Vous avez dit: raciste? Témoignage 1
« Can I help you! » dit le mécanicien noir anglophone de Pointe-Claire
Dans le Survenant et Marie-Didace, qui ne forment qu’un seul roman, chef-d’oeuvre de Germaine Guèvremont dont je vous conseille vivement la lecture, quand le père Didace est de mauvaise humeur, il s’exclame: race de monde. C’est le titre d’un des premiers romans de Victor-Lévy Beaulieu que j’ai lu tardivement.
Quand je fréquentais l’école primaire De Salaberry (en 1948, j’avais dix ans) située au coin de Roy et Montcalm à Montréal, mon meilleur ami avait la peau foncée. C’était un Québécois pure laine. On l’appelait affectueusement nigger black, expression que j’ai retrouvée plus tard avec grand plaisir dans un monologue d’Yvon Deschamps.
Sur la rue Roy aussi, j’allais porter du linge chez la Chinoise, une petite femme aimable qui me remettait un paquet de linge propre qui sentait bon. Ça me rappelle que dans des films que j’allais voir avec ma mère dans le sous-sol de l’église St-Jean-Baptiste sur Rachel, souvent des Asiatiques qui me semblaient sournois fomentaient contre des bons. Mes amis ont fait un coup à un autre commerçant chinois: un d’eux cognait à sa porte, il venait ouvrir et du balcon au-dessus, on lui jetait de la farine sur la tête. Je n’étais pas dans le coup mais une fois je me suis trouvé là par hasard et le Chinois voulut me faire un mauvais parti. Je me sauvai en courant en sautant par-dessus la clôture dans un geste digne des jeux olympiques. Je venais d’apprendre que la peur peut donner des ailes.
Un peu avant quand je restais chez ma grand-mère Gervais rue Brébeuf près de Marie-Anne, (j’avais huit ans, en 1946) pendant le carême j’allais à la messe tous les matins à l’église des Jésuites, l’Immaculée-Conception. En avant, à gauche, il y avait une énorme peinture illustrant les saint martyrs canadiens. Le livre d’histoire Farley-Lamarche expliquait qu’il y avait des Iroquois méchants qui obligeaient les colons français à cultiver la terre avec un fusil près d’eux et que derrière chaque arbre se cachait un Iroquois. Mais il y avait aussi de bons Indiens, des Hurons et des Algonquins, alliés des Français, nos ancêtres. On les appelait sans malice les sauvages. Dans de nombreux films américains, bien que spoliés de leurs terres, ils jouaient le rôle des méchants menaçants qui entouraient le band wagon. Les Indiens étaient antipathiques mais je ne suis pas sûr que j’étais du côté des blancs. A propos des Jésuites, je n’ai pas oublié le collier de pierres brûlantes placé dans le cou par les Iroquois. Ne me demandez pas d’aimer les Mohawks.
Au baseball, mon père m’amenait voir jouer les Royaux de Montréal. C’était après le passage de Jackie Robinson que je n’ai pas vu jouer en personne. Le champ centre Sam Jethroe et le lanceur Dan Bankead étaient noirs comme du charbon: c’était d’excellents joueurs que j’admirais. Au parc Lafontaine, il y a eu une très bonne équipe de baseball composée uniquement de Japonais. Je me souviens: c’était des adultes et une attraction considérable. Je pense encore à eux quand après avoir eu des Renault dont la fameuse Renault 30, j’ai choisi d’acheter des voitures japonaises, des Honda Accord et des Honda Civic. Ce qui me rappelle le passage très drôle d’un livre d’Amélie Nothomb où son ami lui dit: « J’ai honte d’être Japonais ».
Au baseball, mon équipe est allée jouer une partie éliminatoire à Pointe St-Charles: les adversaires parlaient anglais et nous avons perdu 2 à 1 à cause d’une erreur de l’arrêt-court: j’ai laissé passer une balle entre mes jambes. J’avais 14 ans et je m’étais fait voler mon portefeuille par un joueur de mon équipe, Willie M.,…un noir. Parlant des Anglais, les livres d’histoire racontaient abondamment le régime français. Puis en 1760, Frontenac eut beau leur répondre par la bouche de ses canons, l’Angleterre a conquis la Nouvelle-France. A la bataille des Plaines d’Abraham, Montcalm est mort: c’était ma rue, la rue Montcalm. Pas très loin, il y avait la rue Wolfe: je trouvais curieux qu’on donne le nom d’une rue au conquérant anglais. Il faut vous dire que sur la rue Wolfe se tenaient mes ennemis qui avaient essayé de m’intimider dans l’entrée de la cour de l’école De Salaberry: ils étaient trois mais je me suis tellement débattu qu’ils décidèrent de me laisser tranquille: leur tentative d’intimidation avait échoué. J’étais un p’tit tough du bas de la ville de Montréal. Quand je passais en bicycle sur la rue Wolfe, j’avais quand même un frisson. Pas besoin de vous dire que je n’ai pas digéré les maisons brûlées par les Anglais en 1760 et en 1837 et les Patriotes pendus. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’allais découvrir le Testament politique du Chevalier De Lorimier. « Voilà ce que vous devez vous attendre du gouvernement anglais » lit-on dans ce texte qui fait partie du trésor de la littérature mondiale. Pour les jovialistes, les Anglais sont des philanthropes. Pas pour moi. Ça ne m’étonne pas que le Québec n’ait pas signé la Constitution de Trudeau. La Québec n’a pas signé mais ça ne dérange pas les Anglais et Justin Trudeau, dont la mère est anglaise: la vie canadienne continue comme de si rien n’était. Est-ce normal?
Mes quatre enfants, ma femme et moi, nous étions au camping de Cecil non loin de Wells dans le Maine. Au moment du départ un dimanche matin de la fin du mois d’août, ma Renault 30 refusait de partir: le démarreur était en panne et les garagistes américains fronçaient les sourcils quand il me voyaient arriver avec ma vieille Renault 30. Et c’était le dimanche. Catastrophe donc. Drame. Mon fils devait être à Polytechnique le lendemain. La tension était énorme. J’étais envahi d’un sentiment d’impuissance très humiliant. Passe une mercédès. Un noir de Pointe-Claire accompagné d’une magnifique blonde sort de son véhicule (je lui avais déjà parlé) et me dit: « Can I help you? ». Il sort son coffre à outils de mécanicien, identifie le problème, c’était le démarreur. Il installa un fil qui, posé sur la batterie, joua le rôle de démarreur. Le dimanche soir, je suis rentré triomphant dans ma cour du Vieux-Longueuil en bénissant ce mécanicien de Pointe-Claire qui s’adonnait à être noir et anglophone.
Quand on me traite de raciste parce que j’appuie la loi 21 et que je suis pour la laïcité, je me rappelle ce noir anglophone serviable et aimable de Pointe-Claire, je me souviens de nigger black et des noirs vedettes de baseball, de la petite chinoise blanchisseuse, des Japonais du Parc Lafontaine et en conduisant ma Honda Accord LX 2020 flambant neuve, je déplore la malhonnêteté de ces adversaires politiques. Moi, raciste, voyons donc. J’oubliais qu’adolescent, j’avais acheté une bague chez un marchand juif. J’ai regretté cet achat. Inquiet et pas du tout sûr de moi, je suis retourné voir le marchand juif. Il reprit sa bague en échange d’une magnifique plume fontaine. C’est là que j’ai appris ce que c’est que de négocier. J’ai trouvé ce Juif habile et intelligent.
Vous avez dit: raciste? Témoignage 2
Les trois p’tis bums qui m’attendaient pour m’écoeurer dans l’entrée de la cour de l’école De Salaberry en 1948 (j’avais dix ans) ne réussirent pas à m’intimider. Je me suis débattu si bien que par la suite, ils me laissèrent tranquille. C’était les futurs hommes de main du mafieux Frank Cotroni. Mon père grand amateur de baseball était le coach bénévole de l’équipe de baseball bantam. Le curé s’est plaint à mon père que des voyous jetaient des pierres dans les vitraux de l’église de Ste-Catherine d’Alexandrie. Mon père est allé voir Frank Cotroni et lui demanda en italien d’intervenir. Pas besoin de vous dire que les vitraux cessèrent d’être menacés.
Il y a autant de Barberis dans le Piémont au nord de l’Italie qu’il y a de Tremblay au lac St-Jean. Les quatre premières années de ma vie, je les ai vécues chez mes grands parents italiens. Pas une journée sans que je n’entende les va fan coule ou les cournoute revoler dans la cuisine. Mon grand-père Antonio a quitté la France en 1914. Il lisait le journal tous les jours avec son chapeau sur la tête comme les Juifs. Il installait une cuve dans la cuisine, se lavait les pieds, empilait les raisins dans la cuve et les piétinait. Pendant des jours et des jours j’entendais le vin fermenter dans les deux tonneaux dans le hangar au troisième étage du 1654 rue Wolfe. J’avais trois ans, quatre ans. Il m’appelait affectueusement Rôbert à la marseillaise: il avait été maçon à Marseille.
J’ai déjà participé à un mariage italien. C’est quelque chose comme dirait Mario Lemieux. Etre italien d »origine, ma grand-mère s’appelait Teresa Guastella et était Sicilienne, c’est un enrichissement. Quand est venu le temps d’aller à l’école, toute la famille Barberis voulait m’envoyer à l’école anglaise comme mon cousin Marcel. C’était en 1944 avant la loi 101. Ça n’aurait pas dérangé mon père. Ma mère a décidé: « Robert va aller à l’école française ». Dans les assemblées des travailleurs et travailleuses du textile, sur la scène, mon père traduisait du français à l’italien. Et oui, mon père, grand amateur de baseball (il est allé avoir jouer les Yankees à New-York avec l’abbé Desrosiers et monsieur Séguin), amateur de courses de chevaux et de cartes (le whist: il allait jouer à l’argent tous les jours), mon père à qui j’ai pensé hier était syndicaliste. Anticipant le règne de Trump, quand les Américains charriaient ce qui arrivait très souvent, il disait avec jubilation: « american bullshit ».
J’ai oublié de raconter que le samedi matin, mes films préférés dans le sous-sol de l’église St-Jean-Baptiste rue Rachel se passaient au Moyen-Orient ou dans le maghreb. Les héros légionnaires français combattaient les Arabes. Il y avait beaucoup de sable. Racontant mes contacts avec « les races » pendant mon enfance, je ne me suis pas souvenu de ces Arabes: ça n’avait aucune importance pour l’enfant que j’étais.
Voilà qui complète les anecdotes racontées dans le texte: « can I help you! » dit le mécanicien noir anglophone de Pointe-Claire que je remercie de nouveau: grâce à lui, il m’est impossible d’être raciste.
J’en profite pour dénoncer l’extension malhonnête du concept de racisme auquel on ajoute le mot « systémique » faite par Dalila Awada, le chef du NPD, Québec solidaire, la mairesse de Montréal, Justin Trudeau, les intégristes musulmans, tous les multiculturalistes et gauchistes qui s’opposent à l’interdiction des signes religieux dans l’enseignement public.
Les dictionnaires Larousse et Robert donnent comme deuxième définition du racisme: « l’hostilité violente contre un groupe social ». Cette extension du concept de racisme décrit un usage. Ça ne veut pas dire que c’est bien d’utiliser le mot racisme de cette façon. Les dictionnaires sont pas normatifs: ils sont descriptifs. C’est malhonnête de traiter de racistes ceux qui approuvent la loi 21 comme Dalila Awada était malhonnête quand, dans un congrès de QS, elle a traité les péquistes de racistes parce qu’ils étaient contre le port du voile par les enseignantes. Dalila Awada a poursuivi pour diffamation le site Poste de veille. Dans son jugement qui lui a donné raison, le juge a utilisé une extension du concept de racisme ainsi que le pseudo-expert consulté. (30 nov. 2018 · La juge Carole Julien a donné gain de cause à Mme Awada dans sa poursuite contre Philippe Magnan et lui a accordé 50 000 $ en dommages …) Soit dit en passant, Le Parti québécois n’a pas poursuivi Dalila Awada pour diffamation. C’est une grave erreur à situer dans la saga des relations entre Québec solidaire et le Parti québécois.
Moi, je suis violemment opposé aux intégristes musulmans qui se servent de la religion pour imposer leur agenda politique. Et je ne suis pas raciste.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec