Les experts ne cessent de s’étonner de la rapide détérioration des relations intercoréennes depuis le 9 juin, quand les autorités nord-coréennes ont rompu les contacts avec la Corée du Sud à cause des affiches critiquant Pyongyang répandues par des fugitifs nord-coréens. Séoul s’est dit prêt à prendre des mesures, mais le Nord a feint de ne pas l’entendre.
Pyongyang a bloqué toutes les lignes de contact avec Séoul (à l’exception des lignes spéciales entre les renseignements). Puis, la Corée du Nord a fait exploser le bureau de liaison de Kaesong ouvert en 2018 pour contribuer à la coopération entre les deux Corées. Or c’est un précédent qui fait réfléchir: pourquoi faire tout ça maintenant et quelles pourraient être les conséquences?
Ce n’est pas la première fois que Pyongyang emploie cette méthode au cours des dernières décennies qui consiste à « claquer la porte » et à rompre les contacts, pour les rétablir ensuite. A une époque, les négociateurs coréens se jetaient des biscuits en signe de colère réciproque. Mais qu’on fasse sauter des bâtiments – c’est une première.
A noter que ces mesures ont été annoncées par la sœur cadette du dirigeant nord-coréen, Kim Yo-jong, qualifiant la Corée du Sud « d’ennemi ». Nommée chef adjointe du Service de propagande du Comité central du Parti du travail de Corée, cette jeune femme de 30 ans aux bonnes manières était appelée à personnifier le régime nord-coréen avec un « visage humain », et à présent elle joue le rôle de « méchant flic ».
Alors, pourquoi faire tout cela maintenant ? L’année 2020 a commencé par des changements radicaux autour des négociations américano-nord-coréennes sur la dénucléarisation, qui se sont retrouvées définitivement dans une impasse. Pyongyang a critiqué plusieurs fois le fait que les États-Unis n’avaient pas annulé les sanctions contre la Corée du Nord et les exercices avec la Corée du Sud, alors que la Corée du Nord a cessé les essais nucléaires, a suspendu les lancements de missiles intercontinentaux et a supprimé ses polygones nucléaires. Pyongyang a alors décidé de faire monter les enjeux en renonçant aux négociations sur la levée d’une partie des sanctions de l’Onu en échange de tous les principaux sites nucléaires de la Corée du Nord.
Cette dernière a visiblement décidé de faire la même chose dans les relations intercoréennes qui sont également « sur pause », en grande partie à cause de la pandémie de coronavirus. Contrairement aux attentes de Pyongyang, ces relations ne parviennent pas à entrer dans une phase de coopération concrète, avant tout à cause de la position de Washington qui cherche à l’empêcher par tous les moyens.
Quand la partie d’échecs se retrouve dans une impasse, on est tenté de simplement renverser l’échiquier. C’est probablement la logique actuelle des autorités nord-coréennes, leur comportement est tout à fait rationnel parce que cette tactique a plusieurs fois porté ses fruits. Mais la question est de savoir pourquoi torpiller les relations intercoréennes maintenant, avec le président Moon Jae-in connu pour son attachement au dialogue entre le Nord et le Sud et qui a beaucoup œuvré pour cela ?
Ce n’est pas un secret que ce dialogue possède des limites dictées par les relations américano-sud-coréennes d’alliés, qui étaient toujours désapprouvées par le Nord, et l’aggravation actuelle pourrait cacher la tentative de saboter la construction actuelle (ou au moins la déstabiliser). Or cette tentative n’est pas du tout rationnelle puisqu’elle est peu faisable.
Quelles pourraient être les conséquences de l’escalade actuelle démonstrative du côté du Nord ? L’intention de Pyongyang de faire revenir ses troupes dans la zone démilitarisée depuis 1953 après la trêve signée entre les deux Corées est inquiétante. Depuis, les deux camps ont traversé plusieurs périodes d’aggravation, mais elles ne concernaient pas la zone frontalière du 38e parallèle. Séoul et Pyongyang n’ont pas tenté de revoir son statut démilitarisé. La violation de ce tabou est une situation extrêmement dangereuse pouvant conduire à des incidents militaires non prémédités sur la ligne de contact, sachant que la zone du 38e parallèle est la première du monde en termes de concentration de forces armées et d’armements.
Enfin, que doivent faire maintenant les acteurs extérieurs ? Le secrétaire général de l’Onu a appelé les États-Unis et la Corée du Sud à œuvrer ensemble pour normaliser les relations intercoréennes. Après quoi, le département d’État américain a publié un communiqué à ce sujet, qui a été critiqué par la Corée du Nord. Puis l’administration Trump a prolongé d’un an les sanctions contre la Corée du Nord, et la boucle s’est bouclée.
La Chine et la Russie ont exprimé leur espoir que la paix serait préservée. Une action contre une action, une annulation par étapes des sanctions en fonction du progrès dans les négociations – c’est le principe proposé par Moscou et Pékin. Mais cela part du principe que la Corée du Nord souhaite un tel progrès, et non le contraire.
source : https://www.observateurcontinental.fr
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