Vassily Prozorov est un ancien officier du SBU, les services secrets ukrainiens. L’année dernière, il a finalement quitté l’Ukraine pour la Russie, et a fait plusieurs déclarations publiques et interviews, donnant des détails sur l’utilisation de la torture par le SBU, ses prisons secrètes, et l’implication de l’Ukraine dans le crash du MH17. Prozorov a créé son propre centre d’enquête – UKR LEAKS – et vient de publier de nouvelles informations sur l’Ukraine. Dans cet article divisé en deux parties, Vassily Prozorov montre, à l’aide de documents internes qu’il a obtenus alors qu’il travaillait au SBU, comment l’Ukraine a lancé des opérations d’influence contre ceux-là mêmes qui lui ont appris à faire des opérations psychologiques et d’information, à savoir l’Europe, et comment Kiev a utilisé des pirates informatiques pour discréditer la Russie, en particulier dans le cas très sensible du crash du MH17.
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par Vassily Prozorov
Il se trouve que dans ma carrière professionnelle, j’ai eu à gérer directement ou indirectement un domaine d’activité spécifique, que l’on appelle à l’étranger la communication stratégique. Cela semble moderne et, il faut l’admettre, complètement inoffensif. Mais si l’on supprime le camouflage verbal, ce n’est rien d’autre que de la bonne vieille propagande au sens large du terme, accompagnant l’ingérence secrète dans les affaires intérieures d’autres pays.
Oui, ne soyez pas surpris, la propagande n’est ni une « invention » ni une « prérogative » du Kremlin, tous les pays et même l’Ukraine le font. Seulement, tout le monde l’appelle par des euphémismes différents pour masquer son impact sur l’esprit et le subconscient du public cible.
L’Ukraine moderne est, dans de nombreux domaines, un pays de paradoxes. Surtout en termes d’histoire, de corruption et de relations avec les autres pays. Prenons par exemple le point de vue des Ukrainiens sur les activités de Vladimir Lénine. Le leader du prolétariat mondial en 1918-1923 a permis à l’Ukraine de gagner les terres des actuelles régions de Kharkov, Lougansk, Donetsk, Kherson, Odessa et d’autres régions qui ne lui ont jamais appartenu. Il semblerait que nous devrions le remercier. Mais les « vrais patriotes », dans un élan d’indignation sincère, ont démoli ses statues à travers le pays. Ils disent aussi que l’URSS a occupé l’Ukraine, oubliant que pendant près de 30 ans, l’Union a été gouvernée par des natifs de la RSS d’Ukraine N. Khrouchtchev et L. Brejnev. Ainsi, la question de savoir qui a occupé qui peut être qualifiée sans risque comme étant ouverte à discussion.
Ou, par exemple, les autorités ukrainiennes prennent régulièrement de l’argent en Europe, promettant de l’utiliser pour combattre et éradiquer la corruption. Et… ils le volent en toute sécurité à chaque fois. De plus en plus de nouvelles structures de lutte contre la corruption sont créées – SAP [Parquet Spécial Anticorruption, NdT], NABU [Bureau National Anticorruption de l’Ukraine, NdT], GBR [Bureau National d’Investigations], etc. – qui finissent par se transformer en supermarchés de clercs, où l’on peut ouvrir ou faire fermer n’importe quel commerce pour une somme modique. Et même les pragmatiques les plus stricts de l’Occident ne peuvent rien y faire depuis des années. Ils ne veulent plus donner d’argent, parce que c’est inutile, mais il est impossible d’abandonner quelqu’un qui est accro au crédit, sinon ce sera pire.
Et il y a un autre paradoxe que je vais développer. Il concerne la sphère de la propagande et se présente comme suit.
Depuis 2014, les pays occidentaux ont commencé à financer la formation et le développement de structures en Ukraine engagées dans la communication stratégique, des opérations d’information et d’autres activités de sensibilisation. Un grand rôle a été donné à la formation des spécialistes ukrainiens par des instructeurs étrangers. Ce domaine d’activité était principalement dirigé contre la Russie et sa propre population. Mais les Ukrainiens, comme toujours, se sont montrés plus malins que tout le monde et ont commencé à mener activement des opérations psychologiques et d’information contre la population, les dirigeants et même les services secrets des pays occidentaux. Parfois ouvertement, parfois dans le dos de leurs patrons. L’Occident a en fait payé pour la propagande dirigée contre lui-même. Mais commençons dans l’ordre.
Communication stratégique à la Kiev: la copie ukrainienne issue de l’original américain
Instructeurs et conseillers étrangers
Après le coup d’État de février 2014, les nouveaux dirigeants étaient bien conscients qu’il serait difficile de rester au pouvoir sans le soutien de l’étranger, car le souci du peuple et de son bien-être ne figurait manifestement pas sur la liste de leurs intérêts. C’est pourquoi les politiciens ukrainiens ont commencé à positionner le pays comme victime d’une « agression hybride » de la part de la Russie, cherchant à obtenir une assistance complète de l’Occident. Cela a porté ses fruits, et l’Ukraine a été inondée de nombreux conseillers et experts d’Europe et des États-Unis, notamment dans les secteurs de la défense et de l’information.
Les organes de l’administration militaire et les services secrets ont commencé à travailler sous le contrôle étroit de leurs collègues occidentaux, principalement américains. Le processus de réécriture des documents de base selon les normes de l’OTAN a commencé, et le concept de communication stratégique (StratCom) est très vite devenu courant en Ukraine. Ainsi, en septembre 2015, ce terme est apparu dans la nouvelle doctrine militaire du pays. Elle a défini la communication stratégique comme une utilisation coordonnée et appropriée des capacités de communication de l’État – diplomatie publique, communication, opérations psychologiques et d’information visant à promouvoir les objectifs de l’État. La doctrine a ouvertement appelé la Russie le principal ennemi militaire de l’Ukraine.
Parallèlement, en septembre 2015, une feuille de route pour un partenariat en matière de communication stratégique entre le Conseil de sécurité nationale et de défense (CSND) de l’Ukraine et le Secrétariat international de l’OTAN a été signée. Dans le cadre de cet accord, des instructeurs étrangers spécialisés dans les opérations psychologiques et d’information ont commencé à donner des cours à leurs collègues ukrainiens.
J’ai moi-même eu l’occasion d’être formé sous la direction de spécialistes de la guerre de l’information, issus des forces d’opérations spéciales lituaniennes, à l’institut militaire de Jitomir.
Diplôme en « Cours de base des opérations psychologiques ».
Les représentants de l’ancienne République soviétique ont activement « formé » le personnel des unités d’opérations psychologiques et d’information (OPSI) des Forces d’opérations spéciales (FOS) des forces armées (FAU) et du Service de sécurité de l’Ukraine (SBU) sur les questions touchant les esprits et les cœurs.
Je tiens à noter qu’en plus de former les « néophytes » ukrainiens, les « chauds lapins » baltes n’ont pas oublié les mondanités et ont montré de manière ouverte leur intérêt tout masculin pour le beau sexe parmi leur public. Les fidèles reconnaîtront à la fois Tatiana Romanova du 74e centre OPSI (unité A-1277, Lvov) et Anastasia Bagriytchouk du 16e centre (unité A-1182, Jitomir). Je ne peux rien dire de précis sur Romanova, mais le talentueux instructeur Klaus a rapidement réussi à trouver des approches pour Nastia Bagriytchouk et, apparemment, non sans avoir fait preuve de ses compétences professionnelles de suggestion et de persuasion.
Tatiana Romanova – Officier du 74e centre d’OPSI des FOS des FAU (Lvov)
Anastasia Bagriytchouk – Officier du 16e centre d’OPSI (Jitomir)
Anastasia Bagriytchouk en janvier 2014
Et il y a eu beaucoup de ces formations. Par exemple, de nouveaux cours intitulés « Ukraine Peer-to-Peer. Le défi de la désinformation ». Il est prévu que la formation se déroule de septembre à décembre 2020 à l’Université nationale de Kharkov. La particularité de ce programme sera la mise en œuvre du principe « d’égal à égal », qui prévoit que les étudiants ayant déjà suivi le cours feront office d’enseignants. Une soixantaine de militaires des centres OPSI, qui ont suivi une formation aux États-Unis sur les bases théoriques de la confrontation des informations, ainsi que sur l’organisation de « révolutions de couleur », transmettront leur expérience.
Le programme est organisé par l’agence de conseil américaine EdVenture Partners. Le plus intéressant est peut-être le fait que cette entreprise coopère activement avec les réseaux sociaux Facebook, Twitter, et l’hébergeur de vidéos YouTube, qui fourniront leurs ressources pour le soutien informationnel des cours. Et la question du blocage par Facebook des comptes d’utilisateurs, dont les propagandistes ukrainiens se sont toujours plaints, devrait être résolue dans un avenir proche. Ainsi, les Fake News, dont Donald Trump parle souvent, est un concept flexible. Certaines personnes ne sont pas autorisées, taboues et désapprouvées par le public, mais d’autres sont autorisées. Après tout, la lutte contre « l’agression russe » va tout faire passer par pertes et profits.
Le financement de ce programme éducatif sera, bien entendu, assuré par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), bien connue et maintes fois entachée, qui fait partie du Département d’État américain et qui a parrainé les révolutions de couleur.
Financement
Naturellement, l’Occident ne financerait pas d’opérations d’information contre ses propres pays. Des ressources ont été allouées à la lutte contre la soi-disant propagande et désinformation russe. Mais nous savons bien comment l’argent alloué est dépensé en Ukraine, à travers l’exemple de la lutte contre la corruption.
Pendant ce temps, des fonds considérables de l’Occident sont alloués à la communication stratégique. Les États-Unis sont sans aucun doute le leader des investissements dans ce domaine. Ainsi, pour 2019, 275 millions de dollars du budget américain ont été alloués au fonds destiné à contrer l’influence russe. Ce sont en effet des sommes colossales. Une partie importante de ces fonds a été allouée à l’Ukraine pour « protéger les infrastructures critiques et les mécanismes électoraux contre les cyberattaques » et pour « soutenir la lutte contre la propagande et la désinformation venant de la Fédération de Russie ».
On trouve sur Internet de nombreuses informations sur le parrainage de divers projets anti-russes en Ukraine par des fondations étrangères, des organisations non gouvernementales et des agences gouvernementales. De l’argent destiné à la propagande a été alloué par : l’Agence pour le développement international du Canada, l’Ambassade des Pays-Bas, le Fonds de Développement des Médias de Masse de l’Ambassade des États-Unis en Ukraine, l’Agence suisse pour le développement international, le Centre libéral international suédois, ainsi que des dizaines de fonds étrangers, dont une place particulière revient au fonds « Renaissance » parrainé par George Soros.
Par exemple, en 2015, l’ambassade d’Allemagne en Ukraine, ainsi que la mission de l’UE à Kiev, ont fourni à la chaîne de télévision « Hromadske », qui pendant le Maïdan était le pilier médiatique des manifestations, environ un demi-million de dollars, ce qui représente presque un tiers du budget annuel de ce média.
Le projet StopFake a été soutenu par la Fondation internationale de Soros « Renaissance », le ministère tchèque des affaires étrangères, l’ambassade britannique et la Fondation Sigrid Rausing.
Les intérêts occidentaux en Ukraine sont activement promus par « Internews Ukraine » et « Media Detector ». Parmi leurs donateurs figurent l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), l’Atlantic Council, la fondation suédoise SIDA et l’ambassade de Suède.
Le Département d’État américain a fourni 10 millions de dollars pour la création d’un système de cybersécurité en Ukraine en 2017. Les fonds devaient être consacrés au « renforcement des capacités de l’Ukraine en matière de cybersécurité par le soutien à la réforme législative et réglementaire, la formation au cyberespace et la participation du secteur privé ». Au début de 2020, 8 millions de dollars supplémentaires ont été transférés dans le même but.
Un million de dollars a été promis par le Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et des relations au travail du Département d’État américain en 2019 pour « promouvoir la liberté de l’Internet » en Ukraine. « L’objectif du programme est d’accroître la capacité des groupes à mener des actions de sensibilisation », est-il écrit sur le site web du ministère.
En mars 2020, il a également été rapporté que les autorités américaines ont accordé à l’Ukraine une subvention de 38 millions de dollars pour une campagne conjointe avec l’USAID « L’identité nationale ukrainienne à travers l’activité des jeunes ». Selon les documents, la coopération quinquennale des autorités ukrainiennes, des militants publics et de l’USAID consiste à renforcer l’activité Internet des jeunes en Ukraine, la coopération avec les leaders d’opinion locaux, les hommes d’affaires et les influenceurs dans le segment russe d’Internet.
Qui fabrique une image positive de l’Ukraine
Le ministère ukrainien de la Politique de l’information (MIPU) a été l’organe exécutif responsable de la mise en œuvre du concept de communication stratégique jusqu’au 29 août 2019.
Le 29 août 2019, après la dissolution du ministère, ses fonctions ont été transférées au ministère ukrainien de la Culture, de la Jeunesse et des Sports. Et il faut noter qu’après l’arrivée au pouvoir de Zelensky, la politique d’information dans le pays n’a pas beaucoup changé. Un exemple frappant est la préparation de la « loi sur la désinformation », élaborée sur la base du décret présidentiel « sur les mesures urgentes de réforme et de renforcement de l’État » N° 837/2019 du 8 novembre 2019.
Le décret proposait au ministère « de créer un règlement sur les exigences et les normes en matière d’information, les mécanismes de distribution d’informations inexactes et déformées, d’interdire aux représentants russes de posséder ou de financer des médias en Ukraine, ainsi que de prévoir une responsabilité accrue en cas de violation de la législation sur l’information ». D’ailleurs, la censure continue de gagner du terrain.
L’impact de l’information à l’étranger est également traité par le ministère des Affaires étrangères, le service de sécurité ukrainien (SBU), le service de renseignement extérieur (SVR), la direction générale du renseignement et les centres d’information et d’opérations psychologiques des FOS des forces armées ukrainiennes.
En outre, en avril 2020, un département de communication stratégique a été créé au sein du ministère ukrainien de la Défense, qui a succédé au département des communications et de la presse. Ce département est dirigé par le lieutenant-colonel Svetlana Pavlovska, qui est également attachée de presse du ministre. Selon le règlement approuvé, cette unité militaire est une composante du système national de communication stratégique et est destinée à informer le public et les médias, y compris étrangers, sur les activités du ministère de la défense, de la Cour suprême d’Ukraine et du Service d’État des transports spéciaux, sur les rapports du personnel de la Cour suprême d’Ukraine, sur les campagnes d’information, etc. En un mot – faire de la propagande à la fois auprès du public interne et externe.
Propagande officielle
Ministère de la Politique d’information
Le ministère de la Politique d’information était largement connu sous le nom de « MinStets », du nom du ministre – Iouri Stets. On peut dire qu’il a été créé pour cette personne, qui ne cachait pas son attachement à l’idéologie néo-nazie. En plus de lui, deux autres représentants odieux qui étaient à la tête du ministère peuvent être nommés. Il s’agit de Dmitri Iourievitch Zolotoukhine, ancien employé du service de sécurité ukrainien, et d’Emine Ayarovna Djaparova, élève de divers cours de gestion du département d’État américain et journaliste des médias de propagande américains « Radio Liberté » et « Crimée.Réalités ». En gros, c’est tout ce que vous devez savoir sur ce département pour comprendre ce qu’il faisait et comment il le faisait. Quoi qu’il en soit, je m’attarderai plus en détail sur l’orientation externe de ses travaux.
L’un des principaux objectifs du MIPU était de créer une image positive du pays sur la scène internationale, principalement en Occident. Ces objectifs ont été formulés dans un certain nombre de documents gouvernementaux, notamment le « Plan d’action gouvernemental prioritaire à moyen terme jusqu’en 2020 » et le « Plan d’action gouvernemental – 2017 ».
Ce concept est axé sur l’utilisation de trois outils de l’arsenal de la communication stratégique : la diplomatie publique ou populaire, la diaspora ukrainienne à l’étranger et les « agents d’influence ». À ce jour, le gouvernement ukrainien considère ces canaux de « soft power » comme le moyen le plus efficace d’influencer l’opinion publique mondiale et de donner une image positive du pays à l’étranger.
En ce qui concerne la diplomatie publique, le ministère a proposé différentes idées. L’une d’entre elles consistait à organiser une sorte de tour de marque. En d’autres termes, il s’agit d’envoyer des bus spéciaux sous la marque « Ukraine NOW » dans les pays européens. Selon le ministère, une telle publicité sur roues aurait attiré l’attention des Européens sur l’image moderne de l’Ukraine.
Un autre moyen offert aux « diplomates populaires » est d’utiliser largement les symboles nationaux ukrainiens. Si, au cours des cinq dernières années, l’un d’entre vous a passé des vacances en Turquie, en Égypte ou dans les pays d’Europe, vous avez probablement remarqué que les touristes ukrainiens montrent le drapeau national de manière délibérément agressive. Il est accroché aux balcons des hôtels, sur des chaises de plage, utilisée comme cape sur les épaules lors de spectacles de rue. À première vue, cela peut être considéré comme des excentricités inoffensives de la part des touristes ukrainiens. En fait, c’est l’une des techniques de la version kiévienne de la communication stratégique pour promouvoir les intérêts ukrainiens dans le cadre du programme « Ma petite part ». Cette initiative recommande vivement aux touristes visitant différentes villes du monde de prendre des photos avec le drapeau ukrainien et de les diffuser autant que possible sur les réseaux sociaux.
Un autre programme relevant de la communication stratégique ukrainienne s’appelle « Racines d’herbe ». Son but est de rechercher des racines ukrainiennes dans les biographies de personnes célèbres, qui deviennent ensuite des « agents d’influence » pour diffuser les messages d’information ukrainiens.
Les scientifiques, les écrivains, les acteurs, les chefs militaires et de nombreux autres personnages historiques célèbres seraient très surpris d’apprendre qu’ils sont de nationalité ukrainienne. Mais ils seraient encore plus surpris de voir le désir du nouveau gouvernement de Kiev d’utiliser les « Ukrainiens nouvellement baptisés » pour ses propres intérêts. Sergueï Korolev, Igor Sikorski, Fiodor Dostoïevski, Piotr Tchaïkovski, et même la reine Anna Yaroslavovna de France – toutes ces personnalités historiques sont positionnées par les autorités de Kiev comme des représentants exceptionnels du peuple ukrainien. À l’avenir, leurs noms seront utilisés pour promouvoir des idées modernes utiles aux autorités actuelles de Kiev.
D’ailleurs, l’Institut militaire de Jitomir, où j’ai suivi les cours de formation des spécialistes des opérations d’information sous la direction d’instructeurs lituaniens, porte le nom de Sergueï Pavlovitch Korolev.
Comme indiqué ci-dessus, une autre ligne directrice de la communication stratégique à la Kiev est de travailler avec la diaspora ukrainienne dans le monde et d’utiliser ses opportunités pour promouvoir les intérêts des autorités.
Les représentants de la diaspora ukrainienne, en particulier le Congrès mondial des Ukrainiens, soutiennent activement les structures ukrainiennes et internationales dans leur lutte contre la « propagande russe », en attirant un nombre important de leurs partisans.
D’ailleurs, la diaspora ukrainienne en Russie n’a pas été laissée de côté. Son activité, bien sûr, n’est pas aussi visible que, par exemple, au Canada, néanmoins, les représentants de la diaspora en Russie poursuivent activement une politique d’information recommandée par les structures de l’État ukrainien. Voici un exemple simple qui confirme ce qui a été dit. Pour vous inscrire sur Facebook dans le groupe « Ukrainiens de Russie », vous devez répondre à deux questions : « À qui appartient la Crimée » et « Que se passe-t-il dans l’est de l’Ukraine » ? Naturellement, si vous ne répondez pas respectivement « À l’Ukraine » et « Agression russe », vous ne pourrez pas accéder au groupe.
« Pour embêter le contrôleur, j’irai à pied » et autres « idiots utiles »
Une des premières actions qui a été menée par le ministère ukrainien des Affaires étrangères après la destitution d’Ianoukovitch, s’est déroulée en République tchèque. En mars 2014, le propriétaire du Brioni Boutique Hotel, situé dans la ville tchèque d’Ostrava, Tomash Krčmarž, a refusé d’héberger des athlètes russes, alors qu’ils avaient réservé des chambres. Et puis il a refusé d’accueillir tout citoyen russe, accrochant même une annonce spéciale à l’entrée.
Plus tard, sous la pression des forces de l’ordre, M. Krčmarž a fait quelques concessions, mais il a exigé des citoyens russes qui se présentaient à son hôtel une déclaration écrite de désaccord avec le rattachement de la Crimée à la Russie. Naturellement, ledit homme d’affaires « patriote » a été sanctionné par les autorités de régulation, car il y avait des signes de discrimination contre des personnes sur base de leur nationalité.
Cependant, après plusieurs années de procédures judiciaires, la Cour constitutionnelle de la République tchèque a retiré toutes les plaintes contre Krčmarž, ne voyant rien de mal à ses actions.
Mais le plus intéressant est que, selon sa propre déclaration, Tomash Krčmarž a des racines ukrainiennes. S’efforçant de maintenir des liens avec sa patrie historique, il a participé à des événements officiels et informels organisés par l’ambassade d’Ukraine en République tchèque, a eu des contacts avec des diplomates qui étaient des employés des services spéciaux ukrainiens sous couverture diplomatique.
Je peux affirmer sans risque que la farce du propriétaire de l’hôtel n’était pas spontanée. L’idée est née à l’ambassade ukrainienne qui, fin février – début mars 2014, a commencé à recevoir des instructions des nouvelles autorités de Kiev. La mission diplomatique a été chargée d’obtenir d’urgence le soutien de la communauté internationale au coup d’État en Ukraine et le rejet de la sécession de la Crimée. Cette idée a été réalisée en République tchèque avec l’aide d’un résident local qui, depuis quelque temps déjà, avait été approché par des diplomates et était tombé dans les compliments et les souvenirs.
Naturellement, en Ukraine, les actions de ce monsieur ont été instantanément relayées dans les médias, qui ont appelé d’autres hôteliers à prendre exemple sur Tomash. Il a même été suggéré de lui décerner le titre de Héros de l’Ukraine. Et bien sûr, on a fait état de menaces envers le « patriote tchèque d’Ukraine » de la part de « méchants Russes » et d’agents du KGB-FSB de manière générale. Que puis-je dire – une méthode pour chaque occasion de la vie.
Référendum aux Pays-Bas sur l’accord d’association de l’Ukraine et de l’UE
Un exemple frappant de l’utilisation par la partie ukrainienne de méthodes de communication stratégique contre les pays occidentaux a été les actions par lesquelles l’Ukraine a essayé d’influencer les résultats du référendum aux Pays-Bas concernant la ratification de l’accord entre l’Ukraine et l’UE.
Ici, deux méthodes (telles que définies par le ministère ukrainien de la Politique d’information) ont été utilisées pour influencer la conscience néerlandaise de manière globale : la communication gouvernementale et la diplomatie publique. Pavel Klimkine, le ministre des Affaires étrangères, a été envoyé par le gouvernement aux Pays-Bas, afin de persuader personnellement les Néerlandais de voter en faveur de l’accord, en participant à une course cycliste. Grâce à la diplomatie publique, de nombreux militants ukrainiens et les célèbres athlètes de boxe, les frères Klitschko, ont débarqué aux Pays-Bas, et ont également essayé de convaincre les Néerlandais de soutenir le désir de l’Ukraine de rejoindre l’UE.
Comme le prévoit le concept de communication stratégique, les « diplomates populaires », étaient soutenus par les services secrets ukrainiens pendant le référendum. Selon les informations dont je dispose, si la tendance lors du vote était clairement défavorable à Kiev, les services de renseignement ukrainiens prévoyaient de perturber le référendum en utilisant leurs agents aux Pays-Bas. Il s’agissait notamment de l’utilisation d’un groupe de journalistes qui devaient créer une image négative du référendum et ainsi influencer la participation de la population. En vertu du droit local, si moins de 30 % de la population vote, le gouvernement a le droit de ne pas tenir compte des résultats du référendum.
Quel est le résultat final ? Malgré l’utilisation de ressources financières, humaines et organisationnelles assez importantes, comme le prescrit le concept de communication stratégique, la partie ukrainienne n’a pas réussi à atteindre ses objectifs. Lors du référendum, les citoyens néerlandais ont voté contre la ratification de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’UE.
Il est vrai que pour donner l’apparence d’une belle sortie de crise après la perte de la partie néerlandaise, la partie ukrainienne représentée par le ministre Klimkine a immédiatement déclaré que les résultats du référendum n’affecteront pas les aspirations européennes de l’Ukraine. Quoi qu’il en soit, Kiev a décidé de renforcer son complexe de communication stratégique vers l’Europe pour influencer l’opinion publique de l’Union européenne.
Comment placer la RPD et la RPL dans la liste des organisations terroristes
Continuant à accroître leurs efforts sur le front de l’information concernant le « théâtre de guerre européen », les officiels de Kiev ont activement impliqué le ministère des Affaires étrangères (MAE) en coopération avec les services secrets. De telles actions sont appelées opérations spéciales d’information. Un tel camouflage verbal est nécessaire pour dissimuler au public les objectifs et les techniques utilisées pour désinformer délibérément les audiences étrangères.
À titre d’exemple confirmant cette tactique de la communication stratégique ukrainienne, je vais citer un document et le commenter.
Lettre du ministre des affaires étrangères P. A. Klimkine au président P. A. Porochenko du 6 août 2014, code de classification : pour usage interne seulement
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Klimkine suggère au président Porochenko de concentrer les efforts de propagande de toutes les structures existantes sur le fait de convaincre le public étranger, que la RPD et la RPL sont des organisations terroristes. À cette fin, il est recommandé d’engager la responsabilité pénale du plus grand nombre possible de personnes pour des activités liées au terrorisme. En même temps, comme le recommande le ministre ukrainien des Affaires étrangères, pour convaincre les représentants des pays les plus pointilleux sur la pureté des documents juridiques, il est préférable que les décisions de justice relatives à ces affaires pénales soient déjà rendues.
Le public cible de cette opération était les dirigeants politiques des pays de l’UE, qu’il fallait persuader et pour lesquels il fallait créer artificiellement des arguments et des éléments d’information.
Plus tard, le chef de l’administration présidentielle, Boris Lojkine, a chargé le chef du SBU, Valentin Nalivaïtchenko, de « prendre immédiatement les mesures nécessaires pour fournir la justification juridique requise pour l’inclusion » de la RPD et de la RPL dans la liste des organisations terroristes de l’UE.
Lettre du chef de cabinet du Président ukrainien au SBU
Vous comprenez où se situe le problème ? Les instances chargées de l’application de la loi sont encouragées à veiller à ce que le plus grand nombre possible de peines soient condamnées pour des articles du code pénal liés au terrorisme. Ainsi, il a été suggéré d’apposer a priori sur des centaines de milliers d’habitants de l’Ukraine, l’étiquette de soutien d’entités « terroristes ». Et la machine punitive a fonctionné. Pendant leur détention, on plaçait sur de nombreuses personnes des grenades et des cartouches pour les accuser de terrorisme. Il est difficile d’imaginer une façon plus insidieuse et plus sournoise de mener une opération spéciale d’information, que celle que les officiels de Kiev ont utilisée à l’égard des citoyens de leur propre pays.
De nombreuses affaires de ce type se sont effondrées depuis devant les tribunaux. Et puisque jusqu’à présent l’Union Européenne n’a pas décidé d’inclure la RPD et la RPL dans ses listes d’organisations terroristes, cela veut dire que la partie ukrainienne n’a pas réussi à rassembler suffisamment de preuves contre ses citoyens qu’elle a accusés de terrorisme.
Désinformation de l’OSCE sur la situation dans la zone de conflit
Voici un autre exemple illustrant les tactiques de la communication stratégique ukrainienne.
Lettre du ministère des Affaires étrangères aux autres départements de l’Ukraine
Comme il ressort clairement de ce document confidentiel, le ministère des Affaires étrangères demande aux structures étatiques ukrainiennes de présenter des contre-arguments réfutant les accusations que la mission de l’OSCE se prépare raisonnablement à porter contre l’Ukraine sur base des résultats de son travail dans la zone de l’opération anti-terroriste (ATO). Dans le même temps, les diplomates ukrainiens, énumérant des faits réels dans leur lettre, mettent intentionnellement le mot « accusations » entre guillemets, démontrant ainsi leur mépris pour la position de l’OSCE.
