La diplomatie autour du contrôle des armements était autrefois sérieuse. On n’a maintenant plus que des arguties stupides
Par Moon of Alabama – Le 22 juin 2020
Les discussions entre la Russie et les États-Unis sur le renouvellement du nouveau traité concernant la réduction des armes stratégiques ont débuté aujourd’hui. Le nouveau traité START limite le nombre de plates-formes nucléaires que chaque partie peut déployer.
Les États-Unis disent vouloir faire participer la Chine aux négociations. Nous avons longuement expliqué pourquoi cela n’a pas de sens et pourquoi cela ne se fera pas :
La Russie et les États-Unis ont tous deux plus de 6 000 ogives nucléaires. Le nouveau traité START entre les États-Unis et la Russie limite à environ 1 400 le nombre de plateformes - missiles, bombardiers et sous-marins - que chaque partie peut utiliser pour lancer des armes nucléaires stratégiques. La Chine possède moins de 300 ogives nucléaires et encore moins de plateformes à partir desquelles celles-ci pourraient être lancées. Les États-Unis prétendent que la Chine doublera le nombre de ses ogives et de ses plates-formes au cours des dix prochaines années, mais il n'y a encore rien qui soutienne cette affirmation. Pourquoi la Chine, qui dispose de moins de capacités nucléaires que la France et la Grande-Bretagne, devrait-elle adhérer à un traité qui limiterait ses maigres capacités alors que les États-Unis et la Russie en ont tous deux plus de vingt fois le nombre. Cela n'a aucun sens.
Marshall Billingslea, le candidat actuel au poste de sous-secrétaire d’État pour le contrôle des armements et les affaires de sécurité internationale, dirige la délégation américaine lors de la réunion d’aujourd’hui à Vienne. Cet homme est une sorte d’électron libre :
"Ruiner l'adversaire jusqu'à sa disparition", selon la menace de Billingslea, risque de coûter cher. Il est fort douteux que les États-Unis soient capables ou même désireux de financer cela. Billingslea est d'ailleurs un dangereux cinglé. Sous l'administration Bush, il était sous-secrétaire adjoint à la défense pour les opérations spéciales et les conflits de faible intensité et le civil responsable du régime de guerre contre le terrorisme et la torture mené par les forces d'opérations spéciales américaines. S'il croit que la torture peut aider à lutter contre le terrorisme ou que des essais nucléaires peuvent faire avancer les négociations sur le contrôle des armements, il pourrait également croire que les menaces irréalistes d'une course aux armements peuvent pousser la Chine à conclure un traité dont elle ne veut pas. En réalité, cela ne marchera pas.
Aujourd’hui, Billingslea a organisé cette stupide mise en scène :
La délégation américaine a installé des drapeaux chinois dans la salle de conférence à Vienne et Billingslea en a affiché une photo. On peut voir les drapeaux américain et russe en arrière-plan. La partie russe a protesté (en russe) contre ces absurdités. La Chine ne fait pas partie des négociations et ses symboles nationaux ne devraient pas être présents. La délégation américaine a ensuite retiré tous les drapeaux, y compris ceux des États-Unis et de la Russie, de la salle de conférence.
Au début de la réunion, l’ambassadeur de Russie en Autriche, Dmitri Lyubinsky, a affiché cette photo qui montre que tous les drapeaux ont été retirés.
La mission permanente de la Chine à Vienne a retweeté le tweet de Billinglea en y ajoutant quelques sarcasmes :
Mission permanente de la Chine à Vienne @ChinaMissionVie - 10:41 UTC - Jun 22, 2020 Est-ce une performance artistique américaine ? @mission_rf @usunvie @ArmsControlNow @globaltimesnews
Le chef du bureau de China Daily en Europe a également répondu :
Chen Weihua (陈卫华)@chenweihua - 8:23 UTC - 22 juin 2020 Répondant à @USArmsControl 1. Les États-Unis n’arrêtent pas d'abandonner les traités qu’ils signent, de sorte qu'ils n’ont plus aucune crédibilité. Respectez le JCPOA [L’accord avec l’Iran, NdT] et l'accord de Paris avant d’argumenter. 2. La Chine possède 300 armes nucléaires, contre 6 000 pour les États-Unis et la Russie. Donc, à moins que vous n'acceptiez de descendre à 300 ou même 500, cela n'a aucun sens.
Et c’est là le cœur du problème. Les États-Unis n’ont plus aucune crédibilité et ne sont pas du tout logiques. Leur diplomatie se réduit à des excès de comportement.
Ce problème n’apparaît pas seulement sous la présidence Trump. En 2009, le président Obama et la secrétaire d’État de l’époque, Hillary Clinton, ont fait irruption dans une réunion que le président chinois tenait avec d’autres chefs de gouvernement :
Le président Barack Obama a fait irruption dans une réunion qui se tenait entre dirigeants chinois, indiens et brésiliens qui tentaient de parvenir à un accord sur le climat lors des négociations de vendredi dernier à Copenhague. Les responsables chinois du protocole se sont opposés à la présence d'Obama à la réunion, selon un haut responsable de l'administration, qui a déclaré que le président ne voulait pas que les dirigeants négocient en secret.
Dans ses mémoires, Hillary Clinton a décrit cet incident embarrassant comme un grand succès mais en fait, les efforts des États-Unis ont échoué car la conférence de Copenhague ne s’est terminée qu’avec des promesses vides et un accord non contraignant.
Les négociations sur le nouveau START échoueront probablement elles aussi. La partie russe s’y attend déjà :
L'envoyé principal de la Russie dans les négociations a déclaré à NBC News que le Kremlin ne pense pas que, dans l’état actuel des choses, les États-Unis vont prolonger le Nouveau traité sur la réduction des armes stratégiques, ou Nouveau START, ratifié par le président Barack Obama en 2011 et qui doit expirer en février. ... [Le vice-ministre russe des affaires étrangères, Sergei] Ryabkov a également déclaré que la Russie ne serait pas en mesure de forcer la Chine à se joindre aux négociations et qu'elle n'était pas disposée à essayer de le faire. Il a ajouté que si Washington avait des inquiétudes sur les activités nucléaires de Pékin, alors c'est aux responsables américains d'amener les Chinois à se joindre aux négociations. "L'administration américaine est actuellement tellement obsédée par la Chine", a-t-il dit, qu'elle rend tout progrès impossible. "cette obsession éclipse, à mon avis, tout le reste."
Cette obsession envers la Chine coûtera aux États-Unis la vision qu’ils pourraient avoir sur les armes stratégiques russes que le régime d’inspection du Nouveau START leur permet actuellement d’avoir. Sa propre insécurité ne fera donc que croître.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone
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