Lauren Ribes est étudiante au MBA, Faculté des sciences de l’administration, Université Laval ; Laurence Guillaumie est professeure, Faculté des sciences infirmières, Université Laval et membres Des Universitaires (desuniversitaires.org)
Nos habitudes de consommation ont fortement évolué au cours du siècle dernier et une de leurs conséquences préoccupantes est l’augmentation de la quantité de déchets. En 2016, le Canada a produit 34,2 millions de tonnes de déchets (incluant ceux qui ont été réutilisés, recyclés ou compostés), dont 26 millions de tonnes – soit 73 % – qui ont été éliminés (i.e. qui ont été enfouis, mis dans des décharges ou incinérés)(1).
Au total, 44% de tous les déchets produits au Canada ont une source résidentielle, démontrant l’importance des habitudes de consommation des ménages. Quant aux déchets réacheminés (i.e. réutilisés, recyclés, ou compostés), ils se composent à 40% de papier/carton, à 30% de matières organiques et à 30% de verre, plastique, appareils ménagers et matériaux de construction. Le fait que seulement 27 % des matières résiduelles produites soient réacheminées souligne que beaucoup de déchets ne sont pas ou difficilement recyclables.
En 2018, l’organisation gouvernementale Recyc-Québec présentait le bilan de sa politique de gestion des matières résiduelles mise en place depuis 2015 et les progrès modestes accomplis. Pour la période 2015-2018, une diminution globale de 4,3% de la quantité de déchets éliminés (2) était rapportée ainsi qu’une augmentation de 26% des matières déposées dans les écocentres (3).
Ces résultats qui semblent encourageants étaient néanmoins contrebalancés par une augmentation de 25% des matières rejetées des centres de tri et qui ont donc été finalement enfouies ou brûlées (4). Cette augmentation est notamment due à des critères plus stricts des pays asiatiques voire à leur refus d’importer des déchets plastiques envoyés par les pays occidentaux, dont le Canada (5). Ces nouvelles restrictions accentuent la nécessité de diminuer la quantité de matières résiduelles que nous produisons.
À l’échelle planétaire, seulement 9% du plastique produit a été recyclé alors que les particules de micro-plastique issues de la fragmentation d’objets de plastique ou de vêtements synthétiques s’avèrent être un fléau pour l’environnement (6). Face à ces difficultés, l’adoption d’habitudes de consommation favorisant la réduction des déchets à la source est incontournable.
Dans cette optique, la démarche « zéro déchet » a émergé dès les années 60 face à l’accumulation de déchets qui commençait à être dénoncée par certains environnementalistes. Selon la Zero Waste International Association (7), cette démarche vise « la préservation des ressources par une production, une consommation, une réutilisation (ex. l’achat d’occasion, la réparation) et une récupération (ex. le recyclage, le compostage) des produits, des emballages et des matériaux sans incinération, sans décharge ou rejet dans le sol, l’eau ou l’air qui menaceraient l’environnement ou la santé humaine ».
Autrement dit, la démarche zéro déchet vise à n’avoir plus aucun déchet enfoui, à la décharge ou incinéré. Pour y parvenir, la règle des 5R a été énoncée : « Refuser (les objets dont on n’a pas besoin, à usage unique ou non valorisable i.e. non recyclable); Réduire (n’acheter que les quantités nécessaires, éviter le gaspillage); Réutiliser (privilégier les objets réutilisables, acheter d’occasion, emprunter, réparer, donner); Recycler (les objets et matières valorisables); et Rendre à la terre (composter la matière organique) »(8).
Considérant les défis inhérents à la réutilisation et au recyclage, le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas. « Refuser » et « Réduire » sont donc placés au premier plan de la démarche zéro déchet.
Les secteurs alimentaire et cosmétique génèrent de grandes quantités de contenants à usage unique. Une des façons efficaces et à notre portée de réduire ces déchets est de s’approvisionner dans les épiceries dites « zéro déchet ». Ces épiceries sont maintenant un peu partout au Québec et leur site de référence (www.circuitzérodéchet.com) en dénombre plus de 200 dans la province.
En plus de réduire les déchets, la plupart de ces épiceries favorisent l’approvisionnement local et proposent un large choix de produits issus de l’agriculture biologique. Il existe également de plus en plus des groupes d’achat zéro déchet dont l’exemple le plus emblématique est Nousrire (www.nousrire.com).
Comme tous les commerces d’alimentation du Québec, les épiceries zéro déchet ont diversifié leurs services pour s’adapter à la situation sanitaire de la COVID-19, notamment en proposant d’emballer les produits dans des sacs compostables de papier brun ou dans des pots consignés, en préparant les commandes à l’avance et en offrant des services de livraison. L’achat des produits ménagers (ex. savon à vaisselle), de beauté (ex. dentifrice, shampoing) et des aliments secs (ex. pâtes, céréales, noix) dans les épiceries zéro déchet permet une diminution draconienne des matières mises à la poubelle ou au recyclage, surtout si les résidus organiques sont compostés en parallèle. Cela demande certes un peu d’organisation au départ (ex. préparer ses sacs d’épiceries avec des contenants vides), mais une fois lancé, le jeu en vaut vraiment la chandelle.
Illustration : Brignaud
Références
(1) Environnement et changement climatique Canada (ECCC) [En ligne] (2018). Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement : Réacheminement et élimination des déchets solides. [cité le 4 juin 2020] Disponible : https://www.canada.ca/content/dam/eccc/documents/pdf/cesindicators/solid-waste/2018/solid-waste-diversion-disposal-fr.pdf
(2) RecycQuébec [En ligne] (2018a). L’élimination – Bilan 2018 de la gestion des matières résiduelles au Québec. [cité le 14 mai 2020] Disponible : https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/bilan-gmr-2018-section-elimination.pdf
(3) RecycQuébec [En ligne] (2018b) Le conditionnement et le recyclage des matières recyclables – Bilan 2018 de la gestion des matières résiduelles au Québec. [cité le 14 mai 2020] Disponible : https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/bilan-gmr-2018-section-conditionneurs-recycleurs.pdf
(4) RecycQuébec [En ligne] (2018c). Les écocentres – Bilan 2018 de la gestion des matières résiduelles au Québec. [cité le 14 mai 2020] Disponible : https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/bilan-gmr-2018-section-ecocentres.pdf
(5) Radio Canada [En ligne] (2019). Où le Canada peut-il envoyer ses déchets ? [cité le 4 juin 2020] Disponible : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1172350/environnement-tri-plastique-ordures-canada
(6) ONU Environnement [En ligne] (2018). L’état des plastiques. [cité le 4 juin 2020] Disponible : https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/25513/state_plastics_WED_FR.pdf?sequence=4&isAllowed=y
(7) Zero Waste International Association [En ligne] (2018). Zero waste definition. [cité le 4 juin 2020] Disponible : http://zwia.org/zero-waste-definition/
(8) Zero Waste Paris [En ligne] (2018). Le principe : la règle des 5 R. [cité le 14 mai 2020] Disponible : https://zerowasteparis.fr/zero-dechet/la-demarche-zero-dechet/
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