Des gros titres aux petites infos passées inaperçues : ce qu’il fallait retenir de l’actualité des derniers jours en matière de conspirationnisme et de négationnisme (semaine du 08/06/2020 au 14/06/2020).
THE EPOCH TIMES. En pleine pandémie, le média The Epoch Times, parfois relayé par Donald Trump, s’est illustré en diffusant sur son site français des informations complotistes, pro-Zemmour et anti-Macron. Émanation du mouvement anti-Pékin Falun Gong, sa ligne éditoriale est désormais proche de la droite nationaliste. « Dans le monde d’après, rempli de fake news, il ne faudra pas seulement compter sur les outils de propagande conçus par des Etats souverains, mais aussi sur ceux de leurs opposants » écrit Libération.
POLICE. Un « complot médiatique et politique ». C’est en ces termes que David Le Bars, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), a spontanément évoqué vendredi 5 juin, dans une interview à France Info, la série de circonstances par lesquelles les forces de l’ordre se retrouvent aujourd’hui sur le banc des accusés, alors que le Défenseur des droits vient de publier son rapport annuel 2019, faisant état d’une augmentation sensible des saisines en lien avec la déontologie de la police. Conspiracy Watch est allé recueillir ses explications. Si David Le Bars ne considère pas qu’il puisse s’agir d’une conspiration à proprement parler, le fonctionnaire de police évoque une manipulation : « On est plus dans l’illustration que l’offensive menée depuis plusieurs mois contre la police par un collectif très politisé – il ne s’en cache pas, il se présente lui-même comme un collectif “politique” – a trouvé des relais médiatiques qui lui permettent d’imposer cette thématique des “violences policières”, nonobstant les torts ou les fautes que la police peut avoir ». Le chef du syndicat de commissaires convient toutefois que « le mot “complot” est trop fort » (source : Conspiracy Watch, 8 juin 2020).
ANTI-VACCINATION. Des messages qui accusent l’industrie pharmaceutique de préparer des vaccins hors de prix, des groupes Facebook qui affirment que la vaccination est inutile, des sites obscurs qui voient dans la crise du Covid-19 un plan pour injecter des puces 5G à la population mondiale… Les discours antivaccins sont bien implantés en France. Mais ces derniers mois, à la faveur de la crise sanitaire, ils ont redoublé de vigueur, jusqu’à trouver des relais médiatiques chez des stars comme l’actrice Juliette Binoche ou le rappeur Booba. Laurent-Henri Vignaud, historien des sciences à l’université de Bourgogne, est coauteur avec Françoise Salvadori d’Antivax : la résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours (Vendémiaire, 2019). Il dresse le bilan de cette séquence de rumeurs anxiogènes, et les remet en perspective (source : Le Monde, 10 juin 2020).
GEORGE SOROS. George Soros, le milliardaire américain connu pour financer des ONG à travers le monde, est visé une nouvelle fois par une fausse citation. Selon un mème partagé sur les réseaux sociaux, le financier aurait déclaré qu’il allait « faire tomber les Etats-Unis en finançant des groupes de haine noirs ». Il aurait tenu ces propos en septembre 2014 dans le journal allemand Bild… Le fait est qu’on ne trouve pas trace de cette interview sur le site du journal, comme l’a expliqué un porte-parole de Bild à 20 Minutes, ni en septembre 2014, ni dans d’autres interviews ou articles parus dans cette publication (source : 20 Minutes, 4 juin 2020).
CASASNOVAS. Conspiracy Watch a plus d’une fois attiré l’attention sur la dangerosité des discours du youtubeur Thierry Casasnovas. Celui qui considère le SIDA comme une supercherie et affirme que « l’essentiel des maladies psychologiques sont en fait des maladies digestives », et qu’il ne faut pas consulter un psychiatre en cas de dépression ou de schizophrénie, compte aujourd’hui près d’un demi-million d’abonnés sur sa chaîne YouTube. La chaîne YouTube L’Extracteur a consacré une nouvelle vidéo au vidéaste.
Quand T. Casasnovas conseille les personnes atteintes de dépression ou de schizophrénie, il y a vraiment de quoi s’inquiéter…
? La première diffusion de ma petite enquête commence ici dans un instant : https://t.co/LvjNyH4ZX9 pic.twitter.com/DUWtCBJImK— L’Extracteur (@l_extracteur) June 10, 2020
DONALD TRUMP. Le président américain a évoqué le mardi 9 juin 2020 Martin Gugino, l’homme de 75 ans grièvement blessé après avoir été poussé à terre par des policiers lors d’une manifestation. Citant la petite chaîne conservatrice One American News (OAN), qui a, à plusieurs reprises, relayé des théories du complot et que le président américain semble de plus en plus favoriser, Donald Trump émet ouvertement la possibilité d’un coup monté pour nuire à l’image des policiers, accusant sans la moindre preuve l’homme en question d’appartenir aux antifas, un groupe autonome d’activistes antifascistes (source : Paris Match, 9 juin 2020). Sur Twitter, le journaliste Thomas Snegaroff a révélé que le journaliste d’OAN sur lequel s’appuyait Trump était un ressortissant russe, Kristian Brunovich Rouz, travaillant pour le média pro-Kremlin Sputnik. Le journaliste avait notamment diffusé des fake news au sujet d’Hillary Clinton pendant la campagne présidentielle de 2016 (source : The Daily Best, 2 novembre 2019).
OXFAM. Fondée en 1942 à Oxford, Oxfam est la plus réputée des ONG britanniques aux côtés de Save the Children, du World Wild Fund et d’Amnesty International. La crise du Covid-19, qui a mis a mal sa trésorerie, va contraindre l’organisation à se retirer de dix-huit pays et à licencier un tiers du personnel de son siège international, soit 1 450 personnes. Oxfam subit aussi le contrecoup des nombreux scandales qui ont durablement éclaboussé sa réputation : parmi ceux-ci, le soutien implicite de l’ONG à la virulente rhétorique antisioniste de certains de ses activistes. Le Point rappelle ainsi que le 24 mars dernier, Oxfam a dû présenter ses excuses à l’ambassadeur d’Israël à Londres pour avoir mis sur son site de vente en ligne plusieurs copies des Protocoles des Sages de Sion, retirées depuis… (source : Le Point, 9 juin 2020).
FRANCE-SOIR. Le 9 juin 2020, France-Soir a publié une interview très complaisante du vidéaste complotiste Silvano Trotta. À suivre l’évolution de ce média depuis plusieurs mois, cette publication, titre emblématique de la presse française, fondé à la Libération, n’a pas de quoi surprendre. Conspiracy Watch rappelle dans un thread comment, au début du mois de mai 2020, le directeur de la publication a annoncé qu’il entendait proposer à ses lecteurs « une nouvelle expérience à la fois informationnelle, servicielle et divertissante », ce qui s’est traduit par la mise en ligne de contenus propres à séduire le lectorat le plus influencé par l’imaginaire complotiste (source : Conspiracy Watch, 10 juin 2020).
Hier, @france_soir a publié une interview très complaisante du vidéaste complotiste Silvano Trotta.
Ce n’est pas si étonnant pour qui suit l’évolution de ce média depuis plusieurs mois.#Thread ?https://t.co/3XwQ39eH04 pic.twitter.com/DpSalH3VXm— Conspiracy Watch (@conspiration) June 10, 2020
HISTOIRE. Le matin du 17 mai 1972, le commissaire Luigi Calabresi est assassiné devant son domicile à Milan. Accusé par l’extrême gauche italienne d’avoir maquillé en accident le décès de l’anarchiste Giuseppe Pinelli deux ans et demi plus tôt, Calabresi était devenu l’homme à abattre. Dans le climat extrêmement tendu des « années de plomb », la défiance vis-à-vis des autorités est à son comble et mène à des mécanismes d’auto-intoxication. Tandis qu’un manifeste, diffusé à partir de 1970 puis édité en France aux Éditions Champ Libre sous le titre L’État massacre, dénonce le rôle présumé de l’État italien dans la vague d’attentats qui ensanglantent alors le pays, une grande partie de l’opinion de la Péninsule, surtout à gauche, se persuade que la mort de Pinelli a été causée par la police italienne (source : Conspiracy Watch, 12 juin 2020)
INTERVIEW. Arme biologique, Big Pharma, Bill Gates, 5G… Depuis l’apparition du Covid-19, l’origine du virus fait l’objet de tous les fantasmes. Des théories du complot se sont propagées sur Internet, au point de devenir un problème pour les autorités et les scientifiques dans la gestion de la pandémie. Rudy Reichstadt, directeur de l’Observatoire du conspirationnisme et fondateur du site Conspiracy Watch, analyse pour le magazine TelQuel les ressorts psychologiques, politiques et sociaux de ces théories (source : TelQuel, 12 juin 2020).
RESSOURCES EN LIGNE. Conspiracy Watch poursuit son travail de documentation des notions et des acteurs du champ du complotisme. On pourra ainsi se reporter avec profit aux notices consacrées à la web-télé d’extrême droite TV Libertés, au site emblématique de la complosphère francophone Mondialisation.ca, à la Ligue de défense noire africaine, groupuscule afrocentriste dont le leader a récemment qualifié la France d’ « État totalitaire, terroriste, esclavagiste, colonialiste ». On lira également la notice dédiée à Jean Raspail, décédé le 13 juin 2020, auteur du roman culte Le Camp des saints (1973), prisé par la mouvance nationaliste et identitaire. À lire, également, la mise au point sur le terme « Khazars », régulièrement utilisé par la propagande antisémite contemporaine à travers la dénonciation d’un chimérique petit groupe de Juifs qui serait à l’origine de tous les grands maux de l’humanité…
Source: Lire l'article complet de Conspiracy Watch