Entre-temps, les observateurs internationaux ont constaté de graves violations de la part des FAU (forces armées ukrainiennes). Ce document traite des opérations militaires menées contre des localités, de la violation du cessez-le-feu, et du placement de positions de tir d’artillerie lourde à l’intérieur des villes et villages.
Dans le même temps, le directeur du département de lutte contre les menaces venant de la fédération de Russie du ministère ukrainien des Affaires étrangères, Plakhotniouk, a déclaré sans ambages que les « excuses » choisies seront utilisées par la partie ukrainienne pour réfuter toute accusation contre l’Ukraine.
Après cela, faut-il s’étonner que les parties n’aient pas réussi à adopter une déclaration commune sur les résultats de la mission de l’OSCE en Ukraine lors de la réunion régulière des ministres des affaires étrangères de l’OSCE ? Dans ce cas précis, la partie ukrainienne a réussi à neutraliser l’évaluation négative des activités de ses forces armées dans le Donbass et à imposer aux pays occidentaux un point de vue bénéfique pour Kiev.
La deuxième partie de l’enquête révélera les activités secrètes du SBU, du GUR et du SVR et leur impact sur la population et les dirigeants des pays occidentaux, en particulier la République tchèque et la Pologne.
Vassily Prozorov
Source : UKR-LEAKS
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Personnes:
Petro Porochenko – Oligarque ukrainien, Président de l’Ukraine de 2014 à 2019.
Boris Lojkine – Homme d’affaires ukrainien et homme politique, chef de cabinet du Président ukrainien de juin 2014 à août 2016.
Valentin Nalivaïtchenko – Chef du SBU de 2006 à 2010, puis de 2014 à 2015.
Pavel Klimkine – Ministre ukrainien des Affaires étrangères de 2014 à 2019.
Andreï Plakhotniouk – Directeur du département de lutte contre les menaces venant de la fédération de Russie du ministère ukrainien des Affaires étrangères.
Iouri Stets – Ministre ukrainien de la Politique d’information de 2014 à 2019.
Dmitri Zolotoukhine – Vice-ministre de la Politique d’information de 2017 à 2019, ancien employé du SBU.
Emine Djaparova – Première Vice-ministre de la politique d’information de 2016 à 2019, diplômée de plusieurs cours de gestion du Département d’État américain, journaliste des sites de propagande américaine « Radio Liberté » et « Crimée.Réalités ».
Anastasia Bagriytchouk – Officier du 16e centre d’OPSI, unité A-1182, Jitomir
Tatiana Romanova – Officier du 74e centre d’OPSI, unité A-1277, Lvov
Organisations:
Le Conseil de sécurité nationale et de défense (CSND) – Organe de coordination placé sous l’autorité du président ukrainien chargé des questions de sécurité nationale et de défense.
Le ministère des Affaires étrangères (MAE) est l’organe étatique du pouvoir exécutif ukrainien qui met en œuvre la politique d’État concernant les relations extérieures de l’Ukraine avec les autres États et les organisations internationales.
Le ministère ukrainien de la Politique d’information (MUPI) est l’organe exécutif de l’État chargé de garantir la souveraineté de l’Ukraine en matière d’information et de surveiller la diffusion d’informations importantes sur le plan social en Ukraine et à l’étranger.
Le Service de sécurité ukrainien (SBU) est un organe spécial chargé de l’application de la loi, conçu pour assurer la sécurité de l’État. Il est subordonné au président ukrainien.
Le Service de renseignement extérieur de l’Ukraine (SVR) est un organe de l’État ukrainien engagé dans des activités de renseignement dans les domaines politique, économique, militaro-technique, scientifique, technique, informationnel et environnemental.
Le département de communication stratégique est une subdivision du ministère ukrainien de la Défense, conçue pour contrer les attaques informationnelles et mettre en œuvre une politique d’information commune au sein des forces armées ukrainiennes.
Le département principal du renseignement est l’agence de renseignement militaire du ministère ukrainien de la défense.
Les centres d’opérations psychologiques et d’information (OPSI) sont des unités militaires des forces d’opérations spéciales des forces armées ukrainiennes chargées de mener la guerre de l’information.
Source: Lire l'article complet de Réseau International