverné le monde de 1990 à 2020 se dirige en droite ligne vers un avenir où l’Américain n’est plus ce qu’il était au moment de la chute du mur de Berlin et de la désintégration de l’Union soviétique ; où la Russie n’est plus cet État désintégré et égaré ; où la Chine n’a plus pour seul objectif d’assurer la subsistance de millions de bouches à nourrir ; où Israël est désormais incapable de faire la guerre et incapable de trouver une solution qui diviserait les rangs des politiques et des peuples de la région en Irak, au Liban, en Palestine, en Syrie et au Yémen. Autant de variables qui confirment une étude récemment publiée par la revue américaine « Foreign Affairs » à propos de l’échec des stratégies dû à l’incapacité de prévoir et d’anticiper.
L’important est donc qu’il n’y a plus à débattre et à analyser un tableau devenu très clair à la lumière des faits : l’entité occupante ne peut pas supporter les conséquences de la décision d’annexer la Cisjordanie et l’Américain ne peut pas lui assurer les moyens de s’en protéger ; la solution devient de se partager les rôles de partisan et d’opposant en annonçant le report de la décision, ce qui équivaut à son annulation vu qu’il s’agirait d’attendre de meilleures conditions qui ne viendront pas.
Entretemps, sanctions et famines continuent comme autant de coups servant de couverture à un retrait américain, lequel retrait est néanmoins subordonné à deux conditions proposées sous forme de compromis, dans le but de protéger l’entité occupante du danger de se retrouver seule devant l’axe de la Résistance qui se développe et se renforce :
- Le premier compromis a été énoncé par James Jeffrey, l’envoyé spécial pour la Syrie, lorsqu’il a présenté ladite « Loi César » en appelant la Syrie à un retour vers 2011, c’est-à-dire dans ses frontières de l’époque avec le déploiement de Forces internationales aux frontières du Golan occupé, le retrait américano-turc étant subordonné au retrait de l’Iran et des forces de la Résistance.
- Le deuxième compromis a été énoncé par David Schenker, le secrétaire d’État adjoint pour le Proche Orient, lorsque dans son analyse de la crise financière libanaise il a rejeté la responsabilité sur le Hezbollah en ajoutant à la fin de son discours : « Vous disposez de ressources petro-gazières prometteuses en pleine mer, mais vous avez un différend avec Israël à ce sujet et vous êtes en difficulté. Nous vous avons présenté une certaine façon de résoudre le différend. Acceptez ! ».
Mais, le problème est que les forces de la Résistance pensent pouvoir faire face à la guerre des sanctions et aux hypothèses de famine contre lesquelles les solutions et les alternatives ne manquent pas, tout comme elles pensent pouvoir continuer à refuser ce type de négociations qui ne cherchent qu’à protéger les intérêts et la sécurité de l’entité occupante ; et cela sans compter leur capacité à contrer les incursions et les sauvageries que le projet d’annexion de la Cisjordanie sous-entend.
En effet, si cet accord devait se concrétiser, il faudra s’attendre à une escalade de la confrontation populaire et armée, laquelle pourrait mener à « la grande guerre » ou reproduire des modèles de Gaza libérée au cœur de la Cisjordanie, voire au cœur des territoires occupées en 1948.
D’où la probabilité que le dernier message de Sayed Hassan Nasrallah, le secrétaire général de la Résistance libanaise, ainsi que le message des médias de guerre aient participé à la compréhension de la situation par ceux qui devaient la comprendre.
Nasser Kandil
06/07/2020
Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source : Al-Binaa
https://www.al-binaa.com/archives/256152
Nasser Kandil est un homme politique libanais, ancien député, et Rédacteur en chef du quotidien libanais « Al-Binaa »
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir