Dick Elbers : Kust van Gibraltar (CC BY-SA 3.0)
ALLAN ERWAN BERGER — La mer d’Alborán est une dépression actuellement inondée séparant les cordilières bétiques espagnoles des chaînes du Rif marocain. Elle est composée de deux bassins, séparés par un seuil très élevé puisqu’on y trouve même un ilôt, celui qui a donné le nom à la mer. Tout comme le seuil de Gibraltar, le seuil d’Alborán possède lui aussi un col, à l’est duquel commence la première grande fosse strictement méditerranéenne.
C’est une des zones les plus empruntées de la planète, la seconde en terme de trafic maritime. En surface, l’Atlantique s’y déverse dans la Méditerranée, tandis qu’en profondeur un courant froid file vers l’ouest. Il y a donc des zones de turbulence, qui y rendent la navigation sous-marine particulièrement ardue, d’autant plus que le relief est loin d’y être uniforme. C’est donc un espace où les poissons abondent, raison pour laquelle de nombreux chalutiers et petits bateaux à dragues y opèrent, tant espagnols que marocains. Les coquillages qui suivent ont été récupérés par chalut dans la vasière située à l’est de l’ilôt d’Alborán, un gros caillou tout plat dont la principale particularité est de posséder le seul gisement connu d’alboranite.
Cardiomya costellata (Deshayes, 1835)
Animal typique des vasières profondes. On le rencontre sur le plateau continental jusqu’à mi-pente des fosses océaniques. C’est une espèce amphi-atlantique, assez rare cependant, dont la distribution va de la Norvège au Gabon, de la Floride à la Méditerranée. Ces deux exemplaires ont été récoltés par 400m de fond, à 12 miles de l’ilôt d’Alborán. Ils font 4,5 et 5mm.
L’espèce voisine Cuspidaria rostrata (Spengler, 1793) vit de la Norvège aux Canaries, des Açores à la Méditerranée. Cet exemplaire a été pêché par 150m de fond, au large d’Almeria, municipalité dont dépend administrativement l’ilôt d’d’Alborán.
Delectopecten vitreus (Gmelin, 1791)
Synonymes: papyracea, gelatinosum, abyssorum. Animal capable de vivre aussi bien dans l’infralittoral circumpolaire que dans les fosses abyssales. La longue durée de son stade larvaire nageur lui offre l’occasion de coloniser la plupart des océans. En Atlantique, on le trouve depuis l’Arctique jusqu’à la Namibie. Animal d’eau froide, le seuil du chenal de Sicile le bloque dans la fosse de Méditerranée occidentale, limite extrême de son avancée vers l’est. Cet exemplaire a été récolté par 200m de fond, en vasière, par un chalutier basé à Málaga. 13mm.
À gauche : en vasière, 800m de profondeur, sud sardaigne, 11mm. À droite : 400m, Tromsøfjord, Troms, Norvège, 16mm.
Limopsis aurita (Brocchi, 1814)
La barbiche qui borde les lèvres de ce bivalve fait partie de ce que l’on nomme le periostracum qui, comme son nom grec l’indique, recouvre la coquille. C’est une mince couche protéïnique qui sert ordinairement d’anti-fouling. Chez la plupart des espèces, elle fait comme un vernis jaunâtre. Ici, elle s’étend aussi en longs poils. L’animal vit sur les franges du plateau continental, depuis Terre-Neuve jusqu’au bassin caraïbe, depuis l’Islande jusqu’au Sénégal. Le fait qu’il supporte les eaux de moyenne profondeur lui ouvre l’accès à la Méditerranée, à la mer de Marmara, et à la Mer Noire qui lui fait suite.
Ce spécimen a été récolté par 200m de fond sur les pentes menant à l’ilôt d’Alborán.
Tenagodus obtusus (Schumacher, 1817)
Voici un escargot, appartenant à une famille où la spire est souvent étirée comme dans un ressort spiralé. Vous remarquez, sur l’épaulement, une petite fente qui court tout au long de la coquille, et que l’animal ne referme jamais en grandissant. Des siphons sortent par cette encoche. Cette fissure fait que les Anglo-Saxons appellent ce genre d’escargot vermiforme fendu des Slit Worm-shells. Cet exemplaire a été récolté à faible profondeur, zone d’Almeria, 50m, sur graviers. L’espèce est méditerranéenne, mais on lui connaît des sœurs très proches en Atlantique.
Autres Slit-shells méditerranéens appartenant à diverses familles. À gauche : Anatoma crispata (Fleming, 1828), trouvé par 100m de fond en pied de falaise vers Capri, en Italie. Taille 1mm.
À droite : Scissurella costata d’Orbigny, 1828. Rejet de plage, Llança, Girona, Catalogne, Espagne. Taille 1,8mm.
La semaine prochaine, nous irons faire un tour dans le sud de la Mer Tyrrhénienne, au large de Rome et de Naples.
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec