par Christelle Néant
Après l’annonce par le ministre ukrainien des Affaires étrangères d’une menace d’invasion russe cet automne, les déclarations d’officiels de Kiev sur la possibilité ou non d’une attaque de la Russie contre l’Ukraine se suivent et se contredisent, entre ceux qui annoncent que l’invasion pourrait avoir lieu aujourd’hui même, et ceux qui disent qu’elle n’aura pas lieu. Une véritable valse à trois temps, en mode deux pas en avant, un pas en arrière.
Le retour de la revanche de l’invasion russe fantôme contre l’Ukraine
Pour rappel, fin juin 2020, Vassily Bodnar, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, annonçait que la Russie pourrait attaquer l’Ukraine à l’automne pendant ses exercices « Caucase 2020 », dans un scénario d’invasion russe encore plus délirant que les raisons invoquées pour sont déclenchement, à savoir les mauvais résultats potentiels du vote sur les changements à la Constitution russe et le manque d’eau en Crimée.
Entre temps, le vote sur les changements à la Constitution de la fédération de Russie a eu lieu, et les résultats sont très positifs, puisque 77,92 % des votants ont soutenu les amendements proposés, qui sont depuis entrés en vigueur le 4 juillet.
Résultat, cet argument tombe désormais complètement à l’eau, et il ne reste justement que la raison de l’approvisionnement en or bleu de la Crimée pour justifier le nouveau scénario délirant mis en avant par le commandant de la marine ukrainienne.
Dans une interview accordée au média Doumskaya, Alexeï Neijpapa a en effet annoncé que l’Ukraine se préparait à une invasion russe par le sud du pays, dans la région de Kherson (fini le Caucase comme base de départ de l’attaque, maintenant c’est la Crimée), et donc à un conflit à grande échelle avec la Russie.
Le commandant de la marine ukrainienne n’exclut pas que « l’Empire russe » puisse essayer d’attaquer l’Ukraine dans la région de Kherson pour rétablir l’alimentation en eau de la Crimée via le canal du nord. Pour lui la restauration par la Russie de la partie du dit canal située en Crimée sera le signal que l’invasion russe est imminente.
Bon je passerai sur son délire de qualifier la Russie d’Empire. Il y a des gens qui sont restés bloqués sur l’époque soviétique et qui sont incapables de comprendre que la Russie actuelle n’est pas l’URSS, et bien cet amiral a sa boussole temporelle encore plus détraquée que d’autres russophobes, et il est resté manifestement coincé non pas 30 ans en arrière, mais il y a carrément plus d’un siècle !
Je pense que les chercheurs en psychiatrie devraient sérieusement envisager d’installer un laboratoire en Ukraine, vu le degré de folie ambiante parmi les élites du pays, entre les journalistes qui accusent des collègues russes de leur avoir jeté une malédiction, les annonces récurrentes d’invasion russe inexistante par les officiels ukrainiens, et maintenant ceux qui confondent la fédération de Russie avec l’Empire russe, il y a matière à étude.
Et concernant la raison de fond invoquée par cet amiral, je rappelle, comme je l’ai fait après le délire de son collègue ministre des Affaires étrangères, que la Russie a déjà pris des mesures pour régler le problème de l’approvisionnement en eau de la Crimée, en creusant des puits artésiens et en construisant des canalisations amenant leur eau vers Simféropol et les autres régions de la péninsule qui en ont besoin.
Donc la Russie n’a pas besoin d’envahir l’Ukraine sous prétexte de rouvrir le canal de Crimée Nord. Le problème a été réglé autrement, comme l’approvisionnement de la péninsule en électricité après que des radicaux ukrainiens aient détruit les pylônes électriques alimentant la Crimée. Au lieu de compter sur Kiev, la Russie a tiré des câbles électriques à travers le détroit de Kertch, et le problème était réglé une bonne foi pour toute.
Je vous épargnerai aussi son panégyrique des missiles Neptune qui pourraient frapper la Crimée depuis l’Ukraine. Il suffit de rappeler la portée des missiles Kalibr russes qui peuvent frapper une cible jusqu’à plus de 2 000 km, et que la Russie dispose de très bons systèmes de défense anti-missiles, pour se rendre compte que la mise en pratique de la déclaration de l’amiral ukrainien reviendrait à exposer l’Ukraine à des tirs de réponse bien plus destructeurs que les potentiels dégâts qu’elle pourrait infliger à la flotte russe de la mer Noire stationnée en Crimée avec ses missiles Neptune…
Une invasion russe prévue pour aujourd’hui
Mais cette hystérie collective ne semblait pas suffisante, faute de date précise pour l’invasion russe de l’Ukraine. Celle annoncée par Bodnar n’est prévue que pour l’automne (trop loin pour faire peur), alors un « politologue » ukrainien est venu rajouter une couche de délire à cet empilement déjà hasardeux, en annonçant que l’invasion pourrait avoir lieu aujourd’hui même, 7 juillet 2020.
