Campagne de dons – Juin 2020
Chers amis lecteurs, Au début de cette année, nous écrivions que 2020 serait une année de bouleversements à l’échelle mondiale. Elle a pleinement tenu ses promesses, et ce n’est apparemment que le début de quelque chose de plus grandiose encore, et dont la principale caractéristique est une tentative de prise de contrôle total de l’information. C’est même l’essence de toutes les guerres livrées contre les peuples depuis quelques décennies. Plus que jamais, il est nécessaire que des sites comme le nôtre se multiplient pour contrer toutes les tentatives de monopoliser l’information à des fins de manipulation. Grâce à votre fidélité, vos encouragements et votre aide, nous avons réussi à surmonter toutes les pressions et contourner les divers obstacles destinés à nous faire disparaitre ou à nous intimider. Nous comptons à nouveau sur vous pour nous aider dans notre combat, et nous permettre de continuer à vous fournir un travail de qualité et une vision juste et équilibrée du monde. Merci pour votre soutien. Avic
5 654,00 € donated
par Pepe Escobar.
Que se passe-t-il en Iran ? Comment la République Islamique a-t-elle vraiment réagi au Covid-19 ? Comment fait-elle face à l’implacable « pression maximale » de Washington ?
Ces questions ont fait l’objet d’un long appel téléphonique que j’ai passé au Professeur Mohammad Marandi de l’Université de Téhéran – l’un des meilleurs analystes d’Iran, mondialement reconnu.
Comme l’explique Marandi, « Après la révolution, il n’était question que de justice sociale en Iran. Il a été mis en place un réseau de soins de santé très élaboré, similaire à celui de Cuba, mais avec plus de fonds. Un grand réseau d’hôpitaux. Lorsque le coronavirus a frappé, les États-Unis ont même empêché l’Iran d’obtenir des kits de test. Pourtant, le système – et non le secteur privé – s’en est sorti. Il n’y a pas eu d’arrêt complet. Tout était sous contrôle. Les chiffres – même contestés par l’Occident – tiennent la route. L’Iran produit maintenant tout ce dont il a besoin, des tests, des masques. Aucun des hôpitaux n’est plein ».
Développant les observations de Marandi, la journaliste Alireza Hashemi, basée à Téhéran, note que « le vaste système de soins de santé primaires de l’Iran, comprenant des cliniques publiques, des maisons de santé et des centres de santé, est disponible dans des milliers de villes et de villages », et que cela a permis au gouvernement « d’offrir facilement des services de base ».
Comme l’explique Hashemi, « le Ministère de la Santé a créé un centre d’appel dédié au Covid-19 et a également distribué des équipements de protection fournis par les fournisseurs de secours. Le Guide Suprême, l’Ayatollah Khamenei, a ordonné aux forces armées de prêter main forte – le gouvernement a déployé 300 000 soldats et volontaires pour désinfecter les rues et les lieux publics, distribuer des désinfectants et des masques et effectuer des tests ».
C’est l’Armée Iranienne qui a mis en place des lignes de production pour la fabrication de masques et d’autres équipements. Selon Hashemi, « certaines ONG se sont associées à la chambre de commerce de Téhéran pour lancer une campagne appelée Nafas (« souffle ») afin de fournir des biens médicaux et des services cliniques. La Farabourse d’Iran, un marché de gré à gré de Téhéran, a mis en place une campagne de financement pour acheter des appareils et des produits médicaux afin d’aider les travailleurs de la santé. Des centaines de groupes de bénévoles – appelés « djihadistes » – ont commencé à produire des équipements de protection individuelle qui étaient en pénurie dans les séminaires, les mosquées et les hosseiniyehs, et même des jus de fruits naturels pour les travailleurs de la santé ».
Ce sens de la solidarité sociale est extrêmement puissant dans la culture chiite. Hashemi note que « le gouvernement a assoupli les restrictions liées à la santé il y a plus d’un mois et nous avons connu une petite période de normalité ces dernières semaines ». Pourtant, le combat n’est pas terminé. Comme en Occident, on craint une deuxième vague du Covid-19.
Marandi souligne que l’économie, comme on pouvait s’y attendre, a été touchée : « Mais à cause des sanctions, la plupart des dommages s’étaient déjà produits. L’économie fonctionne maintenant sans les revenus du pétrole. À Téhéran, on ne le remarque même pas. Ce n’est rien comparé à l’Arabie Saoudite, l’Irak, la Turquie ou les Émirats Arabes Unis. Les travailleurs du Pakistan et de l’Inde quittent le Golfe Persique en masse. Dubaï est mort. Donc, en comparaison, l’Iran a mieux géré le virus. De plus, les récoltes de l’année dernière et de cette année ont été positives. Nous sommes plus autonomes ».
