Cet article a été publié pour la première fois en anglais le 30 juin 2013
Note de l’auteur et mise à jour
Fête du Canada, 1er juillet 2020. Les Canadiens célèbrent la naissance du Canada.
Le 1er juillet 1867, le Canada est devenu une nation, une fédération, en vertu de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, en grande partie en réponse à la menace d’annexion par les États-Unis telle que formulée dans un projet de loi adopté par le Congrès américain en 1866.
Réfléchissons à notre histoire :
Notre souveraineté nationale a été menacée par les États-Unis dès le début.
Si les Canadiens connaissent bien le plan étasunien de 1866 visant à annexer le Canada, ils ignorent que les États-Unis avaient formulé un plan à la fin des années 20 pour bombarder et envahir le Canada. (Ce plan n’est pas mentionné dans nos livres d’histoire et ne fait pas l’objet de reportages critiques dans les médias).
Le plan de guerre contre le Canada initialement formulé en 1924 était intitulé « Plan de guerre de base conjoint de l’armée et de la marine – Rouge« . Il a été approuvé par le ministère étasunien de la guerre sous la présidence d’Herbert Hoover en 1930. Il a été mis à jour en 1934 et 1935 sous la présidence de Franklin D. Roosevelt. Il a été retiré en 1939 (mais pas aboli) après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
« En 1930, neuf ans seulement avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont élaboré un plan terrifiant visant spécifiquement à éliminer toutes les forces terrestres britanniques au Canada et dans l’Atlantique Nord, détruisant ainsi la capacité commerciale de la Grande-Bretagne et mettant notre pays à genoux »
« Bien qu’apparemment destiné à la guerre contre la Grande-Bretagne, le Plan RED est presque dépourvu de plans pour combattre les Britanniques. Le plan est centré sur la conquête du Canada, dont le code couleur était CRIMSON. La mission de l’armée étasunienne, écrite en majuscules, était « ULTIMEMENT, de gagner le contrôle complet de CRIMSON ». Le projet de 1924 déclarait que les États-Unis « ont l’intention de conserver à perpétuité tous les territoires gagnés par CRIMSON et RED… Le gouvernement du Dominion [du Canada] sera aboli. »
Les bombardements stratégiques de Halifax, Montréal et Québec étaient prévus dans le cadre du Plan ROUGE. De plus, l’armée étasunienne avait reçu des instructions (en majuscules),
« DE FAIRE TOUS LES PRÉPARATIFS NÉCESSAIRES À L’UTILISATION DE LA GUERRE CHIMIQUE DÈS LE DÉCLENCHEMENT DE LA GUERRE. L’UTILISATION DE LA GUERRE CHIMIQUE, Y COMPRIS L’UTILISATION D’AGENTS TOXIQUES, DÈS LE DÉBUT DES HOSTILITÉS, EST AUTORISÉE… » (cité par Floyd Rudmin, op cit).
Par une ironie amère, le général Douglas MacArthur, qui a dirigé les forces étasuniennes dans le Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, sans parler de la conduite des raids de bombardement de saturation (tapis de bombes) contre la Corée du Nord (1950-1953), a participé activement à la planification de la guerre dirigée contre le Canada.
« En mars 1935, le général Douglas MacArthur a proposé un amendement faisant de Vancouver une cible prioritaire [de bombardement] comparable à Halifax et Montréal » (Ibid)
D’énormes mouvements de troupes ont été lancés en guise d’ouverture à une invasion du Canada, qui devait inclure des raids de bombardement sur des cibles industrielles et l’utilisation d’armes chimiques – ce dernier point ayant été approuvé par le légendaire général Douglas MacArthur, à gauche (photo de fichier)
La politique contemporaine au Canada est le résultat d’un processus historique complexe. Aujourd’hui, notre souveraineté nationale est menacée par le gouvernement de Justin Trudeau qui s’aligne de plus en plus sur Washington, agissant de facto comme un mandataire des États-Unis.
L’article ci-dessous (publié pour la première fois en juin 2013) examine en détail les projets des États-Unis d’annexer le Canada et de lui faire la guerre.
Les documents historiques de l’annexion (1866), de l’invasion du Canada « Plan de guerre rouge » (1930) et du « Plan de guerre rouge » (1935) (95 pages) sont contenus dans l’annexe
Michel Chossudovsky, Fête du Canada, 1er juillet 2020
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La fête du Canada, le 1er juillet, est l’occasion pour les Canadiens de réfléchir aux questions de souveraineté nationale.
Le contrôle territorial du Canada fait partie du programme géopolitique et militaire de Washington depuis les années 1860, à la suite de la fin de la guerre civile des États-Unis.
En 1867, le Canada est devenu une nation, une fédération, en vertu de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, en grande partie en réponse à la menace d’annexion par les États-Unis telle que formulée dans un projet de loi adopté par le Congrès étasunien en 1866 :
« A Bill for the admission of the States of Nova Scotia, New Brunswick, Canada East, and Canada West, and for the organization of the Territories of Selkirk, Saskatchewan, and Columbia. (Projet de loi d’annexion) » (voir carte ci-dessous)
Avance rapide : Le projet d’annexion du Canada aux États-Unis est toujours d’actualité ?
En avril 2002, lors de la création du US Northern Command (USNORTHCOM), le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a mis en avant le concept d’ »intégration binationale » des structures de commandement militaire, parallèlement à une refonte majeure dans les domaines de l’immigration, de l’application de la loi et du renseignement.
Rumsfeld a également déclaré, sans consulter Ottawa, que les zones de juridiction territoriale de l’USNORTHCOM sur terre et sur mer s’étendraient aux territoires du Nord-Ouest et à l’Arctique canadien.
En outre, l’intégration territoriale dans le cadre de l’Union nord-américaine proposée et du Partenariat pour la sécurité et la prospérité (PSP) (lancé en 2005) permettrait au Canada (ainsi qu’au Mexique) de faire partie de l’appareil de sécurité intérieure des États-Unis. De manière générale, Washington établirait le programme d’ »intégration » et exercerait une influence prépondérante dans l’élaboration de l’architecture juridique, politique, économique, militaire et de sécurité nationale de l’UAN proposée.
Ce qui est en jeu, c’est une annexion de facto, où le Canada cesserait de fonctionner comme une nation souveraine, reléguée au statut de protectorat des États-Unis.
Le gouvernement conservateur à Ottawa n’a pas seulement adopté le PSP, il soutient aussi activement le programme de guerre des États-Unis, son programme de sécurité nationale et sa « guerre mondiale contre le terrorisme ».
Ces dernières années, « sécuriser le périmètre de sécurité nord-américain » a été considéré par Washington comme un moyen de « faire entrer le Canada dans l’Amérique forteresse ».
Contexte historique : Projet de loi étasunien pour l’annexe du Canada (1866)
La plupart des Canadiens ne savent pas qu’un projet de loi visant à annexer le Canada aux États-Unis a été présenté et adopté par le Congrès étasunien en 1866, avant l’achat de l’Alaska à la Russie en 1867. Le texte complet du projet de loi de 1866 figure en annexe à l’article en anglais.
Le texte du projet de loi équivaut à un plan d’invasion. Il devait entrer en vigueur dès sa proclamation par le président étasunien Andrew Johnson (à gauche). Il comprenait les territoires de l’Amérique du Nord britannique, de Terre-Neuve et des Maritimes à la Colombie-Britannique, s’étendant au nord dans le territoire de la baie d’Hudson et dans le Territoire du Nord-Ouest limitrophe de l’ »Amérique russe ». (i.e. Alaska) (Voir carte ci-dessous)
Elle consistait en la confiscation pure et simple de terres publiques. Elle impliquait également le contrôle étasunien sur le système ferroviaire transcanadien, les voies navigables, les canaux ainsi que le contrôle de la voie maritime du Saint-Laurent.
Le gouvernement étasunien avait également envisagé de verser une « compensation » à la Compagnie de la Baie d’Hudson. Il s’agissait essentiellement d’un plan de confiscation des territoires sous la juridiction de la CBH (voir carte), « en décharge de toutes les revendications de territoire ou de juridiction en Amérique du Nord, qu’elles soient fondées sur la charte de la compagnie [de la baie d’Hudson] ou sur un traité, une loi ou un usage ».
Les États-Unis paieront dix millions de dollars à la Compagnie de la Baie d’Hudson en règlement de toutes les revendications de territoire ou de juridiction en Amérique du Nord, qu’elles soient fondées sur la charte de la compagnie ou sur tout traité, loi ou usage. (Article XI)
La division territoriale de l’Amérique du Nord britannique est décrite dans le projet de loi. Les différents « États canadiens » constitutifs se conformeraient aux lois étasuniennes pour la mise en place de leur législature.
Carte de l’Amérique du Nord britannique (1862)
Plan du ministère étasunien de la guerre pour envahir le Canada (1930)
Alors que le projet d’annexion de 1866 a été bloqué lors de l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en 1867, des plans étasuniens d’annexion et/ou d’invasion militaire du Canada ont été envisagés dans les années 1930.
À la fin des années 1920, Washington a formulé un plan détaillé pour envahir le Canada, intitulé « Joint Army and Navy Basic War Plan – Red » (Plan de guerre de base conjoint de l’armée et de la marine – Rouge). Ce plan a été approuvé par le ministère étasunien de la guerre sous la présidence d’Herbert Hoover (à droite) en 1930. Il a été mis à jour en 1934 et 1935 sous la présidence de Franklin D. Roosevelt. Il a été retiré en 1939 à la suite du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Le secrétaire à la Guerre Patrick J. Hurley (à gauche ci-dessous) a largement contribué à la formulation et à l’approbation du Plan rouge par l’administration étasunienne.
Le plan d’invasion du Canada consistait en un document de 94 pages « avec le mot SECRET estampillé sur la couverture. Il avait été formulé sur une période de plus de cinq ans (voir le texte complet en annexe).
En février 1935, le ministère étasunien de la guerre a obtenu du Congrès un crédit de 57 millions de dollars pour construire trois bases aériennes frontalières en vue d’attaques surprises préventives sur les aérodromes canadiens. La base dans la région des Grands Lacs devait être camouflée en aéroport civil et devait « être capable de dominer le cœur industriel du Canada, la péninsule de l’Ontario » (p. 61 des audiences de la commission des affaires militaires de la Chambre des représentants sur les bases de défense aérienne (H.R. 6621 et H.R. 4130), du 11 au 13 février 1935). Ce témoignage devait être secret mais a été publié par erreur. Voir le New York Times, 1er mai 1935, p. 1.
En août 1935, les États-Unis ont organisé les plus grandes manœuvres militaires de l’histoire en temps de paix, avec 36 000 soldats convergeant à la frontière canadienne au sud d’Ottawa, et 15 000 autres en réserve en Pennsylvanie. Le scénario du jeu de guerre était une invasion motorisée du Canada par les États-Unis, les forces de défense repoussant initialement les forces bleues envahissantes, mais finissant par perdre « en infériorité numérique et en infériorité d’armement » lorsque les renforts bleus arrivent. Ceci selon la brochure de l’armée « Souvenir des manœuvres de la première armée » : Le plus grand événement en temps de paix de l’histoire des États-Unis » (p.2). ( Professeur F.W. Rudmin Queen’s University Kingston, Ontario, commentaires sur le « Plan de guerre rouge », voir le texte complet en annexe III)
Une des mises à jour du plan d’invasion de 1930 était l’utilisation d’armes chimiques contre les civils :
« En 1934, le Plan de guerre rouge a été modifié pour autoriser la première utilisation immédiate de gaz toxiques contre les Canadiens et pour utiliser le bombardement stratégique pour détruire Halifax si elle ne pouvait pas être capturée. » (Ibid)
Il convient de noter qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale, le ministère de la Guerre a décidé de maintenir le plan d’invasion dans les livres. Le Plan de guerre rouge a été déclassifié en 1974.
Le Washington Post, qui a négligé l’importance historique du « Joint Army and Navy Basic War Plan – Red« , a néanmoins reconnu la nature agressive de l’effort militaire proposé :
« Un plan audacieux, un plan ambitieux, un plan par étapes pour envahir, saisir et annexer notre voisin du nord. …Tout d’abord, nous envoyons une force conjointe Armée-Marine à l’étranger pour capturer la ville portuaire de Halifax, coupant les Canadiens de leurs alliés britanniques.
Ensuite, nous nous emparons des centrales électriques canadiennes près des chutes du Niagara, afin qu’elles soient bloquées dans l’obscurité.
Ensuite, l’armée étasunienne envahit sur trois fronts : elle marche depuis le Vermont pour prendre Montréal et Québec, elle charge depuis le Dakota du Nord pour s’emparer du centre ferroviaire de Winnipeg, et elle prend d’assaut le Midwest pour s’emparer des mines de nickel stratégiques de l’Ontario.
Pendant ce temps, la marine étasunienne s’empare des Grands Lacs et bloque les ports canadiens de l’Atlantique et du Pacifique. … « (Raiding the Icebox ; Behind Its Warm Front, the United States Made Cold Calculations to Subdue Canada, par Peter Carlson, Washington Post, 30 décembre 2005, c’est nous qui soulignons).
Les documents originaux relatifs à l’invasion du Canada, notamment le « Plan de guerre rouge » et le « Plan de défense n° 1 » du Canada, se trouvent dans les archives du Collège de guerre de l’armée étasunienne à Carlisle, en Pennsylvanie. [lien non actif]
Le texte complet du Plan de guerre rouge figure à l’annexe III (dans l’article original en anglais). Le texte complet du plan d’annexion figure à l’annexe I (article en anglais).
Le plan est détaillé. Il comporte une composante militaire ainsi qu’une composante de renseignement.
Selon l’historien John Major « War, Plan Red » (« Guerre, Plan Rouge ») consistait également en « une série de possibles campagnes étasuniennes préventives pour envahir le Canada dans plusieurs zones et occuper les ports et les chemins de fer clés avant que les troupes britanniques ne puissent fournir des renforts aux Canadiens… ».
La défense nationale du Canada
Le gouvernement fédéral et l’armée canadienne étaient pleinement conscients de ces plans étasuniens « secrets » d’invasion du Canada. Dans les années 1920, le lieutenant James « Buster » Sutherland Brown avait été nommé directeur des opérations militaires et du renseignement à Ottawa pour s’occuper de la question de la sécurité nationale du Canada. Ses tâches consistaient à élaborer des plans de guerre d’urgence en cas d’attaque étasunienne contre le Dominion du Canada. Sous la direction de « Buster » Sutherland Brown (promu ensuite au grade de brigadier), la réponse du Canada aux menaces étasuniennes était formulée dans le cadre du « Defence Scheme No. 1« , un plan de contingence de contre-attaque, en cas d’invasion étasunienne.
Le « Defence Scheme No. 1 » a été abandonné en 1931 par le chef d’état-major général du Canada, A.G.L. McNaughton (après l’adoption du « War Plan Red » en 1930), au motif que « les Étasuniens gagneraient inévitablement une telle guerre » et qu’il était inutile d’agir sur la base d’un plan de contingence.
Ottawa avait cédé. La décision cruciale du gouvernement conservateur du Premier ministre R. B. Bennett, entré en fonction en août 1930, d’abandonner un plan de défense nationale du Canada constituait une reconnaissance de facto de l’hégémonie étasunienne en Amérique du Nord. Alors que l’invasion du Canada dans le cadre du Plan de guerre fondamental de l’armée et de la marine conjointes – Rouge n’a jamais eu lieu, la menace militaire d’un plan d’invasion a servi à obliger le Canada à se rendre en fin de compte aux pressions politiques et économiques des États-Unis.
Souvenons-nous, à l’occasion de la fête du Canada, le 1er juillet 2020, que la plus grande menace pour la souveraineté nationale canadienne émane des plans étasuniens d’ »intégration profonde », qui ont été soutenus par les gouvernements Harper et Trudeau.
Michel Chossudovsky
Révisions mineures en anglais le 1er juillet 2020
Article original en anglais :
July 1st 1867: Canada’s National Sovereignty: America’s Plan to Annex and Invade Canada
Traduit par Maya pour Mondialisation
Source: Lire l'article complet de Mondialisation.ca