Le « politologue » en question (oui je mets des guillemets car quand on sort des délires pareils on mérite plus le titre de diseur de bonne aventure que de politologue ou d’expert en quoi que ce soit), Vladimir Petrov, avait ainsi annoncé dans un article du 4 juillet 2020, qu’il ne restait que « trois jours avant la guerre » (sic).
La raison invoquée pour le déclenchement aussi rapide d’un conflit de grande envergure entre la Russie et l’Ukraine ? Eh bien ce serait la réunion des experts au Format Normandie qui a eu lieu à Berlin. Ça fait cinq ans que les accords de Minsk pataugent et sont dans une impasse, et là d’un coup la Russie déciderait que cette situation justifierait une guerre après un ultimatum de trois jours sorti d’on ne sait où…
Là on atteint un niveau de délire stratosphérique. Après la justification hallucinante d’une invasion russe de l’Ukraine par des histoires de vote problématique, qui en réalité s’est très bien passé, et d’approvisionnement en eau qui a été réglé, voilà maintenant l’échec flagrant des accords de Minsk, alors que cet échec est visible depuis longtemps.
En cinq ans d’existence, les accords de Minsk et les négociations des groupes de contact trilatéraux à Minsk n’ont abouti à rien ou presque. Les deux seuls points positifs ont été les échanges de prisonniers successifs et une baisse des bombardements. Mais pour le reste, on en est aujourd’hui au même point qu’il y a cinq ans, avec l’Ukraine qui refuse toujours d’admettre sa défaite et de mettre en œuvre ce qu’elle a signé (les exemples les plus flagrants étant la loi sur le statut spécial du Donbass, et les amendements à la constitution), et d’appliquer pleinement ne serait-ce que le premier point des accords de Minsk, à savoir le cessez-le-feu !
Donc pourquoi la Russie déciderait, d’un coup d’un seul, de déclencher une guerre dans les trois jours à cause d’une situation qui dure déjà depuis cinq ans ? Ça n’a aucun sens.
Et vu qu’à l’heure où j’écris ces lignes, nous sommes déjà le 7 juillet 2020 au soir je peux d’ores et déjà rassurer madame Irma, pardon, monsieur Petrov, ainsi que ses lecteurs (qui devaient être inquiets), sur le fait que l’invasion russe de l’Ukraine n’a pas eu lieu aujourd’hui, pour la simple et bonne raison que la Russie n’a aucune intention d’envahir le pays voisin, et que les dirigeants russes, contrairement à certains de leurs homologues occidentaux, n’ont pas des désirs de bombarder ou d’envahir des pays qui leur viennent d’un coup comme une envie de pisser.
Finalement il n’y a aura pas d’invasion
Tout comme la déclaration du ministre ukrainien des Affaires étrangères était contredite par celle d’un ancien chef adjoint de l’administration du Président, celle de Neijpapa s’est retrouvée contredite par nul autre que Sergueï Nayev, le commandant de l’Opération des Forces Interarmées (en clair le commandant de l’armée ukrainienne dans la guerre du Donbass).
En effet, Nayev, dans un éclair de lucidité, a peut-être compris que menacer la Russie d’envoyer des missiles Neptune sur sa flotte pour une histoire d’invasion imaginaire était un poil risqué pour l’Ukraine, et a calmé les élans hystériques de Petrov et de Neijpapa façon douche froide.
Commentant les propos de l’amiral ukrainien, Nayev a en effet déclaré qu’il n’y a pas encore de menace d’invasion russe de l’Ukraine.
« Le commandant des forces navales des forces armées ukrainiennes, l’amiral Neijpapa, qui a été récemment nommé, a donné une interview aux médias régionaux, et selon sa compréhension, il a dit comment il voyait les choses sans avoir 100 % des informations sur l’évolution de la situation dans la direction de Tauride [nom d’un ancien gouvernorat de l’empire russe, contenant la Crimée et le sud de l’actuelle Ukraine – NDLR]. Ses propos peuvent être considérés comme exagérés à l’heure actuelle, compte tenu de la situation telle qu’elle se présente aujourd’hui », a déclaré M. Nayev.
« À l’heure actuelle, il n’y a pas de menace directe d’invasion de l’Ukraine par la fédération de Russie, » a ajouté le commandant, avant d’indiquer qu’il n’y avait pas non plus de menace d’offensive depuis les territoires du Donbass non-contrôlés par Kiev (c’est-à-dire les Républiques Populaires de Donetsk et de Lougansk). Voilà de quoi rassurer définitivement les lecteurs de monsieur Petrov et de l’amiral Neijpapa.
Source: Lire l'article complet de Réseau International