Algérie. Juillet 2020: commémoration de l’indépendance, célébration de la recolonisation 

Algérie. Juillet 2020: commémoration de l’indépendance, célébration de la recolonisation 

Les terrasses de Paris et d’Alger seront plus belles avec la paix

Le comble : la recolonisation de l’Algérie par la France et ses alliés aura lieu alors qu’elle a toujours un ministère des Moudjahidines (Anciens combattants), des généraux qui arborent des médailles de mérite révolutionnaire et de hauts responsables algériens qui se réclament des ayant-droits des libérateurs du pays. 

Après le déplacement officiel en juin 2020 à Paris du président de la Tunisie, c’est au tour de Celui-qui occupe le bâtiment présidentiel de l’État algérien d’être reçu par celui qui dirige la France. Il est probable que ce déplacement soit une visite d’État de rang supérieur à une visite officielle. Pour la nation algérienne, cet honneur sera aussi celui de sa recolonisation, cette fois-ci déclenchée par des Algériennes et Algériens. Depuis l’indépendance, l’Algérie et la France ont fait de la purulence de leurs relations une permanence. 

Dans l’impossibilité pour les deux pays de s’appuyer sur les qualités et performances de leurs échanges, la France emballera la recolonisation de son ancien département qui a tout fait pour retomber dans ses rets dans un élément de l’histoire commune. D’après certains indicateurs, ce sera autour de la figure du révolutionnaire Émir Abdelkader (1808, 1883) dans le rappel des génocides par les Enfumâdes des populations autochtones et amazighes (berbères) qui l’ont imposé. 

L’Algérie est une ancienne province de l’empire ottoman passée sous occupation française qui a duré 132 années. Cette longue période a été marquée par des soulèvements. Après 7 années de guerre (1954, 1962) et à la suite de négociations entre les deux belligérants, les Accords d’Évian de mars 1962 ont débouché sur un cessez-le-feu le 19 du même mois qui ont eu par voie référendaire l’onction des volontés populaires française et algérienne les 8 avril 1962 et 1er juillet 1962 respectivement. Le Gouvernement provisoire de l’Algérie a proclamé le 5 Juillet 1962 jour de sa célébration officielle.

L’Algérie : destitution du président et manifestations 

Durant plus d’une année, des manifestations suicidaires œuvre de puissantes organisations américaines relayées à l’intérieur ont été le menu quotidien des Algériens. Les manifestants ont scandé des revendications pernicieuses et faussement creuses comme Yetnahaw Gaâ (Qu’ils s’enlèvent tous) et légitimes comme Dawla Madaniya Machi Aâskaria (État civil et non militaire). 

Le caractère vide, creux ou vague de certaines revendications est une intelligence pour aboutir à l’effondrement de l’État et à l’installation de l’anarchie lesquels feront de l’Algérie le territoire du règne de l’instinct animal plus communément appelé la loi du plus fort. Les manifestants inconscients de la manipulation dont ils sont victimes ont eu en face des gestionnaires tout aussi suicidaires dopés à l’antipatriotisme, la peur et l’incompétence. 

La confrontation entre les manifestants et les dirigeants a été mise en route par des organisations internationales non gouvernementales (OING) il y a plus de 15 ans. Elle a été attisée d’un côté, par les menaces sur et les garanties pour les décideurs algériens s’ils matent les manifestants et de l’autre, par l’augmentation de la défiance extrémiste et radicalisée des manifestants envers les décideurs.  Dans cette confrontation, toutes les parties, chacune avec sa propre rationalité, croient avoir raison et chaque individu cherche à maximiser son bénéfice privé. 

Pour réussir cette confrontation, pourrir les dirigeants est suffisant ; redonner le mirage du choix de la décision sur un destin commun aux populations est nécessaire. Au bout de cet affrontement, le profit (Outcome) de ces jeux souvent simultanés et rarement séquentiels a profité plus aux étrangers qu’aux Algériens et Nord-Africains.  

Si pour la France, les menaces et garanties sont basées sur l’impunité et la protection contre des poursuites judiciaires ; pour les États-Unis d’Amérique, elles le sont sur le gel des avoirs, l’interdiction de séjour et la demande d’extradition et venant des USA, elle devient un ordre. In fine, pour les deux pays, la citoyenneté et la résidence permanente sont parmi les leviers de protection que confère la migration internationale et son droit.   

Sous les pressions des puissances de l’OTAN et membres du Conseil de sécurité de l’ONU, de l’Union européenne ; sous les avertissements de la Fédération de Russie et en sourdine de la Turquie et sous les ordres de l’état-major de l’armée algérienne, le président du Conseil de la nation a été installé en avril 2019 à la place du président destitué. Une première tentative pour une transition dite de consensus qui allait être confiée à l’ancien secrétaire général adjoint de l‘ONU a été déclarée morte sans avoir vécu trois jours [1] et [2]. 

En étant commun à tous les pays sous-développés, cet avortement caractérise l’absence de la culture de discussion, dialogue [3] et débat, l’inexistence de mécanismes de négociations et le manque de leadership donc favorise la prégnance de la violence militaire. 

Sous les ordres des militaires, un dialogue [4] entre un groupe – Panel – dirigé par un ancien député, ancien ministre et ancien président de l’assemblée nationale et d’autres Algériens a tourné au fiasco. Certains membres de ce panel se sont retrouvé soit dans des officines liées à la présidence de la République soit au gouvernement et ses annexes, empreinte du contrôle de l’état-major militaire et des services secrets algériens du champ politique.  

En décembre 2019, pendant que des Algériennes et Algériens battaient le pavé, une élection présidentielle a eu lieu et un occupant a été affecté à El-Mouradia, siège de la présidence algérienne. 

Compliquée par une pandémie qui a permis de voiler la gestion du pays avec des ordonnances et des décrets ; des décisions économiques sans analyse coût/bénéfice ou coût/opportunité ont été prises, la manipulation des masses a continué et les ordres de puissants lobbies et organisations internationaux ont plu sur Alger et l’Algérie. 

Dans ce qui est uniquement visible, des déplacements en Algérie de premier ministre et ministres italien, français, syrien, russe, président de la Turquie et du chef d’une partie de la Libye ont eu lieu. Sans information sur ses motivations et objectifs, le déplacement du chef d’état-major de l’armée algérienne en Russie est une variable à la fois muette et d’influence. 

Récemment et pour doter la présidence de ‘compétences’, de nouvelles nominations ont eu lieu. Elles ont été suivies d’un lifting de forme et non de fond du gouvernement. Déduire les causes et les conséquences de ces changements est à la portée de presque tous et en voici quelques éléments : 1) l’incompétence et l’incapacité de certains ministres à gérer un département d’une petite entreprise amènent obligatoirement l’explosion de la bureaucratie chargée des politiques publiques et donc une pléthore de ministres, de conseillers, secrétaires d’État et directeurs d’agences, 2) l’exploitation de la technique de choc et de surprise : quand l’État est incapable d’annoncer ses décisions aux populations, il nomme de nouveaux ministres et responsables militaires et c’est l’éternel recommencement. 

Les premiers, nouveaux ministres, sont soit connus pour leur penchant vers l’Ouest soit pour exécuter des ordres sans avoir une quelconque idée sur les bureaucrates qu’ils chapeautent (les hauts fonctionnaires sont des cartels capables de bloquer le fonctionnement de la bureaucratie et bloquer l’exécution de lois au profit des lobbies extérieurs) et le niveau exécutant (The Street Level Bureaucracy) devient le punching ball des populations lesquelles deviennent à leur tour des balles de pingpong, les seconds (militaires) sont nommés pour la surveillance et le contrôle des nouveaux chargés de mission et l’usage de la force de persuasion, dissuasion et coercition. 

Malgré le black-out informationnel, les nominations d’un chargé de la coopération internationale et d’un scientifique dans une agence sanitaire algérienne qui était dans la sphère du gouvernement fédéral des USA sont révélatrices de la source des menaces. Si la première montre les dangers qui entourent l’Algérie, la deuxième indique les ordres qui seront exécutés, le besoin de l’État algérien d’une interface humaine qui parle anglais, connait le fonctionnement des USA et capable d’établir les contacts discrets. La nomination de ce scientifique dans une agence qui s’il jouit de la citoyenneté américaine et avec une exégèse juridique contreviendrait à l’Article 63 de la constitution en usage dans le pays. 

Dans une forme qui ressemble à ce qui s’est passé en Tunisie,  la mutation du gouverneur de la banque d’Algérie au ministère des Finances et il est attendu, exception faite si l’ancien occupant de ce département soit parti pour des raisons réellement d’ordre privé, rappelant qu’il a été un fonctionnaire du Fonds monétaire international en mission en République démocratique du Congo, qu’il s’occuperait des négociations des relations et conditionnalités avec les institutions financières internationales et de la préparation du futur endettement de l’Algérie. 

Pour l’identité amazighe et de l’amour de la patrie Algérie, la chape de plomb sur son déni a été prouvée une autre fois à travers l’absence des médias nationaux de la commémoration de l’assassinat de Lwenes Matoub (24 janvier 1956, 25 juin 1996). L’assassinat le 29 juin 1992 de Mohamed Boudiaf né en 1919 a été lui aussi absent de rappel historique. Cet embargo médiatique montre que les actes, actions et objectifs de ces deux révolutionnaires sont parmi les porteurs réels du salut du peuple algérien. 

Il est à rappeler que l’authentiquement amazighe et non rebelle Lwenes Matoub est le créateur d’un chef-d’œuvre artistique [5] hommage à l’authentiquement arabe Mohamed Boudiaf. 

L’assassinat de Mohamed Boudiaf [6] qui a voulu s’attaquer à la corruption, blanchiment et fuite de capitaux prouve que ses commanditaires et exécuteurs ont été plus puissants que les organisations internationales qui sont les mêmes qui imposent en cette période leurs volontés à l’Algérie. Cet embargo en 2020 semble expliquer que les bénéficiaires et néo-bénéficiaires de ces crimes en Algérie, en faisant plus de concessions, recherchent les mêmes garanties de protection contre les potentielles poursuites que ce soit en justice extra- territoriale (juridiction de pays étrangers) ou international (Cour pénale internationale, tribunaux pénaux internationaux ad-hoc). Ceux qui ont de la paille dans le ventre et par la cause de ce qu’ils ont commis ne se soucient guère de ce que peut subir l’État devant les tribunaux étrangers ou, par exemple, le CIRDI de la Banque mondiale. Sans nous engager pour le reste de l’Algérie, Mohamed Boudiaf jouit d’une aura hors norme dans la vallée de la Soummam. Elle est faite de son caractère trempé, de la modestie et humilité de l’homme qu’il était, de ses sacrifices et dons pour la libération du pays, de son honnêteté et intégrité morales dans l’exercice de ses fonctions et de sa dévotion religieuse non souillée d’apparats. 

L’angoisse sociale politiquement explosive et financièrement coûteuse qui sévit en Algérie est simple à expliquer : l’impératif pour les décideurs d’orienter les Algériens vers la violence, la répression, les procès, la détention et une stricte censure de l’information par la sélection des figures à faire parler dans les médias, de ce qu’ils peuvent rapporter et des sujets interdits de couverture.  

D’autres faits et évènements ‘coutumiers’ comme le prix du pétrole en excluant ceux des terres rares, l’augmentation des primes des contrats internationaux des assurances qui seront exigées par les étrangers, la future dévaluation du dinar, la spirale érosion du pouvoir d’achat et augmentation des salaires avec l’importante précision qu’il s’agit des revenus nominaux, risque d’inflation et la bombe identitaire sont à mentionner. 

Dans le voisinage international de l’Algérie

Allumés par la France et sur lesquels soufflent les USA, la Russie, la Chine te et le Royaume, les incendies se multiplient autour de l’Algérie. La quadrature du cercle qu’est le maintien de la paix par les Algériennes et les Algériens et si résolue contribuerait à atténuer leurs désastres. 

Dans le désert algérien, au nord du Mali, à Tin Zaouatine, une région amazighophone avec sa variante linguistique et extrêmement riche en ressources (or, diamant), ce sont des violences qui ont éclaté avec mort d’hommes. En érigeant une nouvelle frontière avec des fils barbelés [7], la réaction algérienne est d’une totale cécité qui révèle l’inexistence de centres de réflexion avec des esprits patriotes et libres qui consultés donneront des avis différents et divergents sources d’un choix éclairé pris en connaissance de cause. 

La guerre en Libye, plus exactement conflit hybride interne internationalisé, est une vieille menace qui pèse et pèsera lourdement sur l’Algérie et son armée. 

La Tunisie bénéficie de la direction d’un président qui jouit d’une légitimité diamantifère, cependant son élection prouve que la démocratie est un système mathématiquement inconsistant, – mention qui vaut aussi pour la France et tous les pays de l’Union européenne – parce que le pouvoir de décision sur les politiques militaires, économiques, financières et monétaires lui échappe et appartient aux institutions et coalitions internationales. 

Rappel : l’Algérie a offert à la Tunisie 150 millions de dollars américains. Au regard de cette générosité méritée, le président des USA a demandé au Congrès de son pays de valider un prêt de l’ordre de 500 millions de dollars pour le paiement de l’armement que la Tunisie veut et doit acheter auprès de l’industrie américaine. 

La Tunisie est sous les pressions suivantes : soulèvement populaire, politiques monétaires et budgétaires restrictives, récession économique, pandémie, embrasement de ses frontières, menaces terroristes, absence de coopération avec l’Algérie et la solidarité entre les nations algérienne et tunisienne ne peut être qu’un faible amortisseur pour les drames à venir.  

Le territoire algérien est sous la menace de l’Espagne. À cause de ses faibles capacités de négociation, l’Algérie est le perdant d‘office. Malgré la certitude d’une récession économique et le risque de l’exacerbation à nouveau de sa crise identitaire, avec l’appui de l’OTAN et l’Union européenne, l’Espagne sera la gagnante. C’est l’Algérie qui cédera sur les exigences de définition des différents espaces maritimes et les échanges économiques entre les deux pays.  

L’information en Algérie 

S’il est quasiment impossible d’utiliser Algérie Presse Service (A.P.S), l’agence officielle de l’État, comme source d’information fiable que dire des journaux du pays. 

Sur la future constitution 

Dans l’opacité qui caractérise sa préparation, l’APS a rapporté qu’au 24 juin 2020, 1800 dossiers de propositions de correctifs au Comité d’experts chargé de sa nouvelle mouture [8]. 

‘[Confier] la rédaction de la constitution à uniquement des juristes produira un désastre.’ [9] 

Avec une moyenne de 10 propositions par article, alors 180 (articles) sont douteux donc ce projet est à arrêter. Si pour chaque proposition, une moyenne de 4 heures de travail est exigée, alors 450 heures de lecture et réécriture sont nécessaires pour tout le texte soit 56,25 jours avec 8 heures de travail par jour à temps plein pour une personne sont indispensables. À un coût de 100.000 dinars algériens l’heure de travail, ces mises-à-jour couteront 45.000.000 dinars. Si le droit de la nation algérienne à donner son avis était respecté, ce nombre de modifications serait, et dans une proportion inimaginable, supérieur à 1800. En ajoutant le travail de conformation de tous les autres codes juridiques à la nouvelle loi fondamentale, le provisoire durera, les trous avec contradictions juridiques s’éterniseront et l’équité de la justice entre les citoyens sera renvoyée aux calendes grecques. 

La recolonisation de l’Algérie 

Norbert Elias : 

« Les monopoles de domination, au centre desquels nous trouvons le monopole fiscal et celui de la contrainte physique, sont ainsi parvenus à leur plus haut degré de perfection sur un niveau déterminé, celui du monopole personnel attaché à une seule personne. Il est protégé par une organisation de surveillance assez efficace. Une royauté propriétaire de domaines et distributrice de terres et de rentes en nature s’est transformée en une royauté fondée sur l’argent et dispensatrice de fonds : c’est grâce à cette transformation que la centralisation a pu parvenir à un degré de puissance et de solidité inconnu jusque-là. Les puissances sociales centrifuges ont été définitivement brisées. Tous les concurrents potentiels du propriétaire du monopole vivent dans une dépendance institutionnalisée. Une partie des nobles lutte, non plus en concurrents libres mais sous le régime d’une concurrence réglementée par le monopole, pour les chances que le propriétaire du monopole tient à leur disposition. » [11]

Combinés à d’autres sujets algéro-français cancéreux et cancérigènes, les éléments et faits rappelés dans la première partie suffisent pour ébaucher ce qui se produirait dans un avenir proche en Algérie. 

Après la proclamation de l’indépendance, l’Algérie et la France ont vécu de graves événements : coups d’état des généraux en avril 1961, tentatives d’assassinat du président de la France et crimes de la Main rouge [12]; en Algérie c’est la rébellion de 1963, coup d’état de 1965, assassinats et détention d’opposants. Les événements de Mai 1968 en France ont poussé son président à la démission ; les événements algériens ont enfoncé le pays dans la misère politique. L’enseignement à tirer et qui est valable pour les deux pays : il est plus facile de gagner une guerre contre un ennemi étranger que contre son peuple. La raison : combattre un colonisateur est un et un seul objectif partagé par ceux qui veulent s’émanciper ; affronter son peuple est complexe parce que les objectifs des uns et des autres sont multiples, confus, divergents et diffus. 

Spéculation sur la date de la visite en France de l’Algérie officielle 

À cause de la pandémie, une visite à protocole restreint à tout moment est possible, dans ce cas l’ambition de la France de rehausser sa nouvelle considération pour l’Algérie et celle de l’Algérie pour fabriquer une dimension internationale à son dirigeant sera déçue. Le 5 juillet 2020 est à exclure parce que c’est la date officielle de la libération des Algériens ; le 14 Juillet est celle de la France et c’est une opportunité pour une visite sous forme d’invitation à sa célébration. Cette dernière risque d’être problématique si la fête de l’Algérie se passe en catimini, la présence officielle de l’Algérie à celle de la France serait un motif supplémentaire de surexcitation des manifestants par leurs mentors. Le Congrès de la Soummam est un autre grand moment de l’histoire algérienne donc le 20 août serait à éliminer. À cause des urgences françaises et de la complication de la complexe situation algérienne, une visite entre le 10 juillet et le 10 aout 2020 serait envisageable. 

Des faits ou événements difficilement quantifiables comme la démission de l’un ou des deux dirigeants pourraient faire annuler cette visite. Une autre hypothèse moins hypothétique : sur la base du dernier rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France, des manifestations populaires algériennes qui pourraient être appuyées par des personnalités respectées avec un et un seul appel que sera l’annulation de ce déplacement pourraient être organisées et avoir comme conséquence son report. 

Le processus de recolonisation. L’Algérie et la France : une relation bilatérale sadique et masochiste 

Hocine Ait Ahmed [13]

‘L’histoire ne se répète pas. Les répétitions supposent une uniformité de nature, la stabilité et l’immuabilité des structures. L’histoire peut se répéter à certains niveaux mais pas à tous les niveaux, ni surtout aux niveaux que l’on désire.’

Tant la nature algérienne que française, tant les structures nationales dans les deux pays qu’internationales ont changé. Si la France est riche de puissants alliés, l’Algérie en a perdu les siens, Ce sont ces puissances qui en s’opposant à cette recolonisation accepteront sa mise à feu et celle de toute l’Afrique du Nord ainsi les équilibres dynamiques entre elles seraient maintenus et, puisque la guerre est un moyen efficace pour l’allocation de ressources, les gains de certains seront moindres que ceux escomptés alors que les pertes d’autres exploseront. Le solde sera au détriment de la paix et sécurité dans le monde et du développement de l’Algérie et de ses voisins. 

Revue de quelques variables fondamentales dans les deux pays 

Le président actuel de la France a été le destinataire d’une lettre  [14] de notre part et ses visites en Algérie ont fait l’objet de publications par le Centre de recherche sur le Mondialisation [15]. 

La France et l’Algérie vivent un problème identitaire. Il est plus complexe en France qu’en Algérie. Si la France arrive à le contenir ; en Algérie il est explosif et la France en est pour partie responsable. 

Le Canada a amendé son hymne national. Après sa victoire en coupe du monde et afin d’intégrer l’apport de la France des couleurs comme l’appelle l’artiste Idir (1949, 2020), l’idée d’en faire autant avec le sien a germé en France. 

En Algérie, pays dénommé ainsi par un militaire français ; à cause de la peur des représailles de l’État, d’absence d’esprit libre, d’un manque de courage patriotique et d’audace intellectuelle, discuter d’un hymne national bilingue relève du miracle. Louisa Aouzelag (1985, 2017), Dihya Lwiz de son nom d’écrivain et de poète, a voulu lancer cette révolution des esprits en créant un ; la maladie et la camarde en ont décidé autrement. 

Hocine Ait Ahmed :

‘Il convient également de faire du drapeau de l’Émir le drapeau de la République. C’est le symbole de la permanence de l’Algérie, d’autant qu’il est inspiré dans ses couleurs par les traditions nationales des étendards d’avant 1830. […] Le drapeau actuel restera l’emblème de la révolution. Le problème de l’hymne national, qui fait partie de ces détails importants peut être réglé rapidement par voie de concours. ’ (Notre soulignement). [16] 

En Afrique, poussée vers le nord par les États-Unis d’Amérique et pour protéger ses approvisionnements, la France n’a jamais quitté l’Afrique du Sahel. Le nord du Mali est le foyer pour une guerre aussi sanglante que celle de la République démocratique du Congo. Avec les manipulations françaises, la présence de milices privées et autres groupes criminels, la négation de l’identité amazighe des populations par l’Algérie et les États de la région poussent les populations de cette région à une sécession ; si réussie, la France et ses alliés les aideront dans la création d’une autonomie avant l’érection d’un État. Ce processus sera identique à ce qui se passe actuellement en Libye. C’est le pourrissement par la corruption de l’État français par l’État libyen qui a poussé la France à déclencher ce désastre. Incapable de le solutionner, elle se plaint auprès des USA des agissements de la Turquie et de la Russie mais soutient l’Égypte et ses prétentions : la somme de toutes ces actions dit que c’est l’extermination des populations libyennes et le partage de ce territoire en trois zones qui sont visées : la Cyrénaïque à l’est, la Tripolitaine à l’ouest et la bande d’Aouzou dans le sud. Avec son occupation du Tchad, cette bande riche en ressources sera au profit exclusif de la France.  

La France : paradis pour l’hémorragie financière et l’impunité judiciaire

Des fortunes, des capitaux ayant fui l’Afrique et l’Algérie en particulier dans ce papier sont blanchis et recyclés dans le paradis français (Monaco et Andorre sont prisés) qui est aussi une excellente passerelle vers les autres paradis offshore internationaux. En France, des assassinats d’Algériens y ont été exécutés et la parodie judiciaire française en a fait un autre paradis, celui de l’impunité. 

Sans remuer le passé de la France-Afrique, la corruption et le trafic d’influence en Algérie ont été appuyés selon un ancien premier ministre algérien réfugié à Londres par un président de la République française.

La recolonisation par l’histoire 

À l’honneur de la nation française, des rues et allées ont été baptisées Lounès Matoub (1956, 1996). Maurice Audin (1932, 1957) a les honneurs dans la capitale Alger ; en suspens est la dette de la nation algérienne envers le professeur Pierre Chaulet (1930, 2012) serviteur de l’indépendance nationale et homme de confiance de Ramdane Abane (1920, mort étranglé par des Algériens en 1957 au Maroc). 

La France est toujours victime de ce qui nait aux USA. Elle est contaminée par la nécessité de détruire certaines statues comme celle de Robespierre (1758, guillotiné en 1794), une figure de sa révolution. Dans son livre The Battlefields, Algeria 1988–2002: Studies in a Broken Polity, Hugh Roberts a commis l’extravagante et insoutenable comparaison de Ramdane Abane à Robespierre. 

L’histoire de la colonisation française de l’Algérie a été de tout temps à la fois un abcès avec ces massacres de masse, tortures et autres crimes, et un enjeu de chantage présenté sous la Question mémorielle. 

Afin de maintenir ses avantages en Algérie, la France érigera une statue pour l’Émir Abdelkader (1808, 1883) [17], un révolutionnaire qui a pris le contrôle de l’ouest algérien. Le traité de la Tafna (1837) signé avec le général Bugeaud est dit celui de sa capitulation. Exilé en France et en Syrie par la suite, il a aidé les chrétiens qui y vivaient pour obtenir plus de protection. Le soulèvement dirigé par l’Émir Abdelkader serait un élément qui a servi à la délimitation du territoire algérien par les révolutionnaires et combattants algériens. Sans la continuité de la pensée patriotique et le génie des concepteurs de la révolution, l’Oranie serait de nos jours probablement une enclave espagnole comme le sont Ceuta et Mellila au Maroc.  

Aux USA, dans l’IOWA, plus qu’une statue, c’est El Kader [18], une ville qui porte l’hommage à l’émir algérien. 

Revenons au processus de recolonisation par l’histoire et son ornement. La France pourrait proposer même et l’Algérie accepterait mieux si en plus de la statue de l’Émir, une autre serait érigée à Paris pour Larbi Ben M’Hidi (1923, 1957) à qui un militaire français a rendu les honneurs par la présentation d’armes avant qu’il ne soit exécuté 

En plus récent, la même reconnaissance pour Ali Mecili (1940, 1987) [19] assassiné à Paris. A. Mecili est un autre révolutionnaire qui a participé à la création des services secrets algériens durant la guerre de libération nationale à Tripoli (Libye). Avocat exilé en France, il est une figure de premier plan pour la démocratie et les droits de l’homme en Algérie. 

Avec ces trois figures et en rendant à l’Algérie les corps de ses martyrs qui y sont toujours séquestrés, ses archives ou au moins une copie, la France et l’Algérie pourraient escamoter sa dette d’au moins trois milliards d’euros envers l’Algérie qui subira le fait accompli d’une recolonisation par la décoration de l’histoire. 

Le conflit qui s’annonce en Algérie 

Avec la mondialisation naturelle (migrations) et la globalisation artificielle (économie, échange et conflits), en ce 21ème siècle, une guerre entre deux armées régulières est une idiotie encouragée entre les pays sous-développée. Les profits d’une guerre déclenchée par les puissants et visés en ex-post sont définis dans les coûts à supporter en ex-ante. Pour maximiser ces profits, des coalitions se mettent en place. 

La mondialisation et la globalisation offrent une panoplie de moyens qui n’existaient pas ou qui étaient à un stade de développement élémentaire durant la guerre d’Algérie. Nous distinguerons dans la suite une colonisation par la soft power et la hard power. 

La recolonisation de l’Algérie avec des instruments de la soft power. Quelques éléments. 

Les (quelques) variables qui seront décrites seront plus claires si intégrées dans ce graphique de juin 2020 du Fonds monétaire international. 

Source : IMF. World Economic Outlook Update. June 2020. https://www.imf.org/~/media/Images/IMF/Publications/WEO/2020/June/English/WEOarrowsJune2020.ashx?la=en

  1. Éducation et monnaie 
  1. La mathématique : depuis 2013-2014, les gouvernements algériens crient que l’enseignement amélioré de cette mère des sciences est devenue une urgence nationale. La France et la célébrité de son école dans ce domaine en fait de son monopole un objectif cardinal qui permettra par conséquence à sa langue de reprendre sa place dans le système éducatif algérien. Les cours des universités américaines dans cette matière dispensés par des professeurs de haut rang sont disponibles et gratuitement sur le réseau internet. Si pour certains l’usage de tamazighth dans cette science est une impossibilité, Mohamed Haroun, un révolutionnaire de l’amazighité, en a fait une réalité. 
  2. Le taux de change et la valeur relative de la monnaie : c’est l’arme de destruction massive appréciée des puissances militaires et économiques. Pour en tirer le plus grand profit, les organisations internationales l’ont exclue de la souveraineté populaire. Le franc CFA et son imposition par la France en est l’abuseur et comme résultat un fiducide. Le dinar algérien est sur la voie pour le rejoindre comme monnaie de singe. 
  1. Nature et environnement
  1. L’internalisation sans réparations financières des externalités des industries polluantes nocives à la santé des humains, des animaux et des plantes est imposée aux pays africains. 
  2. ‘J’ai parlé de cheptel. C’est un fait que dans certaines régions, les fellahs ne peuvent tirer leur subsistance de l’élevage. La guerre a supprimé cette ressource. Comment donc le renouveler ?’ et ‘Les barrages cachent le génocide et préparent le partage de l’Algérie et du Maghreb.’ Ces deux citations de Hocine Ait Ahmed de 1964, presque 30 ans avant l’autorité du Rapport Stern de Nicholas Stern et Michael Jacobs et plus de 20 avant la publication de Notre avenir à tous (Our Common Future en anglais) plus connu sous le nom du Rapport Burndtland élaboré par la Commission des Nations-Unies de l’ONU suffisent pour décrire la recolonisation par la destruction de l’environnement et la nature de l’Algérie.
  1. Produits stupéfiants et prostitution 
  1. Les grains engendrés par ces instruments de guerre adoucis par l’appellation de fléaux sont rapides et volumineux. Ce type de guerre explose les relations sociales et l’appartenance communautaire des populations lesquelles rendre encore plus aisée sa domination. 

La recolonisation de l’Algérie avec des instruments de la Hard Power

Pour freiner l’érection d’un empire ou le développement d’une puissance nationale, son morcellement est obtenu par un conflit armé. Comme pour l’URSS, la Yougoslavie, le Soudan, la Libye, l’Irak et le reste du Moyen-Orient, l’Afrique et l’Algérie sont les candidates.  

Les pays riches comme l’Algérie qui cultivent une certaine neutralité sont forcés à participer dans des coalitions internationales qui interviendront en première ligne dans les conflits au sol. Le résultat est l’affaiblissement de ses moyens de défense, la chute de sa force financière et la création sur le très long terme d’ennemis qui étaient à l’origine leurs amis. 

Les pays à particularismes identitaires, souffrant de problèmes démographiques vivant dans un espace économique peu performant et à structures centrales illégitimes éloignées géographiquement des populations subissent la création de vulnérabilités conflictuelles qui finissent avec des rebellions pacifiées par un partage de la surface globale et des ressources économiques. Ces critères sont à un stade assez avancé en Algérie. 

Les terrasses de Montparnasse à Paris et de place Audin à Alger seront plus belles avec la paix.

Chérif Aissat

Sources d’informations et références bibliographiques recommandées

[1] AISSAT, Chérif. À Lakhdar Brahimi sur le risque de guerre en Algérie. https://www.youtube.com/watch?v=nSk8acom8w4 

[2] AISSAT, Chérif. Au chef d’état-major de l’armée algérienne. Avril 2019. https://www.youtube.com/watch?v=iejJx5KHbPA

[3] AISSAT, Chérif. À Mr Abdelmadjid Tebboune. Il Faut sauver la patrie. https://drive.google.com/file/d/1u2ghoqkO-O9IaWTBzHIPdTS6t-NfL2ZR/view?usp=sharing

[4] AISSAT, Chérif. À Mrs Karim Younes et Mouloud Hamrouche. https://www.youtube.com/watch?v=qNyDN8ZRFlY 

[5] MATOUB, Lounès. Hymne à Boudiaf (avec traduction vers le français).  https://www.youtube.com/watch?v=shLQb-pKKno

[6] Bibliothèque nationale de France. Mohamed Boudiaf (1919, 1992). https://data.bnf.fr/fr/11893197/mohamed_boudiaf/ 

[7] Algérie Presse Service. La vie à Tin Zaouatine (en arabe). https://www.youtube.com/watch?v=m7IAXXIiNnA 

[8] Algérie Presse Service.  Révision constitutionnelle :1800 dossiers de propositions remis au Comité d’experts.     http://www.aps.dz/algerie/106570-revision-constitutionnelle-le-comite-d-experts-destinataire-de-1-800-dossiers-de-propositions

[9] AISSAT, Chérif. Message à Abdelmadjid Tebboune.  https://www.youtube.com/watch?v=v89U7XrCZe8&feature=youtu.be&fbclid=IwAR3LuABSG_SM9iOp9ir0LSc2yiDafBOKqbF2Tsu-bMf0Hlqm5IdN4r4w454 

[10] Centre de Recherche sur la Mondialisation. Ahmed Bensaada. Lahouari Addi, la NED et les autres. https://www.mondialisation.ca/lahouari-addi-la-ned-et-les-autres/5646933

[11] NORBERT, Elias. La sociogenèse de l’État. Agora. pp. 146-147.

[12] TOURANCHEAU, Patricia. La main rouge contre le FLN. https://www.liberation.fr/cahier-special/2001/07/18/la-main-rouge-contre-le-fln_371919. 

[13] AIT AHMED, Hocine. Laguerre et l’après-guerre. Les Éditions de Minuit. 1964. p. 74. 

[14] AISSAT, Chérif.À Emmanuel Macron, président de la France.  https://www.youtube.com/watch?v=4j5ZGPVcv5s

[15] AISSAT, Chérif. Lettre au candidat à la présidentielle francaise : Mr Emmanuel Macron, ces quelques mots. https://www.mondialisation.ca/lettre-au-candidat-a-la-presidentielle-francaise-mr-emmanuel-macron-ces-quelques-mots/5556931?fbclid=IwAR3VvorhVmdbIux2h0oHHoKFG7lVq-VMU8capkDuteKYxQBAJOCiJU9Bml4

AISSAT, Chérif. Paris-Alger-Boudjellil et le président de la France. https://www.mondialisation.ca/paris-alger-boudjellill-et-le-president-de-la-france/5620400

[16] Op. cit. p. 51.  

[17] CORNAC, Sylvain Henry.  Université du Québec à Montréal. Thèse de doctorat d’État en histoire. L’ÉMIR ABD AL-QÂDIR ET LES OTTOMANS : L’ITINÉRAIRE DU DERNIER GRAND AYAN DE DAMAS (1832-1865). https://archipel.uqam.ca/11632/1/D3434.pdf. (Ouvrage recommandé). 

[18] Conde NAST Traverler. The Odd Story of How Elkader Iowa Got its Name. JENNINGS, Ken. https://www.cntraveler.com/stories/2014-09-15/the-odd-story-of-how-elkader-iowa-got-its-name 

[19] AIT AHMED, Hocine. L’affaire Mecili. Éditions la Découverte. Paris. 2007.

Chérif Aissat : Diplômé en Informatique, Coopération internationale et Économie. Université de Montréal.


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