Hashemi ajoute un facteur très important : « La crise du Covid-19 a été si importante que les gens ont fait des efforts, révélant ainsi un nouveau niveau de solidarité. Des individus, des groupes de la société civile et d’autres ont mis en place toute une série d’initiatives visant à aider le gouvernement et les travailleurs de la santé en première ligne pour contrer la pandémie ».
Ce qu’une campagne de désinformation occidentale implacable ignore toujours, c’est comment l’Iran après la révolution est habitué à des situations extrêmement critiques, à commencer par la guerre Iran-Irak qui a duré huit ans dans les années 1980. Marandi et Hashemi sont catégoriques : pour les Iraniens plus âgés, la crise économique actuelle est dérisoire par rapport à ce qu’ils ont dû endurer tout au long des années 1980.
Made in Iran s’envole
L’analyse de Marandi fait le lien avec les données économiques. Début juin, Mohammad Bagher Nobakht – responsable de la planification des budgets de l’État iranien – a déclaré au Majlis (Parlement) que la nouvelle norme était de « mettre le pétrole de côté dans l’économie et de mener les programmes du pays sans le pétrole ».
Nobakht s’en est tenu aux chiffres. L’Iran n’a gagné que 8,9 milliards de dollars grâce à la vente de pétrole et de produits connexes en 2019-20, soit une baisse par rapport au pic de 119 milliards de dollars atteint il y a moins de dix ans.
Toute l’économie iranienne est en transition. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est le boom de l’industrie manufacturière – les entreprises se concentrant bien au-delà du grand marché intérieur de l’Iran vers l’exportation. Elles tournent la dévaluation massive du rial à leur avantage.
En 2019-20, les exportations non pétrolières de l’Iran ont atteint 41,3 milliards de dollars. Cela a dépassé les exportations pétrolières pour la première fois dans l’histoire post-révolutionnaire de l’Iran. Et environ la moitié de ces exportations non pétrolières étaient des produits manufacturés. La « pression maximale » exercée par l’Équipe Trump via les sanctions a peut-être conduit à une baisse des exportations non pétrolières, mais seulement de 7%. Le total reste proche des sommets historiques.
Selon les données du Purchasing Managers’ Index (PMI) publiées par la Chambre de Commerce d’Iran, les fabricants du secteur privé ont sérieusement repris leurs activités dès le premier mois suivant l’assouplissement du confinement partiel.
Le fait est que les biens de consommation et les produits industriels iraniens – allant des biscuits à l’acier inoxydable – sont exportés par les petites et moyennes entreprises vers le Moyen-Orient élargi ainsi que vers l’Asie Centrale, la Chine et la Russie. Le mythe de « l’isolement » iranien est, en fait, un mythe.
Certains nouveaux pôles de fabrication sont de bon augure pour l’avenir. Prenez le titane – essentiel pour une myriade d’applications dans les industries militaires, aérospatiales, marines et les processus industriels. La mine de Qara-Aghaj à Urmia, capitale provinciale de l’Azarbaïdjan occidental, qui fait partie de la ceinture minérale de l’Iran, dont les réserves d’or sont les plus importantes du pays, a un potentiel énorme.
L’Iran figure dans le Top 15 des pays riches en minerais. En janvier, après avoir obtenu la technologie pour l’exploitation minière en profondeur, Téhéran a lancé un projet pilote pour l’extraction de minéraux de terres rares.
Pourtant, la pression de Washington reste aussi implacable que le Terminator.
En janvier, la Maison Blanche a publié un autre décret visant les « secteurs de la construction, de l’exploitation minière, de l’industrie manufacturière ou du textile de l’économie iranienne ». L’équipe Trump cible donc exactement le secteur privé en plein essor – ce qui signifie, en pratique, d’innombrables ouvriers iraniens et leurs familles. Cela n’a rien à voir avec le fait de forcer l’administration Rohani à dire : « Je ne peux pas respirer ».
Le front vénézuélien
Hormis quelques altercations entre le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI) et le Ministère de la Santé sur la réponse de la Chine au Covid-19, le « partenariat stratégique global » Iran-Chine (CSP) reste sur la bonne voie.
Le prochain grand test est en septembre. C’est à ce moment que l’Équipe Trump veut prolonger l’embargo sur les armes des Nations Unies contre l’Iran. Ajoutez à cela la menace de déclencher le mécanisme de retour en arrière prévu dans la résolution 2231 du Conseil de Sécurité des Nations Unies – si d’autres membres du Conseil de Sécurité refusent de soutenir Washington et laissent l’embargo expirer définitivement en octobre.
La mission de la Chine à l’ONU a souligné l’évidence. L’administration Trump a unilatéralement abandonné le JCPOA. Puis elle a réimposé des sanctions unilatérales. Elle n’a donc pas le droit de prolonger l’embargo sur les armes ni de recourir au mécanisme de retour en arrière contre l’Iran.
La Chine, la Russie et l’Iran sont les trois nœuds clés de l’intégration de l’Eurasie. Politiquement et diplomatiquement, leurs décisions clés ont tendance à être adoptées de concert. Il n’est donc pas étonnant que cela ait été réitéré la semaine dernière à Moscou lors de la réunion des ministres des Affaires Étrangères Sergey Lavrov et Javad Zarif – qui s’entendent à merveille.
Lavrov a déclaré : « Nous ferons tout pour que personne ne puisse détruire ces accords. Washington n’a pas le droit de punir l’Iran ».
Pour sa part, Zarif a qualifié toute cette situation de « très dangereuse ».
D’autress conversations avec des analystes iraniens révèlent leur interprétation de l’échiquier géopolitique régional, calibrant l’importance de l’axe de résistance (Téhéran, Bagdad, Damas, Hezbollah) par rapport à deux autres fronts : les États-Unis et ses « larbins » (la Maison des Saoud, les EAU, l’Égypte), le maître – Israël – et aussi la Turquie et le Qatar qui, comme l’Iran, mais à la différence des « larbins », favorisent l’Islam politique (mais de type sunnite, c’est-à-dire des Frères musulmans).
L’un de ces analystes, dont le nom de plume est Blake Archer Williams, remarque de manière significative que « la principale raison pour laquelle la Russie se retient d’aider l’Iran (les échanges mutuels sont presque nuls) est qu’elle craint l’Iran. Si Trump n’a pas un moment Reagan et ne l’emporte pas sur l’Iran, et si les États-Unis sont chassés du Moyen-Orient par le processus continu de parité des armes de l’Iran et sa capacité à projeter sa puissance dans son propre bassin, alors tout le pétrole du Moyen-Orient, des EAU, Qatar, Koweït et Bahreïn, à l’Irak, bien sûr, et surtout aux gisements de la région de Qatif en Arabie Saoudite (où se trouve tout le pétrole et qui est 100% chiite), passera sous l’ombrelle de l’axe de résistance ».
Pourtant, la Russie et la Chine continuent de soutenir l’Iran sur tous les fronts, par exemple en reprochant à l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) d’avoir cédé aux « brimades » des États-Unis – le conseil d’administration de l’AIEA a en effet adopté la semaine dernière une résolution présentée par la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne critiquant l’Iran pour la première fois depuis 2012.
Un autre front clé de la politique étrangère est le Venezuela. La puissance douce de Téhéran, d’une manière assez spectaculaire et très remarquée dans tout le Sud Global, a de facto ridiculisé les sanctions et le blocus de Washington dans sa propre « cour » de la Doctrine Monroe, lorsque cinq pétroliers iraniens chargés d’essence ont réussi à traverser l’Atlantique et ont été reçus par une escorte militaire vénézuélienne composée de jets, d’hélicoptères et de patrouilles navales.
Il s’agissait en fait d’un test. Le Ministère du Pétrole à Téhéran prévoit déjà un deuxième tour de livraison à Caracas, en envoyant deux ou trois cargaisons pleines d’essence par mois. Cela aidera également l’Iran à se débarrasser de son énorme production nationale de carburant.
Cette première cargaison historique a été caractérisé par les deux parties comme le fruit d’une coopération scientifique et industrielle, parallèlement à une « action de solidarité ».
Et puis, la semaine dernière, je l’ai enfin confirmé. L’ordre est venu directement du Guide Suprême, l’Ayatollah Khamenei. Selon ses propres termes : « Le blocus doit être brisé ». Le reste est l’histoire – du Sud Global – en marche.
source : https://asiatimes.com
traduit par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International