Par Steven Sahiounie, journaliste et analyste politique
Source : Mideast Discourse, 11 juin 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
L’envoyé spécial des États-Unis en Syrie, James Jeffrey, a annoncé dimanche que Washington avait proposé à la Syrie de mettre fin aux sanctions américaines. Le ministère des Affaires étrangères et des Expatriés à Damas a déclaré que les déclarations de James Jeffrey constituaient un aveu clair de la part de l’administration Trump qu’elle était directement responsable des souffrances des Syriens. Les Syriens considèrent les sanctions croissantes comme une guerre économique, imposée après l’échec des États-Unis à provoquer un « changement de régime » en utilisant des terroristes soutenus par la CIA (comme le reconnaît même le New York Times). Damas déclare que les sanctions violent les droits de l’homme et le droit international car elles affectent la population syrienne.
Le Président Trump a hérité de la guerre en Syrie fomentée en premier lieu par son prédécesseur, l’ancien Président Obama. En 2016, Trump a fait campagne en promettant d’arrêter le soutien américain à la guerre en Syrie ; cependant, il a depuis envahi et occupé plusieurs zones en Syrie et a déclaré qu’il était là pour empêcher la Syrie d’utiliser ses ressources en pétrole. Quant à la Russie, elle est entrée en Syrie en 2015 à la demande de Damas pour aider à la lutte contre les terroristes d’Al-Qaïda et de Daech. L’Iran et le Hezbollah étaient intervenus aux côtés de Damas respectivement en 2011 et 2013.
Les sanctions les plus récentes sont prévues pour durer 5 ans et peuvent être levées si sept critères sont remplis ; cependant, les deux premiers points sont conçus spécifiquement pour empêcher la lutte contre les terroristes d’Al-Qaïda qui contrôlent Idlib et détiennent environ 3 millions de personnes comme boucliers humains. La Syrie et la Russie, son alliée en Syrie, ont toutes deux déclaré que vaincre le terrorisme était un objectif stratégique.
Les sanctions américaines contre la Syrie se sont accumulées en diverses couches depuis 1979 et ont augmenté au cours de la période 2011-2020, aboutissant aux sanctions les plus récentes de ce mois-ci. Certains représentants de l’ONU et des ONG occidentales ont dénoncé les sanctions comme inefficaces et inhumaines.
Un homme d’affaires de Damas a déclaré : « Les sanctions aideront à empêcher la Syrie de parvenir à une quelconque forme de rétablissement », tout en ajoutant : « Les riches expatriés ne reviendront pas tant que des sanctions seront en vigueur ».
Le frère Firas Lutfi, de l’ordre franciscain des Gardiens de la Terre Sainte, a accordé une interview vidéo à « Rome Reports », dans laquelle il a donné son témoignage de première main sur la Syrie avant, pendant et après la guerre. Il a rappelé son ancienne vie à Alep et a expliqué le sort des chrétiens persécutés, qui avaient joui de la pleine liberté de religion en Syrie jusqu’à ce que les terroristes d’Al-Qaïda déferlent sur le pays suite à l’attaque coordonnée par les Frères musulmans qui a commencé en 2011.
Les terroristes ont été vaincus, à l’exception d’Idlib ; cependant, une nouvelle forme de terreur est arrivée sous la forme du virus COVID-19. Bien que le nombre de cas soit faible en Syrie, l’effet du confinement a conduit à la pauvreté, car les revenus ont été arrêtés.
Le frère Lutfi a téléphoné à un ami en Syrie, qui lui a affirmé : « Je préfère mourir du coronavirus que de faim. Je ne peux pas me permettre de voir mes enfants mourir sous mes yeux, sans pouvoir rien faire. »
Le prix des aliments de base en Syrie a augmenté de 111% en un an. Le coût de la nourriture, des médicaments et d’autres produits de base grimpe en flèche sur les marchés syriens, tandis que la livre syrienne s’effondre en valeur. La valeur de la livre syrienne sur le marché informel est passée d’environ 940 livres pour un dollar américain en janvier à un taux de change d’environ 4 000 livres pour un dollar récemment. De 1992 à 2011, le taux est resté stable à 50 livres syriennes pour 1 dollar. Les années de guerre et les sanctions américaines ont dévalué la monnaie syrienne et plongé les Syriens de la classe moyenne dans la pauvreté.
Depuis peu, certains magasins et pharmacies gardent leurs portes fermées car la valeur de la monnaie baisse trop vite. La hausse des prix des produits essentiels, dont le gaz de cuisine et le pain, cause des souffrances. Même dans les zones qui n’ont pas été attaquées par des terroristes et qui ont passé la guerre dans un calme relatif, les effets des sanctions, qui se sont traduites par une guerre économique, se font ressentir.
Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies a rapporté une enquête en avril selon laquelle environ un tiers de la population ne mangeait pas suffisamment, tandis que 87% avaient épuisé leurs économies après 9 ans de guerre.
La zone contrôlée par Al-Qaïda à Idlib utilise le dollar américain et la livre turque et a été épargnée par la crise monétaire. Il en va de même pour certaines parties du Nord-Est sous contrôle kurde, allié des États-Unis, qui utilisent également des dollars américains dans une large mesure. Les deux zones échappent au contrôle de Damas, et reçoivent ainsi une aide substantielle de l’ONU et des organisations caritatives internationales, qui ne fournissent ni nourriture ni aide au reste de la Syrie. Les États-Unis et l’UE n’ont fourni aucune nourriture ou aide à aucun endroit en Syrie qui est sous contrôle de l’Etat syrien.
Les sanctions américaines n’ont pas réussi à atteindre leur objectif de « changement de régime » à Damas, mais ont grandement réussi à faire souffrir le peuple syrien, même s’il a survécu à 9 ans d’attaques terroristes, d’occupations, de morts, de blessés et de destructions, et continue de souffrir de la guerre économique.
Un professeur d’école à Lattaquié a déclaré : « Nous pensions que si nous résistions aux terroristes et les vainquions, nous reconstruirions les maisons, les écoles, les hôpitaux et les fermes perdus et commencerions une nouvelle vie d’après-guerre. Maintenant, la guerre est finie et nous ne pouvons rien reconstruire, et notre vie est encore pire maintenant que nous sommes en temps de paix. Où (sont les fruits de) notre victoire sur le terrorisme ? Pourquoi les États-Unis nous punissent-ils pour avoir vaincu les terroristes ? »
Les dernières sanctions américaines visent à empêcher toute reconstruction des infrastructures endommagées pendant la guerre, notamment les maisons, les magasins, les entreprises, les usines et les infrastructures telles que les écoles et les hôpitaux.
Les sanctions américaines prévoient des exemptions pour « l’aide humanitaire », qui comprennent la nourriture, les fournitures et les virements bancaires à des fins humanitaires. Cependant, ces exemptions sont purement théoriques et n’ont jamais été appliquées, car les formalités administratives et le temps nécessaires pour obtenir une dérogation du gouvernement américain sont tellement drastiques qu’ils rendent l’exemption inutile.
L’administration Trump, le Congrès américain et de nombreux groupes syro-américains ont salué les nouvelles sanctions extrêmes contre la Syrie. Alors que les personnes vivant aujourd’hui en Syrie souffrent des sanctions, ces Syriens vivant aux États-Unis et en Europe prospèrent et ne sont pas affectés par cet étranglement économique.
Azhdar Kurtov, de l’Institut russe des études stratégiques, a expliqué dans une interview à RT : « La Syrie est devenue une ‘écharde’ désagréable dans la politique américaine au Moyen-Orient. De plus, ce n’est pas seulement une défaite locale ; c’est surtout la preuve de l’effondrement des ambitions mondiales des États-Unis. »
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Olmert : Si Assad avait conclu un accord avec moi, il n’y aurait pas eu de guerre civile en Syrie
Source : Al-Manar, 15 juin 2020
L’ex-Premier ministre israélien Ehud Olmert a révélé les réelles causes de la guerre lancée contre la Syrie à partir de 2011.
Lors d’une interview avec le journal saoudien arabophone Elaph, publié le 11 juin, il a affirmé avoir demandé en 2008 à Recep Tayyip Erdogan qui était alors Premier ministre turc, de lui arranger une rencontre avec le président syrien Bachar al-Assad.
« Je suis arrivé là-bas, Erdogan m’a dit que l’avion qui devrait transporter Assad à Ankara se trouvait sur l’aérodrome de Damas. En ma présence, Erdogan a appelé le président syrien et il m’a dit qu’il est de l’autre côté de la ligne et il s’est mis à lui parler. Je suis alors sorti de la chambre parce que je ne voulais pas y rester pendant la conversation téléphonique et je ne comprenais pas ce qu’il y a eu entre eux. Finalement Assad n’est pas venu à ma rencontre », a-t-il raconté durant son entretien.
Selon cet ex-Premier ministre condamné à 18 mois de prison ferme pour corruption , le numéro un syrien « a perdu une occasion pour faire la paix avec Israël ».
« S’il avait conclu un accord avec moi, il n’y aurait pas eu de guerre civile en Syrie et les Etats-Unis et l’Europe lui auraient ouvert grandes leurs portes », a-t-il ajouté.
« Si Bachar al-Assad s’était mis d’accord avec nous, il aurait obtenu un grand soutien, il n’y aurait pas eu de guerre civile », a insisté Olmert une deuxième fois durant l’interview.
Voir Nasrallah : la Syrie triomphe, Israël mène une guerre imaginaire
Ces révélations confirment les accusations que le conflit syrien n’a rien d’une guerre civile et qu’il s’agit d’une guerre par procuration israélienne et occidentale, via des éléments régionaux et locaux et qu’elle a été planifiée parce que la Syrie est un pilier de l’axe de la résistance.
Pendant les premières années du conflit, les responsables israéliens ont adopté un profil bas, pour dissimuler leur responsabilité et faire croire que la guerre est civile. Etaient de mêche dans cette tactique les autres protagonistes qui ont alimenté et financé cette guerre, dont les puissances occidentales, les monarchies du Golfe et la Turquie. Ils ont pendant longtemps caché leur rôle dans la militarisation du mouvement de contestation qui a éclaté en Syrie dans le sillage du Printemps arabe. Le succès de ce complot dépendait de cette arnaque. Et elle n’est certes pas la seule dans cette guerre. Les historiens syriens ont le devoir de les dévoiler.
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