Dans une lettre de cinq pages publiée par la revue scientifique The Lancet, un groupe de 216 médecins de toutes spécialités, issus de 33 pays allant de Cuba à l’Australie en passant par la Suède, l’Allemagne, le Sri Lanka, les Etats-Unis, la Grèce ou encore la Tunisie, dénonce avec vigueur la «torture» que subit selon eux le fondateur de Wikileaks Julian Assange. Ils lancent une alerte sur son état de santé et exigent «sa libération immédiate».
La torture d’Assange pourrait bien faciliter sa mort
Les auteurs de cette lettre, appartenant au collectif Doctors for Assange, n’ont pas eu l’occasion d’examiner personnellement Julian Assange mais ils revendiquent cette action au nom de leur obligation professionnelle et éthique de dénoncer la torture. «La torture d’Assange pourrait bien faciliter sa mort. Le silence doit être rompu», écrivent-ils.
L’état de santé du journaliste fait régulièrement l’objet d’alertes de la part de son équipe de défense et de sa famille. Les 216 médecins dénoncent en particulier les «violations continues des droits humains et juridiques de Julian Assange, aux mains des autorités judiciaires et pénitentiaires au cours de la procédure d’extradition». Ils pointent également son isolement 23 heures sur 24 dans sa cellule de la prison de haute sécurité de Belmarsh, près de Londres, et les grands obstacles que rencontrent ses avocats pour s’entretenir pour préparer sa défense. Les médecins rappellent que, pendant la première partie du procès en extradition, le 24 février, Assange «a été cantonné à un box en vitres pare-balles d’où il lui était impossible de suivre l’audience, on lui a refusé de s’entretenir avec ses avocats. Il a été fouillé à nu, menotté onze fois, déplacé dans onze cellules différentes et certains documents confidentiels de sa défense ont été saisis».
«Détruire la personnalité de l’individu»
En outre, Julian Assange, comme tous ses co-détenus, n’a pas pu recevoir de visite de ses proches durant toute la durée de la crise sanitaire. «L’isolation et une stimulation insuffisante sont des techniques de tortures majeures, capables de déclencher un désespoir important, de la désorientation, de la déstabilisation et la désintégration de fonctions mentales et psychologiques cruciales», décrivent les médecins signataires de la lettre. Ils dénoncent à cet égard le refus de la justice britannique d’accorder une libération conditionnelle au journaliste afin de le protéger de la pandémie de Covid-19, particulièrement virulente en milieu carcéral, d’autant plus, rappellent-ils, que le journaliste «souffre d’insuffisance respiratoire chronique», le rendant encore plus vulnérable. «Assange court un risque important de contracter le coronavirus et d’y succomber», affirment les auteurs de la lettre.
[Assange présente] tous les symptômes typiques d’une personne soumise à une torture psychologique
„Should #Assange die in a #UK prison, as #SRTorture has warned, he will effectively have been tortured to death. The medical profession cannot afford to stand silently by, on the wrong side of #Torture & history, while such a travesty unfolds.“ Thanks @TheLancet@Doctors4Assangehttps://t.co/kBOww7DIpb
— Nils Melzer (@NilsMelzer) June 26, 2020
Les signataires de la lettre s’appuient également sur les travaux de Nils Melzer, rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, qui avait rendu visite à Julian Assange en prison, accompagné de deux experts médicaux spécialisés dans l’évaluation de la torture en mai 2019. Le diagnostic était formel : Assange présentait «tous les symptômes typiques d’une personne soumise à une torture psychologique». Une torture qui selon Nils Melzer vise à «détruire la personnalité de l’individu». «Du point de vue médical, les risques pour la vie et la santé de Julian Assange n’ont pu qu’augmenter «de manière aiguë depuis les avertissements du professeur Melzer», ajoutent les médecins signataires.
La publication du texte intervient deux jours après que la justice étasunienne a annoncé un renforcement de l’accusation qui pèse sur Julian Assange. Wikileaks a commenté l’information la qualifiant de «nouvelle tentative pathétique du [département américain de la Justice] de tromper le public». Et les médecins signataires ne sont pas dupes. Cette annonce constitue «une escalade dans les tactiques de torture psychologique», a dénoncé l’une des signataires de la lettre, Lissa Johnson, psychiatre australienne, dans un communiqué. «Continuer de détenir Assange dans ces conditions revient à torturer un éditeur et un journaliste», concluent les médecins dans le Lancet. 60 d’entre eux avaient déjà dénoncé la situation de l’Australien en novembre 2019.
Meriem Laribi