Le coût caché de l’aide d’Ottawa

Le coût caché de l’aide d’Ottawa

La crise économique engendrée par la crise sanitaire a ramené au premier plan l’intervention de l’État dans l’économie. L’activité économique étant mise sur pause, l’État est intervenu massivement avec des programmes de soutien aux revenus. Cette intervention coûte une fortune, mais les récessions passées nous ont enseigné qu’il s’agit là d’un moindre mal.

Au Canada, le gouvernement fédéral est le principal acteur économique. Il prend appui sur la Banque du Canada, qui imprime de l’argent pour payer une partie des mesures adoptées. De leur côté, le Québec et les autres provinces ont très peu de marge de manœuvre. D’ailleurs, elles n’en avaient déjà pas beaucoup avant la crise.

 

Un déséquilibre fiscal avec des visées politiques

Ce déséquilibre fiscal, abondamment documenté par le Directeur parlementaire du budget, perdure depuis 25 ans. Pour régler ses problèmes de déficit, Ottawa a choisi historiquement de réduire drastiquement ses transferts aux provinces, les plongeant dans une situation financière structurellement intenable.

Ce choix visait notamment à freiner le mouvement indépendantiste, en forçant le Québec à adopter des politiques d’austérité tout en permettant à Ottawa de poursuivre son expansion. Le Président du Conseil du Trésor du gouvernement libéral de l’époque, Marcel Massé, avait reconnu sans gêne que telle était leur stratégie.

Le résultat de ces coupes dans les transferts a mis à mal nos services en santé, services sociaux et éducation et a accru la pauvreté. On en paie aujourd’hui le prix. Il y a, par exemple, un lien direct à faire entre les compressions d’Ottawa en santé et la situation dans nos CHSLD.

 

Toujours plus de pouvoirs à Ottawa

La crise risque d’accélérer la centralisation des pouvoirs à Ottawa. Malgré un gouvernement minoritaire libéral, le Bloc Québécois, l’Assemblée nationale et le Québec en entier devront peser de tout leur poids pour s’opposer à cette démarche. À part le Bloc, tous les partis politiques à la Chambre des communes sont favorables à cette centralisation, y compris les Conservateurs.

Alors que Québec est en première ligne pour faire face à la covid-19, Ottawa distribue les chèques et centralise les pouvoirs. Par exemple, il se pète les bretelles pour le versement d’un premier transfert en santé en lien avec la pandémie. Sur les 500 millions $ versés, environ 115 millions $ sont allés au Québec. Or, la pandémie entraîne une hausse des coûts en santé de trois milliards $ au Québec. Finalement, Ottawa ne finance même pas 4 % des coûts additionnels.

À l’heure actuelle, Ottawa négocie avec le Québec et les provinces pour un versement additionnel. Les discussions traînent en longueur parce qu’Ottawa veut rendre l’aide conditionnelle afin de s’immiscer dans des champs de compétences qui ne sont pas les siens. Toujours pour accroître son pouvoir.

C’est la façon de faire d’Ottawa. Prenons le cas des infrastructures. Le gouvernement Trudeau veut imposer ses conditions, alors qu’il n’en finance qu’un pourcentage symbolique. C’est aussi le cas avec le logement social. L’argent a été voté, il y a deux ans, mais n’est toujours pas versé. Québec refuse l’intrusion du fédéral dans ses champs de compétence. C’était également le cas lors de la dernière négociation pour les transferts en santé, alors que les Libéraux ont essentiellement maintenu les coupes des conservateurs, tout en ajoutant de nouvelles conditions.

 

Diviser pour régner

C’est toujours la même stratégie. Diviser pour régner. Ottawa négocie d’abord avec les provinces les plus mal en point financièrement. Il leur fait avaler ses conditions, puis règle avec les provinces une à une. Au terme de l’exercice, le Québec se retrouve isolé et doit choisir entre les principes et l’argent. Il en résulte que l’argent arrive toujours au Québec en dernier.

Il est évident que la situation actuelle place les provinces en position de faiblesse additionnelle et Ottawa veut en profiter comme jamais. À cela s’ajoute la perception au sein de la population qu’Ottawa agit comme un sauveur, même s’il utilise notre argent et notre endettement collectif en fonction de ses propres critères et objectifs. Même chose pour la Banque du Canada.

L’intention n’est pas ici de nier l’importance des mesures de soutien au revenu comme la prestation d’urgence ou la subvention salariale qui auront joué un rôle essentiel. C’est plutôt de constater qu’Ottawa utilise la crise économique et sanitaire pour accroître son hégémonie. Le voisin s’arroge encore plus de pouvoirs à même notre argent. Faut le faire ! Si nous ne nous défendons pas bec et ongles, nous risquons de nous retrouver encore moins maîtres chez nous.

Le fait de dépendre du voisin signifie que les mesures ne correspondent pas toujours à nos besoins. Parfois même, carrément pas ! On peut penser à l’aide à l’industrie pétrolière, à la poursuite de la construction de l’oléoduc TransMountain et à la levée de règles environnementales pour les forages extracôtiers.

 

Du pétrole sale plutôt qu’une économie verte

Avant la crise, le régime d’assurance-emploi avait été tellement mis à mal par Ottawa qu’il ne jouait plus son rôle. Il assurait à peine 40 % des travailleuses et travailleurs qui perdaient leur emploi, sans parler de tous les travailleurs autonomes qui ne touchaient rien. Dès le début de la crise, le système d’assurance-emploi s’est effondré. La fonction fondamentale d’un régime d’assurance-chômage est pourtant de jouer un rôle stabilisateur en cas de crise. Cet effondrement du régime a même fait dire au gouverneur sortant de la Banque du Canada, Stephen Poloz, qu’il faudra le revoir en profondeur.

C’est un autre exemple du prix à payer pour être dirigé par la nation voisine. Nous dépendons de son bon vouloir. Comme le Canada anglais est nettement moins progressiste que le Québec, nous avons droit à moins de services publics que souhaité. Le statu quo signifie, en fait, un recul du poids du Québec dans une fédération qui centralise les pouvoirs de façon continue. La crise accélère cette tendance.

La pandémie est encore loin d’être finie et nous aurons encore besoin de mesures de soutien au revenu. Nous aurons aussi besoin de politiques de relance économique. Les économistes utilisent l’expression de Schumpeter, la destruction créatrice, pour rappeler que les récessions sont des occasions à saisir pour mettre en place les bases de l’économie qu’on veut pour demain. Une économie verte, qui soutient nos régions, notre culture, la santé et nos secteurs à haute valeur ajoutée.

Malheureusement, comme c’est encore Ottawa qui fournira l’essentiel du plan de relance, puisque c’est lui qui détient la capacité financière, il est à craindre que cette relance reste campée dans l’économie du siècle dernier, avec les banques de Toronto qui financent le pétrole sale de l’Ouest. À part des slogans creux, l’économie verte ne sera pas soutenue comme le Québec le souhaite. Et il faudra travailler fort pour que nos secteurs stratégiques soient défendus.

L’auteur est député du Bloc Québécois.

 

Crédit photo : canva.com

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